Thierry Fiorilli

Des vertus de l’aversion

Thierry Fiorilli Journaliste

Magnette-Michel, Di Rupo-Reynders, Milquet-Reynders, Maingain-Michel, Lutgen-Michel… Des duos qui se détestent, qui se méprisent, qui se déchirent. Et qui ne s’en cachent pas.

La haine, en politique, c’est de l’histoire très très ancienne. Mais la haine clamée, en direct, sur tous les toits, comme une marque de fabrique, c’est beaucoup plus contemporain. Allez dès lors espérer que, lorsqu’il s’agit de nouer alliance, c’est encore prioritairement l’intérêt général qui dictera les choix ! Résultat : le PS a décidé de faire sans le MR en Wallonie et à Bruxelles (ou le FDF a préféré le PS à son ancien allié libéral), le CDH a refusé d’accompagner le MR au fédéral où le MR a sauté sur l’occasion pour débarquer le PS. Autrement dit, si l’occasion se présente, on ne se prive pas d’éliminer en deux coups de cuiller à pot celui qu’on vomit. L’homme, plus que le parti.

C’est pareil en Flandre. Et entre Nord et Sud. Et malgré les discours arguant d’une convergence de programmes, d’une cohérence de valeurs, d’une prise en compte de la volonté exprimée dans les urnes par la population… Pourtant, il aurait suffi de liens un peu moins empoisonnés entre individus pour que l’enchaînement chronologique des événements après les élections du 25 mai et la composition des différentes majorités soient sensiblement différents.

On appelle ça « la psychologisation ». C’est l’un des nouveaux mots du Larousse 2015. Définition : « Tendance à donner une importance croissante, voire excessive, à la psychologie dans un domaine donné. Exemple : la psychologisation de la presse féminine. » On l’utilise de plus en plus régulièrement pour pointer la part de « non-rationnel » justifiant telle ou telle décision de nos dirigeants politiques. Et notamment, dans le cas belge, pour expliquer la composition des dernières majorités régionales et fédérale : elles semblent découler au moins autant de contextes psychologiques très particuliers que d’accords secrets, de logiques arithmétiques ou d’osmoses idéologiques.

On peut le regretter. Parce qu’auparavant, « les hommes d’Etat » passaient outre les aversions pour se coaliser, « dans l’intérêt du pays ». Aujourd’hui, les allergies personnelles pèsent autant que le sens du devoir, voire celui des responsabilités.

On peut aussi considérer que ce n’est pas que négatif : alors que l’antipolitisme croissant s’explique notamment par la conviction des citoyens que tout est toujours joué d’avance, toujours au bénéfice des mêmes, l’après-élections prouve que ce n’est pas le cas cette année. Chaque dirigeant de parti qui pouvait prétendre au pouvoir, à quelque échelon que ce soit, a choisi, en âme et conscience. D’y aller ou non. A plusieurs ou tout seul. A ses risques et périls. Et aux nôtres aussi, simples citoyens électeurs ayant assisté à des scénarios inimaginables il y a moins de deux mois.

Personne n’est en mesure d’en prévoir les conséquences collectives. Mais chacun doit admettre qu’ils annoncent du changement. Ce qui n’est pas forcément une mauvaise nouvelle.

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