© AFP

Des retrouvailles manquées entre Johnny et la Belgique de son père

Le Vif

Johnny Hallyday, décédé dans la nuit de mardi à mercredi, n’a jamais vraiment renoué avec la Belgique, le pays de son père qui l’a abandonné après sa naissance, comme l’illustre sa bataille controversée pour acquérir la nationalité belge avant de finalement renoncer, il y a dix ans.

« Je l’ai inventé tout entier/Il a fini par exister/Je l’ai fabriqué comme j’ai pu/Ce père que je n’ai jamais eu », a chanté « l’idole des jeunes » qui n’a jamais fait mystère de cette blessure inconsolée.

« Ne pas avoir eu de père a marqué toute ma vie. La déchirure… », écrit Johnny, né le 15 juin 1943 à Paris, dans son autobiographie. Léon Smet — un artiste de cabaret bruxellois proche des Surréalistes, monté à Paris avant la Deuxième Guerre mondiale — a déserté le foyer familial huit mois après la naissance de son fils, qu’il a d’ailleurs tardé à reconnaître à l’état civil.

En réalité, Jean-Philippe Smet, le nom de Johnny, sera élevé par sa tante paternelle belge Hélène, qui vivait alors à Paris avec son mari et ses deux filles. Le petit garçon déménagera ensuite avec cette famille d’artistes à Londres, où ses deux cousines étaient devenues danseuses de music-hall. Après la guerre, son père qui avait travaillé pour une télévision lancée par l’occupant nazi à Paris, se réfugie en Espagne comme de nombreux Français craignant d’être poursuivis pour collaboration, selon ses biographes.

Léon Smet revient ensuite à Bruxelles, où il ouvre une école d’art dramatique, mais sans jamais vraiment reprendre contact avec son fils. « Toute ma vie, j’ai été obsédé par l’absence de mon père, jusqu’à sa mort. Je ne l’ai pas connu, sinon dans des moments désagréables. Il était alcoolique, séducteur, ingérable et un grand artiste, comme me l’avait un jour confié Serge Reggiani, qui l’avait eu comme professeur de comédie à Bruxelles », a raconté Johnny au Journal du dimanche en 2014. « Ça ne m’a pas empêché de pleurer à ses funérailles », le 20 novembre 1989 au cimetière de Schaerbeek à Bruxelles, a confié le chanteur. « Ce jour-là, j’étais le seul à avoir fait le déplacement. Pas une femme, pas un ami. La solitude absolue devant la mort. Je n’aimerais pas finir comme ça ! »

Cette filiation frustrée a été au coeur d’un feuilleton hyper-médiatisé en 2006 et 2007, lorsque Johnny a décidé — à la grande surprise de ses fans — de demander la nationalité belge pour « raisons sentimentales ». Mais en pleine campagne électorale, le chanteur, qui avait affiché un soutien appuyé au candidat de droite Nicolas Sarkozy, a été accusé de vouloir par ce biais échapper au fisc français. Johnny Hallyday venait alors de s’installer dans la station de ski huppée de Gstaad (Suisse) et ses détracteurs lui prêtaient l’intention d’une domiciliation à Monaco, où les Belges jouissent, contrairement aux Français, d’une fiscalité très clémente.

Mais l’affaire se corse rapidement. Faute d’avoir sa résidence principale en Belgique, Johnny doit prouver des « attaches véritables avec la Belgique ». Son cas litigieux doit être tranché au plus haut niveau, par la Commission des naturalisations du Parlement belge. « Ma filiation me lie de façon certaine à la Belgique, pays de mes racines », avait fait valoir la star dans une lettre manuscrite adressée aux députés, soulignant qu’il aurait pu lui aussi « être belge le jour de (sa) naissance, en 1943, s’il n’y avait pas eu de discrimination, à cette époque, entre les enfants légitimes et ceux nés hors mariage ».

Après 21 mois d’attente et alors que les parlementaires belges doutaient ouvertement de la « sincérité » de sa démarche, Johnny Hallyday avait tout simplement fini par renoncer en octobre 2007. « Je suis Français. Je reste Français. J’ai changé d’avis. On m’a assez traîné dans la boue, avait-il expliqué, ajoutant: « Je me suis demandé ce qu’avait fait, après tout, mon père pour moi. J’ai eu le temps de réfléchir… Je suis très bien comme je suis! ».

Belge ou pas, Johnny est resté très populaire au pays de Jacques Brel, Salvatore Adamo, Frédéric François et Plastic Bertrand. En témoigne l’hommage spontané organisé par des centaines de motards à son arrivée à Bruxelles en juin dernier pour un concert. « Il a plus un tempérant belge que français. Il a plus d’humour », raconte à l’AFP Nadine Kerwyn, une fan inconditionnelle depuis les années 1960. Mais « ça n’a aucune importance qu’il soit français ou belge. Il est francophone, c’est tout », estime cette retraitée de la région de Tournai (sud de la Belgique).

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire