Olivier Rogeau

Delphine et le roi : le poids des non-dits

Olivier Rogeau Journaliste au Vif

Paola n’a jamais voulu qu’Albert II admette clairement qu’il a une fille cachée. La non-reconnaissance de Delphine est une épine dans le pied de la monarchie.

Pour la monarchie belge, 2013 devait être, avant tout, une année marquée par la célébration des 20 ans de règne d’Albert II. Un événement qui se déroulera, comme il y a dix ans, dans le cadre de la fête nationale (budget des festivités : quelque 600 000 euros). Mais l’heure n’est pas vraiment aux réjouissances au Palais. Après une succession de turbulences – les maladresses fiscales de la reine Fabiola, la refonte des dotations princières, les indiscrétions controversées publiées dans deux livres consacrés à la famille royale… – un nouvel orage secoue la cour. Delphine Boël, la fille naturelle présumée du roi, cite à comparaître Albert II, le prince Philippe, la princesse Astrid et le baron Jacques Boël, son père pour l’état civil.

En quête d’une reconnaissance paternelle et déshéritée par son père légal, l’artiste plasticienne n’a, de toute évidence, pas réussi à « couper le cordon », pour reprendre le titre de sa biographie. L’écorchée vive a introduit une action devant le tribunal correctionnel de Bruxelles afin d’imposer des test ADN qui permettraient d’établir sa filiation avec le souverain. L’affaire a été renvoyée au 25 juin et les plaidoiries ne sont pas attendues avant la fin de l’année. Mais les juristes estiment que la démarche de Delphine Boël est vouée à l’échec : la personne du roi est inviolable, la Constitution consacrant son irresponsabilité pénale, civile et politique. Les autres membres de la famille royale ne bénéficient pas d’une telle protection, mais une action visant à obtenir l’ADN de Philippe ou Astrid serait néanmoins déclarée irrecevable, puisque la finalité de cette démarche vise à établir un lien de parenté entre Delphine et le roi. Par ailleurs, Delphine Boël aurait dû, au préalable, introduire une procédure en désaveu de paternité à l’égard de son père légal, Jacques Boël, ce qu’elle n’a semble-t-il pas fait.

Cette action en justice hypothèque, plus que jamais, toute perspective de « réconciliation ». Plus largement, l’affaire Delphine reste une épine dans le pied de la monarchie. Paola n’a jamais voulu qu’Albert II admette clairement qu’il a une fille cachée ou fasse un simple geste. Pas question de reconnaître l’existence d’une « deuxième famille », ce qui aurait pourtant permis de désamorcer la bombe à retardement. D’autres chefs d’Etat ont fini par « officialiser » une filiation illégitime. On pense, bien sûr, à François Mitterrand, père de Mazarine. Le président français a néanmoins, lui aussi, vécu longtemps dans les non-dits et sa famille était contrainte au même mutisme.
Olivier Rogeau

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