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Des tueurs comme Nordine Amrani  » tuent pour laisser une trace »

Nordine Amrani, le tueur de la place Saint-Lambert fait partie de la liste tristement longue des tueurs de masse, comme Anders Breivik en Norvège. Qui sont ces criminels qui tirent à l’aveugle dans la foule ? Analyse de Stéphane Bourgoin, spécialiste des tueurs en séries et des tueurs de masse.

Nordine Amrani fait visiblement partie de la catégorie des tueurs de masse. Comment peut-on les caractériser ?

Stéphane Bourgoin : Ce sont des individus totalement frustrés, persuadés de n’être pas reconnus à leur juste valeur. Ils sont généralement fascinés par les armes à feu, qu’elles soient de guerre ou de chasse, ce qui semble être le cas du tueur de Liège (NDLR : Amrani a été condamné en 2008 pour possession d’un véritable arsenal, dont un lance-roquette, un fusil Fal, un AK47, un MP40 avec viseur laser). Beaucoup aiment se déguiser en revêtant un uniforme de l’autorité policière ou militaire. Ce sont, dans 80 % des cas, des suicidaires extravertis : ils ne veulent pas se suicider seuls dans leur coin, mais ils veulent laisser une marque indélébile dans l’histoire, car ils sont animés par un sentiment de haine et un énorme désir de vengeance.

Ce peut être une décision de justice qui met le feu aux poudres ?

Oui, comme pour Friedrich Leibacher qui avait abattu onze députés et trois conseillers d’Etat au parlement de Zoug en Suisse, il y a dix ans. Il avait déposé sept plaintes mais avait été débouté par le tribunal de Zoug quelques jours avant la tuerie. Ces tueurs se disent victimes de la société et vouent une haine farouche aux institutions.

Ces tueries de masse ont tendance à se multiplier. Encore ce 3 décembre à Hollywood, un homme a ouvert le feu sur des voitures en criant vengeance, avant d’être abattu par la police…

On recense environ 115 tueries de ce genre, ces vingt dernières années. Presque toutes sont commises par des hommes et, dans 95 % des cas, ce sont des tueurs solitaires. On peut vraiment parler de crime d’imitation. Les tueurs de masse s’inspirent les un des autres, d’autant que la plupart d’entre eux laissent un testament numérique ou manuscrit qui est souvent rendu public. Par son hypermédiatisation, le massacre du lycée Columbine, en 1999, a constitué un tournant à ce niveau.

Amrani était lourdement armé (grenades et fusil). Pourquoi ces tueurs veulent faire le plus de morts possible ?

Cela fait partie de leur plan de vengeance. Ils tuent pour laisser une trace, en emportant le maximum de victimes avec eux. Ces tueurs sont extrêmement narcissiques. Il n’y a qu’eux qui comptent, à leurs yeux. Leurs victimes n’ont aucune importance.

Comment prévenir ce genre de crime imprévisible ?

Le meilleur moyen, selon moi, est de ne pas donner l’identité de ces tueurs qui s’imitent entre eux, puisque leur motivation ultime est de passer à la postérité. En Suisse, les médias jouent déjà le jeu en ne publiant pas les noms des tueurs de masse. Cela commence au Québec depuis peu. Mais cette règle est extrêmement difficile à appliquer par les forces de l’ordre, la justice et les médias, surtout dans un monde où l’information circule aussi vite et aussi largement.

Entretien : Thierry Denoël

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