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Depuis 20 ans l’affaire du dépeceur de Mons reste un mystère

Le 22 mars 1997, un chat joue avec une main humaine. Elle vient d’un sac-poubelle. On est à Cuesmes, près de Mons. C’est le début de l’enquête autour du sinistrement célèbre « dépeceur de Mons ». Vingt ans plus tard, on ne sait toujours pas qui il est.

Vingt ans après la découverte des premiers sacs-poubelle contenant des parties corporelles humaines par Olivier Motte, un policier à cheval, on ne sait toujours pas qui se cachait derrière le pseudonyme du funestement célèbre « dépeceur de Mons ».

Aujourd’hui encore, personne ne sait dire si les faits ont été commis par un ou plusieurs auteurs, ni même comment les victimes ont été tuées avant d’être découpées à la scie et emballées dans des sacs-poubelle.

Le dépeceur de Mons est toujours dans la nature

L’homme était-il seul? Etait-ce un homme ou une femme? Avait-il des complices? « S’il avait des complices, ça se saurait depuis longtemps », explique Dominique Francq, premier substitut du parquet de Mons. « On peut parfois penser à une personne qui aurait pu être en transit dans la région, de Mons. » Pour l’heure, l’enquête n’a toujours rien donné, malgré l’analyse de milliers de données, d’indices, de témoignages, parfois farfelus.

L’enquête continue, certes, notamment à la lueur des nouvelles techniques d’analyse de l’ADN. Mais il ne reste plus qu’un enquêteur, le chef d’enquête, qui travaille toujours aujourd’hui sur le dossier. Toutes les pistes possibles ont déjà été exploitées par la « Cellule Corpus » qui avait été spécialement et uniquement créée pour gérer l’enquête. Celle-ci était dirigée par le juge d’instruction Pierre Pilette du Parquet de Mons mais elle n’existe plus aujourd’hui.

« Il reste aujourd’hui un enquêteur sur cette affaire, ce qui veut dire qu’on n’a pas laissé tomber les bras. Nous avons chargé l’Institut National de Criminalité et de criminologie (INCC) de ré-analyser, à la lueur des nouvelles technologies, les traces ADN. Mais, imaginons qu’un ADN soit identifié, encore faut-il qu’il soit répertorié pour trouver un éventuel suspect. Nous ne savons donc pas si nous pourrons aller plus loin dans cette enquête. Nous avons, par ailleurs, plus de mille sous-fardes dans ce dossier, avec des témoignages qui nous sont arrivés au fil du temps, à une émission de la RTBF (Devoir d’Enquête), notamment. Tous ces témoignages, même les plus farfelus, ont été exploités. La grosse difficulté dans cette affaire est qu’il n’y a pas de scène de crime. Notre grande frustration est, outre le fait que le coupable n’est toujours pas identifié, de n’avoir pas encore pu dire quelque chose aux familles des victimes. Tout ce que nous savons, c’est que les corps ont été découpés post mortem. La prescription des faits est dans dix ans. À condition que la loi ne change pas d’ici-là. »

Les analyses ont permis de découvrir que les parties corporelles humaines, démembrées à la scie post mortem, trouvées dans les sacs-poubelle, dont certaines étaient identifiés de « Knokke-Heist », appartenaient à cinq femmes, toutes des personnes seules, fragilisées et qui fréquentaient le milieu populaire du quartier de la gare de Mons, à la recherche du contact humain.

Retour sur les faits

La découverte des premiers sacs-poubelle remonte au 22 mars 1997.

Ce jour-là un policier à cheval, Olivier Motte, aperçoit un chat en train de jouer avec un objet qui allait s’avérer être une main humaine. Dans la foulée, huit sacs seront découverts en contrebas de la Rue Vandervelde à Cuesmes, près de Mons. Les analyses allaient démontrer que les sacs contenaient des restes de trois corps de femmes. Il s’agit, entre autres, des bras et jambes de Jacqueline Leclercq (33 ans), une mère de famille de 4 enfants, disparue depuis le 22 décembre 1996.

