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Deux tiers des Belges vivent dans un endroit trop grand

Muriel Lefevre

67% des Belges vivent dans un endroit sous-occupé. C’est le double de la moyenne européenne. Notre pays est même dans le top quatre européen. Seuls l’Irlande, Chypre et Malte font mieux.

Pour déterminer si une maison est trop grande ou trop petite pour son nombre d’habitants Eurostat utilise une formule alambiquée qu’on peut résumer comme suit: chaque adulte ou couple a droit à sa chambre comme chaque enfant s’ils n’ont pas le même sexe. Les enfants de moins de 12 ans peuvent partager une chambre, tout comme des enfants du même sexe jusqu’à l’âge de 18 ans. Pour être « correctement logé », selon ces standards, une famille lambda – composée de deux parents, d’une fille de 11 et d’un garçon de 14 ans- doit avoir quatre chambres. Soit un espace de vie, un salon par exemple, plus trois chambres. S’il y a plus de chambres, alors on considère que la maison est trop grande, s’il y en a moins c’est qu’elle est trop petite. En Allemagne, par exemple, seulement 35% de la population déclare que leur maison est trop grande, en Grèce ils ne sont que 10%. A contrario, seuls 5% des Belges vivent dans une maison surpeuplée alors que 28% des Italiens et 14% des Grecs sont dans ce cas. Les pays européens où les habitants vivent le plus les uns sur les autres sont la Roumanie, la Lettonie, la Bulgarie, la Pologne et la Hongrie. La Grèce et l’Italie s’en tirent un peu mieux. Au milieu de la liste, on retrouve les principaux pays d’Europe de l’Ouest que sont l’Allemagne, la France et la Grande-Bretagne. Parmi les mieux lotis, on retrouve l’Espagne, les Pays-Bas, le Danemark et la Finlande.

Pression immobilière

De telles données ont leur importance dans un contexte de pression immobilière. D’autant plus que sur dix ans, la charge du coût du logement a progressé pour les locataires. Elle représente aujourd’hui plus de 25% des revenus disponibles du ménage pour 76,2% de la population, alors qu’en 2006 cela n’était le cas que pour 67,% de la population. Plus inquiétant encore cela représente plus de 50% des revenus pour 20,2% de la population. Un problème particulièrement aigu pour les personnes seules ou les familles monoparentales puisque, « en 2016, 28% des personnes consacrant plus de 40% de leurs revenus au logement sont des personnes seules, 22% des personnes seules avec enfants, contre seulement 4% de couples avec enfants » signale l’Echo. Une telle hausse n’est pourtant pas une question d’offre insuffisante puisque les statistiques montrent que l’on ne manque pas de logements. Partout, sur les 20 dernières années et à l’exception de Bruxelles, le nombre de logements a augmenté plus vite que le nombre de ménages.

Personnes âgées

Une des explications pourrait venir du fait que de plus en plus de personnes âgées vivent dans une maison trop grande pour eux, mais aussi inadaptée à leur nouveau besoin. Plutôt que chercher à renforcer l’offre de logement, on ferait peut-être mieux d’optimiser le parc immobilier disponible. C’est ce que propose l’économiste Philippe Defeyt (Institut pour un développement durable) dans les conclusions d’une étude réalisée sur l’évolution des ménages lors des deux dernières décennies. Son étude rejoint d’ailleurs les chiffres d’Eurostat cités plus haut, puisque, pour lui, sur la période 2014-2016, 70% de personnes vivent dans un logement sous-occupé. On constate qu’il s’agit souvent de personnes âgées (65 +) et propriétaires. Defeyt n’est d’ailleurs pas le seul à être arrivé à cette conclusion puisque le sociologue Pascal De Decker, à la tête du groupe de recherche Housingand Urban Studies (HaUS) de la KU Leuven, tire lui aussi la sonnette d’alarme. Il y a de plus en plus de personnes âgées qui vivent dans un logement qui ne leur convient pas, ou plus. Au-delà de la quelque peu cynique perte de place urbanistique que cela pourrait représenter, ces personnes risquent aussi et surtout de se retrouver très isolées et ne vont pas avoir les soins nécessaires. Pour De Decker c’est là l’addition d’une mauvaise gestion urbanistique. Car contrairement à l’idée rependue, si les personnes restent cramponnées à leur maison, ce n’est pas par pure nostalgie, mais bien par manque d’alternative. Ces personnes n’ont souvent aujourd’hui d’autre choix que des résidences pour seniors souvent très chères et situées dans des endroits moches ou des centres de soins résidentiels qui accueillent des personnes déjà très diminuées. S’il n’est pas encore trop tard, le pic du vieillissement de la population va être atteint d’ici 12 ans, il est urgent de trouver des solutions puisque d’ici là le groupe de 80 ans et plus sera si important qu’on risque bien de se retrouver face à un véritable problème sociétal.

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