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Démission de Di Rupo : les éditorialistes se lâchent

Après la démission, lundi, du formateur Elio Di Rupo les éditos ont fleuri dans la presse. Voici ce qui a été dit des 2 côtés de la frontière linguistique.

Entre triste spectacle et sentiment douloureux de honte, les éditorialistes de la presse flamande pointent la crainte de nouveaux petits jeux politiques de part et d’autre. Ils semblent s’accorder sur un point : les négociateurs n’ont pas le choix. Ils doivent parvenir a un accord ou du moins une solution pour éviter la catastrophe.

Dans le Tijd, Bart Haeck estime qu’on a atteint « un nouveau seuil critique » et que nous sommes de nouveau « dans des petits jeux politiques classiques » qui « ne sont plus crédibles pour avoir été trop souvent joués ces six derniers mois ». « Si l’espoir fait vivre, alors nous pouvons espérer qu’ils passeront ce seuil critique. Petits jeux ou pas, les problèmes de notre pays n’ont pas disparu hier. Ils sont toujours là. La mauvaise nouvelle c’est qu’à nouveau, il apparaît difficile de trouver un gouvernement qui ose et peut les aborder ».

Pour Wouter Verschelden du Morgen, la colère fait place lentement à un « sentiment douloureux de honte ». L’échec est une responsabilité collective, selon lui. Les hommes politiques des deux côtés de la frontière linguistique ont prouvé une chose, selon lui: l’ignorance n’a pas de préférence linguistique.

Pour Liesbeth Van Impe du journal Het Nieuwsblad, la réalité est simple: les six partis sont condamnés à former un gouvernement. « Les négociateurs ont encore au moins une mission: éviter la catastrophe », souligne Bart Sturtewagen dans De Standaard. Cette formation est bloquée depuis plus de 500 jours, car deux partis « sont encore incapables d’évaluer la position de chacun ». « Un gouvernement doit être formé et doit être prêt à prendre les mesures que la situation exige. Si ce n’est pas le cas, tous les partis porteront l’échec de la catastrophe », explique-t-il.

« Démissionnaire », c’est le mot de l’année pour Luc Van der Kelen du journal Het Laatste Nieuws. « Après un Premier ministre démissionnaire, nous avons un formateur démissionnaire. Di Rupo n’a pas le choix. Il ne pourra jamais former un gouvernement si un partenaire se sent fondamentalement menacé », souligne l’édito. L’Open Vld doit aussi réaliser qu’il n’est pas le plus grand parti et qu’il a perdu les élections, selon Van der Kelen. « Le formateur n’a pas le choix. Il doit retourner aux négociations même avec le courage du désespoir. S’il ne le fait pas, ce serait alors irresponsable ».

Le journal Gazet van Antwerpen souligne « le triste spectacle », néfaste pour la crédibilité des politiciens. « Qui croit encore ces gens ? » se demande l’éditorialiste. Pour le journal, la démission d’Elio Di Rupo est une « tactique feinte » pour convaincre les libéraux d’accepter un budget avec de nouveaux impôts et peu de réformes socio-économiques. « L’Open Vld est désormais le père Fouettard, responsable de l’échec des négociations. L’Europe réclame beaucoup plus que ce qui est déposé sur la table. Les marchés financiers ne vont pas épargner le pays tant qu’il n’y a pas de changement sur le fond », lit-on encore. « La Belgique est devenue ingouvernable. À terme, cette division sera notre chute ».

Dans Het Belang van Limburg, l’édito met en lumière le rôle du roi. « Ce n’est pas la première fois qu’Elio Di Rupo dramatise la situation politique et que le roi soit mobilisé comme assistant pour forcer un accord. Cela ne serait pas étonnant que ce soit le cas cette fois aussi, car Di Rupo sait qu’il ne dispose pas d’alternative à la formule des six partis. Toute autre formule reviendrait à tout recommencer et il n’y a plus de temps pour cela ».