« Il faisait beau ce samedi matin là », se souvient Dominique Francq, premier substitut du Parquet de Mons. « Quand le médecin légiste nous a appris qu’il y avait un troisième pied, ce fut un coup de tonnerre. On n’était pas dans une criminalité latine. Il n’y a pas eu de cas similaires à celui du dépeceur de Mons en Europe.

« Je me suis toujours demandé ce qui aurait pu se passer si ce chat n’avait pas ouvert un sac et pris une main. Peut-être le service de voirie aurait été appelé et aurait emporté ces sacs avec d’autres déchets, sans rien remarquer. Je me souviens que chaque jour, après les découvertes, les autopsies, il fallait pouvoir retrouver une vie de famille normale, pouvoir trouver le sommeil, avant de retourner le lendemain sur le dossier. »

Le lendemain du 23 mars, un neuvième sac sera découvert dans la même rue que les premiers. Le 24 mars, un dixième sac est découvert au Chemin de l’Inquiétude à Mons. Ce sac contenait un buste de femme, celui de Nathalie Godart (21 ans), disparue le 16 mars 1997. Selon le parquet, Nathalie Godart avait participé à une marche blanche quelques jours plus tôt. Elle avait été filmée parmi les participants.

Martine Bohn (43), Carmelina Russo et Jacqueline Leclercq.
Martine Bohn (43), Carmelina Russo et Jacqueline Leclercq. © Belga

Deux autres sacs-poubelle furent trouvés le 12 avril tout près de la Haine, à la Rue du Dépôt à Havré (Mons). Ces sacs contenaient divers restes humains, dont une tête de femme, la seule tête que l’enquête découvrira. C’est celle de Nathalie Godart identifiée par sa propre mère sur base d’un portrait-robot.

D’autres parties de son corps (cuisses et bras) allaient être découverts six jours plus tard, le 18 avril, dans deux sacs à la rue de Saint-Symphorien à Havré (Poudrière) par un employé communal de Mons.

Enfin, le 18 octobre de cette même année, un enfant découvre un crâne de femme à Hyon. C’est Begonia Valencia (37 ans), disparue de son domicile à Frameries depuis juillet 1997, fut découvert par un enfant au Chemin de Bethléem à Hyon le 18 octobre 1997.

Les enquêteurs vont a posteriori établir un lien avec deux autres macabres découvertes qui avaient eu lieu quelque temps auparavant. On retrouve le bassin de Carmelina Russo (45/42 ans), disparue depuis le 4 janvier 1996 de son domicile à Mons le 21 janvier 1996 dans l’Escaut, à Château-L’Abbaye dans le Nord de la France. Le 22 juillet 1996, on retrouve le buste de Martine Bohn (43 ans) dans les eaux de la Haine, au Chemin de l’Inquiétude à Mons.

Plusieurs suspects identifiés, en vain

Des centaines de pistes seront exploitées par les enquêteurs. Des suspects ont été identifiés, en vain, faute de preuves.

Léopold Bogaert, dit « Le Gitan », compagnon d’une des victimes, Nathalie Godart, était un marginal vivant dans un camp à Jemeppe-sur-Sambre au moment de la disparition de cette dernière. Il fut placé sous mandat d’arrêt en avril 1997 puis relâché, faute de preuve. La piste sera écartée.

Tout comme celle d’un suspect de faits similaires, originaire du Monténégro, qui aurait séjourné en Belgique dans la période des faits et qui fut arrêté à New York en 2007.

Ou encore celle d’un médecin ORL montois, accusé par son propre fils, via des lettres envoyées à la justice montoise en août 2009 et en janvier 2010, d’être le dépeceur de Mons. Aucune preuve n’a pu étayer les « impressions » de l’auteur des courriers.

Les enquêteurs vont également faire des recherches auprès du SHAPE à Casteau. Une hypothèse était que le dépeceur aurait travaillé pour l’OTAN avant de rentrer dans son pays d’origine. Cette piste, comme les autres, ne mena à rien.

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