Thierry Fiorilli

Didier Bellens, la diva lapidée

Thierry Fiorilli Journaliste

Et donc, c’est a priori ce soir que l’aventure prendra fin entre Belgacom et Didier Bellens. Un vendredi de novembre, après la clôture des marchés, par une communication du Conseil des ministres.

Une liquidation, davantage qu’une exécution puisque le patron de l’entreprise publique était sur un siège éjectable depuis longtemps. Et qu’il avait enclenché lui-même le système d’éjection, avec une telle régularité, une telle obstination qu’on se demande encore si, au fond, avec ou sans garantie de parachute doré (malgré son amour sans mesure pour l’argent, « son » argent surtout, un peu comme l’Oncle Picsou qui compte ses billets par passion plus que par crainte), il n’aurait pas été plus simple, pour Didier Bellens, de partir de son propre chef. De décider lui-même de passer à autre chose, ailleurs. Voilà qui aurait eu de la gueule.

Mais l’époque est aux petits bras. Au bon mot, qu’on s’empresse de contester (les propos sont définitivement « mal interprétés ») une fois éteints les premiers rires et embrasée l’indignation (à bon compte) de « l’opinion publique » et de dirigeants politiques. A la saillie censée impressionner le petit comité auquel on s’adresse, mais qui devient excuses brouillonnes dès que le tout-venant en a été (évidemment) informé.

Et donc, a priori, ce soir, affaire Bellens classée : rupture de contrat pour faute grave, gouvernement inflexible, avertissement clair à tout le monde (même un patron employé par l’Etat n’est pas indéboulonnable s’il est coupable d’écarts de langage, de comportements « inappropriés » avec sa fonction, son rang, son salaire) et opération blanche – pas d’indemnités de départ à débourser ni de conséquences sur le cours de l’action Belgacom, son/sa successeur/seuse garantissant continuité de gestion, efficacité donc et, cette fois, risque zéro de dégradation de l’image de l’opérateur public. Bon, il y aura risque de procès intenté par Bellens, mais ça nous reporte à loin. On verra alors si l’éviction du désormais ex-golden boy a tout de même un prix.

En attendant, on peut tout de même se poser quelques questions. Déjà, certains avancent que Didier Bellens, en fait, n’était pas si merveilleux que ça, puisqu’il a hérité d’une situation bien balisée par son prédécesseur, que le marché belge des télécoms équivaut au monde des bisounours comparé à ce qui se passe, en termes de concurrence notamment, en France par exemple, et donc que c’était assez facile de diriger la vache à lait de l’Etat belge, que n’importe qui, en somme, serait parvenu aux mêmes résultats. Bien. Il aura tout de même fallu quelques trop mâles formules pour s’en convaincre, après dix ans de régime Bellens. A 2,6 millions d’euros le salaire, même brut, on aurait bien tenté la fonction. En se taisant dans toutes les langues…

Et toutes les casseroles accumulées depuis quelques années ? Oui. Mais Bellens a été convoqué par ses ministres de tutelle, entendu par des commissions parlementaires, « scanné » par des instances internes, en étant finalement toujours blanchi.

L’homme dont tout le monde voulait la peau, à cause de « son arrogance », tombe donc pour avoir comparé le Premier ministre a un enfant, le jour de Saint-Nicolas, face à une centaine d’hommes d’affaires et deux journalistes, lors d’une conférence comme il en est organisé toutes les semaines. Pour un ricanement de vestiaire. Pour un résumé pas follement élégant de ce qui, dans les faits, est une réalité.

Résultats ? Une épine hors du pied du gouvernement, à six mois des élections. Une jolie tête offerte au « peuple » (un patron, un gros salaire, une grande gueule, un intouchable : strike !). Et une libération pour Didier Bellens, qui ne reste pas démuni et pourra enfin dire ce qu’il veut, où et quand il le veut, à qui il le veut, sans que personne ne vienne ensuite le déranger pendant le si plaisant comptage de billets.

Happy end donc. Mais sans allure. Comme chaque fois que celui ou celle qui était tellement courtisé(e) , par absolument tout le monde, est lapidé. Par les mêmes.

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