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Di Rupo Ier, un casting très… N-VA

Hors jeu mais toujours aussi puissants, les nationalistes flamands de Bart De Wever ont bien contribué à profiler le gouvernement Di Rupo Ier. Le Premier ministre est sans doute wallon et socialiste, mais son équipe gouvernementale fait la part belle à la droite libérale et à la Flandre. Le meilleur antidote à la N-VA…

Di Rupo Ier a un visage, dix neufs profils. Avant même de faire ses preuves, la tripartite (PS-MR-CDH-CD&V-Open VLD-SP.A) entre déjà dans l’Histoire. Elle détonne par ses 541 jours d’accouchement, elle décoiffe par son chef : un Wallon, qui ne pouvait être que socialiste. Elio Di Rupo au 16 rue de La loi après 38 ans d’occupation flamande des lieux : c’est tout un événement.

Ce Premier ministre pas comme les autres est entouré d’une « fine » équipe. Di Rupo Ier s’abstient de faire le plein de ministres : treize au poste, deux de moins que la norme. Le signal politique, inédit, a ses limites : les secrétaires d’Etat, quatre flamands et deux francophones, font toujours l’appoint. Impossible de s’en passer, paraît-il.

Les présentations au sein de l’équipe seront vite expédiées. Dix des treize ministres jouent les prolongations .Il n’y a que trois « petits nouveaux » à accueillir : le Premier Di Rupo (PS) et les SP.A (jusqu’ici dans l’opposition) Vande Lanotte et Monica De Coninck. Quatre des cinq vice-premiers se succèdent à eux-mêmes, quatre anciens présidents de parti sont à bord (Di Rupo, Reynders, Milquet, Vande Lanotte.) « Ce souci de stabilité et d’efficacité peut aussi trahir une peur d’affronter une législature délicate qui s’annonce impopulaire », décode Vincent de Coorebyter, directeur général du CRISP.

Di Rupo asexué linguistiquement, ministres francophones et flamands font jeu égal. Les apparences sont sauves, mais le déséquilibre est patent : « Dix ministres et secrétaires d’Etat néerlandophones ont une assise parlementaire de 43 sièges à la Chambre, neuf ministres et secrétaires d’Etat francophones s’appuient sur 50 sièges. Les Flamands ont la majorité à l’exécutif, sans l’avoir dans leur groupe linguistique à la Chambre. » Cela porte un nom : surreprésentation.

Gauche ? Droite ! Di Rupo Premier ministre : après avoir tiré le gros lot, le PS est passé à la caisse. Là encore, le boulier-compteur du CRISP ne roule pas en faveur du seul grand vainqueur des élections de 2010 à monter au gouvernement. La famille socialiste y est bien mal récompensée de son poids parlementaire : 39 députés PS-SP.A nécessaires pour obtenir sept ministres et secrétaires d’Etat. Il n’a fallu que 28 députés MR et Open VLD et 26 élus CD&V-CDH pour décrocher, les uns et les autres, six ministres et secrétaires d’Etat. Verdict: « Le gouvernement est plus à droite que sa majorité parlementaire. » C’était le prix à payer par le PS pour avoir le Premier ministre et conserver la présidence de la Chambre, poste-clé.

Les postes détenus annoncent aussi la couleur. Ceux tombés aux mains de la droite pèsent lourd : Justice (Open VLD), Budget (MR), Asile-Immigration (Open VLD), Affaires étrangères (MR, un retour aux francophones). Cerise sur le gâteau libéral : les Pensions (Van Quickenborne) tombent entre leurs mains. Délogée de son fief, la gauche socialiste délaisse aussi toutes les fonctions régaliennes (l’Intérieur passe chez la CDH Milquet) pour s’arc-bouter sur ses derniers fondamentaux : la Sécu (Onkelinx), les Entreprises publiques (Poste, SNCB confiés à Magnette); l’allié SP.A n’en mène pas large : son homme fort au gouvernement, le vice-premier Vande Lanotte, se contente de l’Economie (largement régionalisée), des Consommateurs et de la Mer du Nord (dans le jardin de cet Ostendais.) Même la touche foncièrement verte n’a pas résisté à l’éviction des Ecolos : ne dites plus ministre du Climat, mais du Développement durable.

Ce Di Rupo Ier réussit donc plutôt bien à la droite et à la Flandre. A croire qu’il a été pensé pour le grand absent, toujours menaçant. « Ce gouvernement a des allures de pare-feu envers la N-VA : il s’agit d’éviter au parti de Bart de Wever un boulevard pour les élections de 2014 », juge Vincent de Coorebyter. Guérir le mal par le mal : la pilule est amère pour le PS.

Pierre Havaux

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