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« Di Rupo n’aurait pas de grande difficulté à vendre l’âme du PS à son profit »

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

Elle tire toujours plus vite que son ombre. Malgré les problèmes de santé et les ennuis judiciaires qui ont précipité sa chute politique. Anne-Marie Lizin garde la détente facile dès qu’il s’agit de flinguer Di Rupo et le PS de ses anciennes amours qui ont fini par la virer.

Il y a des sujets qui fâchent encore Anne-Marie Lizin. Ses démêlés avec la Justice, par exemple. No comment ! En attendant, il y a une vie après le PS.

Le Vif/L’Express : La politique nationale active vous manque-t-elle ?

Anne-Marie Lizin : Pas du tout. Mais on ne peut pas être Belge et ne pas s’y intéresser.

On a instrumentalisé la crise institutionnelle longue de 540 jours ?

Il y a eu instrumentalisation d’un parti, le PS, au service d’une carrière individuelle. Elio Di Rupo est apparu comme candidat Premier ministre lorsqu’il a senti qu’il pouvait se le permettre du côté du PS sans rencontrer d’opposants à Bruxelles. Mais aussi parce que le MR et le FDF se sont séparés (NLDR : fin septembre 2011). Seule cette scission MR-FDF a permis la réalisation de l’ambition principale de Di Rupo : devenir Premier ministre, le premier francophone depuis Edmond Leburton. Le MR a fait un fait un fameux cadeau à Elio Di Rupo.

Les partis francophones ont trouvé leur grand Satan : Bart De Wever et la N-VA. Devront-ils s’allier avec un parti et un homme qu’ils ont à ce point diabolisés ?

Il faut absolument éviter de s’allier avec la N-VA. Ce qui va poser un vrai problème démocratique si la N-VA gagne. Bart De Wever, d’ici le scrutin de mai 2014, va vraisemblablement utiliser la victoire prévisible du FN de Marine Le Pen aux élections municipales françaises de mars prochain, pour souligner que Marine Le Pen est acceptée dans pas mal de villes françaises, et que lui-même, De Wever, n’est pas non plus quelqu’un de dangereux.
Plus la victoire de la N-VA sera importante, plus le temps passé à découvrir un francophone qui veut bien continuer au 16 rue de la Loi sera long. Mais ce temps viendra. Et ce sera au prix de nouvelles concessions francophones, une fois encore sur Bruxelles.

A suivre votre raisonnement, Elio Di Rupo irait jusqu’à vendre l’âme du PS pour redevenir le Premier ministre francophone ?

L’âme du PS ? Di Rupo n’aurait pas de grande difficulté à la vendre à son profit. La réponse est clairement oui. Le niveau fédéral n’intéresse pas Bart De Wever. Il a besoin d’un francophone intéressé. Il va donc chercher son francophone de service. Mais ce processus ne pourra se faire qu’au terme d’une longue crise, à moins d’un nouveau krach bancaire.

La tentation régionaliste du côté wallon vous fait-elle peur ?

La N-VA veut susciter un régionalisme wallon, parce qu’il peut l’aider à réussir dans sa vision confédéraliste.

L’éthique en politique connait un retour en force : polémique à répétition sur les indemnités parlementaires de sortie de fonction, sur le cumul des mandats. Chasse aux sorcières ou vraie oeuvre de salubrité publique ?

L’éthique en politique, ah bon ? (Rires) Je les plains, je les trouve tellement touchants. Cela fait partie du plaisir d’être aujourd’hui dehors… Moi, je demande : et l’éthique dans les médias, dans tout ça?

Le PS, un parti d’apparatchiks ?

Bien sûr. C’est un parti d’apparatchiks concentrés autour d’une seule personne. Je peux mettre le doigt sur un tel, dont je sais qu’il ne bougera jamais parce qu’il est avocat de telle grosse boîte publique, et que son portefeuille est en jeu. Ces gens terminent leur boulot à 17 heures les jours où ils travaillent beaucoup, et ne veulent surtout pas de problèmes.
Cette politique entraîne une chute catastrophique du militantisme au PS, jusqu’à des baisses de 50%. A Huy, mon groupe (NDLR : PourHuy) compte plus de militants que la section locale du PS. La nouvelle structure du PS ne donne plus de place au militant, elle ne respecte plus sa voix.

« Sans nous, ce serait pire » : vous avez soutenu ce raisonnement lorsque vous étiez en vue au PS…

Oui, bien sûr (Rires). « Ce sera dur, mais les Wallons s’en sortiront » : ce genre de formule fonctionne toujours, parce qu’elle s’applique à une région de vieille mentalité qu’est la Wallonie.

Le PS et vous, c’est totalement fini ?

Oui, et je dis ouf ! J’ai eu le sentiment d’une libération. Je me sens dégagée de toute une série d’obligations aussi abominables qu’inutiles. Cette rupture a aussi coïncidé avec mes problèmes de santé (NDLR : Anne-Marie Lizin a été victime d’une crise cardiaque en décembre 2008).

L’intégralité de l’interview dans Le Vif/L’Express de cette semaine

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