Lamentable, irresponsable, spectacle surréaliste

Si beaucoup regrettent cette impression de show médiatique et mettent en cause la responsabilité de tous partis, ils placent tout de même les partis libéraux et en particulier l’Open Vld au coeur de leurs attentions.

« Lamentable ! », titre l’Avenir dans son édito. « Le scénario serait donc écrit, comme une lente dramaturgie, avec ses moments de tension silencieuse, ses quelques périodes d’apaisement et ses brusques irruptions de suspense. Sans trop savoir si la pièce que nous jouent les négociateurs fédéraux sera, au bout du compte, un grand succès public ou un lamentable navet », souligne l’Avenir. L’Avenir dénonce le manque de responsabilité des dirigeants, les « intérêts partisans et particuliers » ou encore la « prise en otage du pays ». « La responsabilité est collective. Et c’est aux six partis de la future coalition qu’il appartient de faire preuve de sang-froid. Immédiatement », conclut l’Avenir.

Pour les titres de Sud Presse, la nouvelle crise « est un luxe de riches » et la Belgique n’en a plus les moyens. La conclusion des derniers événements des négociations n’est pas « une surprise ». Sud Presse rappelle le clivage droite-gauche qui oppose la Flandre et la Wallonie et souligne que si on poursuit le mariage belge « c’est par raison, pas par amour ». « Les négociateurs le disent eux-mêmes: on doit aboutir à un accord parce qu’on n’a pas le choix. Il y a plus enthousiaste, comme déclaration matrimoniale ».  »

Pour la Dernière Heure, la nouvelle crise est « irresponsable ». Le quotidien estime que l’Open Vld « porte une fois encore une responsabilité écrasante dans ce nouvel épisode de la crise ». Pour la DH, l’entêtement d’Alexander De Croo, président de l’Open Vld est « irresponsable ». »En pleine crise mondiale et alors que l’Europe, désormais nous menace de lourdes sanctions, cela ne peut que précipiter une nouvelle fois un dangereux glissement du pays vers le chemin des pires aventures », ajoute la DH. Le quotidien en appelle au « sens de l’État » des dirigeants « dont ils se gargarisent sans arrêt ».

L’édito de la Libre Belgique lance un triple SOS. Il souligne le travail du formateur Elio Di Rupo et l’accord institutionnel qu’il avait engrangé. La Libre souligne que les libéraux flamands « bien fluets sur le plan politique ont fait preuve d’une arrogance sans limite ». L’édito en appelle au « sens de l’État et au sens du bien commun ».

Dans le Soir, un mot revient mardi matin: Assez ! « Assez de ce spectacle surréaliste d’hommes et de femmes politiques réglant leurs comptes sur des plateaux télévisés. Assez de cette politique qui passe du ring de boxe au reality-show. Assez de ces dramatisations à répétition comme seul moyen de communication. Assez ! », lit-on dans Le Soir. L’urgence du budget « l’exercice de base du politicien lambda » inquiète Le Soir dans le contexte économique très difficile. « Nous allons arriver à une conclusion: la séparation s’impose. Car vous nous donnez désormais la preuve que ce pays est brisé, incapable d’être gouverné … »

« Le jeu dangereux des libéraux », titre l‘Écho dans son éditorial. « Il n’existe aucune alternative à la coalition actuelle, sauf à imaginer que les partis flamands décident soudain d’oublier la réforme de l’État ou que les francophones acceptent, tout aussi soudainement de renégocier avec Bart De Wever », lit-on. L’Écho rappelle que les partis libéraux avaient annoncé leur intention de « batailler ferme » pour les questions socio-économiques. « Logique: longtemps évincés des négociations, ils ont été appelés en désespoir de cause et étaient en position de chercher à rentabiliser leurs gestes. Encore faut-il dans ces conditions, savoir jusqu’où aller trop loin. Manifestement, ce lundi, ce n’était pas encore le cas de Charles Michel et Alexander De Croo ».

LeVif.be avec Belga

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