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Déchéance de nationalité : pas si simple

La cour d’appel de Bruxelles a déchu de leur nationalité trois activistes musulmans. Dans ses arrêts, elle souligne l’incompatibilité de l’islam radical avec la citoyenneté belge. Qu’en sera-t-il pour Fouad Belkacem, le porte-parole de Sharia4Belgium ?

Fouad Belkacem, 30 ans, a obtenu la nationalité belge en 1997. Il devrait bientôt se marier en prison avec sa compagne belge, dont il a déjà un enfant, une façon de rester en Belgique si, par hypothèse, il était déchu de sa nationalité [lire encadré.

Il fait partie des « nouveaux Belges » susceptibles de ne pas le rester s’ils se rendent coupables d’un manquement grave à leurs devoirs de citoyen belge. Deux catégories sont visées. Les Belges « qui ne tiennent pas leur nationalité d’un auteur [NDLR : parent] belge au jour de leur naissance ». Les Belges « nés en Belgique d’un auteur né lui-même en Belgique et y ayant eu sa résidence principale durant cinq ans au cours des dix années précédant la naissance de l’enfant ». Article 23 alinéa 1er du code de la nationalité.

Pas question de toucher aux membres de la deuxième, troisième, quatrième génération issue de l’immigration, nés Belges. Pour eux comme pour les Belges de souche en délicatesse avec les lois, il y a les tribunaux, rien d’autre. Le législateur a fait la distinction avec les personnes dont l’ancrage était relativement récent ou superficiel. La Cour constitutionnelle a rejeté le reproche de discrimination.

Autre règle absolue : la déchéance de nationalité ne peut pas créer un apatride. L’intéressé doit venir d’un pays qui prévoit que ses nationaux gardent leur nationalité d’origine, même s’ils en acquièrent une autre. Le Maroc (dont Belkacem a la nationalité), l’Algérie, la Tunisie, par exemple. En revanche, un Congolais cesse de l’être s’il a acquis la nationalité belge. Le retrait de nationalité n’est pas le fait du prince ni ne constitue une « double peine » puisque, justifie la Cour constitutionnelle, il s’agit d’une sanction civile et non d’une sanction pénale réprimant des faits précis. La décision est prise par la cour d’appel (juges indépendants) siégeant en matière civile. C’est le procureur général de la cour d’appel où l’intéressé a sa résidence principale, en Belgique, et par défaut, le procureur général près la cour d’appel de Bruxelles, qui sont seuls habilités à mettre la machine en marche.

Les motifs

En charge des affaires de terrorisme et des violations graves du droit humanitaire international (génocide), le parquet fédéral voudrait avoir le même pouvoir d’initiative. « Il pourra ainsi se baser, plaide-t-il, sur la connaissance approfondie du dossier répressif qu’il a géré et ainsi défendre, avec la plus grande chance de succès, l’action en déchéance à l’égard des personnes qui ont fait l’objet d’un dossier fédéral. » De fait, les premiers dossiers de déchéance de nationalité ont été mis sur orbite par un magistrat du parquet fédéral, Michel Yernaux. L’avocat général près la cour d’appel de Bruxelles, Roland Debruyne, a pris ensuite le relais.
Si donc, le « nouveau Belge » ne risque pas d’être apatride et s’il est réellement un « nouveau Belge » au sens étroit du terme, deux motifs peuvent entrer en ligne de compte. Un : il a acquis frauduleusement la nationalité en présentant de faux documents, en simulant un mariage, etc. Deux : il a « manqué gravement à ses devoirs de citoyen belge ». L’appréciation est laissée aux juges.

Les trois arrêts de déchéance prononcés à Bruxelles montrent une certaine continuité dans l’argumentation. Il faut, bien sûr, des condamnations définitives et d’une certaine ampleur. Mais la question du projet politico-religieux des ex-Belges n’est pas anodine.

A trois reprises, la cour d’appel de Bruxelles a martelé l’incompatibilité de l’islam radical avec la citoyenneté belge. Voilà ce qu’elle dit de Tarek Maaroufi [ lire aussi encadré ci-contre], déchu de sa nationalité en 2009 : « A la faveur des droits et libertés reconnus par l’Etat belge (notamment liberté de pensée, d’expression, de religion, d’association, droit de ne pas être arrêté arbitrairement…), Monsieur Maaroufi n’a pas hésité à prêter directement son concours aux activités d’individus désireux de faire triompher, par le recours à la force, la cause d’un islam radical qui, s’il parvenait à ses fins, s’empresserait de supprimer ou de confisquer à son seul profit les libertés précitées ». La même remarque vaut pour Abdelcrim El-Haddouti : « Il servait la cause d’un islamisme extrémiste visant à porter gravement atteinte aux valeurs essentielles des sociétés démocratiques en général et de la société belge en particulier. » Amor Sliti, « dont l’engagement religieux n’est évidemment pas condamnable en soi », est sévèrement tancé : « Il estima pouvoir gravement violer les lois de son pays d’accueil afin de faire triompher la cause d’un islam radical menaçant directement le pluralisme religieux et philosophique des sociétés démocratiques, telle la Belgique, dont il obtint par ailleurs la nationalité. »

A l’aune des condamnations qu’il a déjà encourues, Fouad Belkacem ne présente pas le même profil « terroriste » que Tarek Maaroufi, Abdelcrim El-Haddouti et Amor Sliti. Il s’est plutôt signalé dans la délinquance ordinaire. Son activisme verbal, en revanche, est bien établi. Suffisant ? Le parquet général d’Anvers a encore quelques mois pour peaufiner son dossier.

MARIE-CÉCILE ROYEN

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