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Débat « Elections 2014 dans les universités » : Hoyos et Ecolo émergent

Le Vif

Lundi soir, à Namur, le 3e et dernier débat organisé par le Vif/L’Express, Guido et les associations d’étudiants est resté fort courtois. Devant un public très attentif, c’est la coprésidente d’Ecolo qui en est sortie la plus convaincante pour les étudiantes.

Près de 400 étudiants sont venus débattre ce lundi soir à l’Université de Namur avec les représentants des quatre grands partis siégeant au Parlement wallon et à celui de la Fédération Wallonie-Bruxelles. C’était, après Liège et Bruxelles, le troisième et dernier débat « Elections 2014 » organisé dans les universités par Le Vif/L’Express, Guido et les associations d’étudiants. Le PS avait délégué Gwenaëlle Grovonius (2e sur la liste de Namur à la Chambre), le MR Willy Borsus (tête de liste aux régionales à Arlon-Bastogne-Marche), Ecolo Emily Hoyos (coprésidente et 7e suppléante sur la liste régionale à Namur) et le CDH Maxime Prévot (bourgmestre de Namur et tête de liste à Namur pour la Région). François Brabant, du Vif/L’Express, était le modérateur.
Avant le début du débat, l’auditoire pouvait voter pour l’un des partis.

Résultat :
CDH : 17 %
MR : 35 %
Ecolo : 25 %
PS : 9 %
FDF : 2 %
Autres : 7 %
Blanc : 5 %

Gwenaëlle Grovonius a expliqué qu’elle était « militante de longue date et candidate sur une des listes PS parce que c’est le parti qui défend le plus les valeurs de justice sociale qui me sont chères. On veut une société égalitaire, dans une économie et une richesse qui soit au service de collectivité et pas juste de quelques-uns. Une société qui crée de l’emploi pour tout le monde, de qualité avec une rémunération décente pour chacun. »

Willy Borsus a confié être « libéral et réformateur parce que je crois en notre possibilité de réformer la société et que je suis attaché à liberté individuelle, à la capacité des gens à prendre leur destin en main s’ils sont épaulés par la société. Notre message est axé sur la liberté, la solidarité. La richesse pour elle-même n’a aucun sens. Elle doit permettre des mécanismes de solidarité, permettre à tous d’être des acteurs de la société. C’est un message optimiste. »

Emily Hoyos a rappelé que « lorsque j’étais présidente de la Fédération des étudiants francophones, la FEF, en 1998, Ecolo m’a proposée de le rejoindre et je n’ai pas hésité : c’était le seul parti qui disait qu’il fallait refinancer la Communauté française. Quinze ans plus tard, je me dis que ce siècle a des défis qui ne sont pas ceux du siècle précédent. Parce qu’avec la mondialisation, des pays situés à 20 000 km d’ici ont décidé des soldes sur l’énergie et les salaires d’ici. Ecolo ne se résigne pas à cette réalité. Il vit avec son temps. Avec mon temps. J’y retrouve cette cohérence, donc. »

Maxime Prévot a affirmé qu’il est « CDH par convictions. Des convictions ancrées sur la nécessité d’être pragmatique. Tous les extrêmes sont à bannir, à cause de leur réponse. Je suis humaniste, parce que je ne partage pas la démarche d’assistanat ou d’enrichissement maximal. Je crois que tout dépend de chacun, je crois en l’excellence pour chacun en fonction de ses envies et de ses besoins. Tout n’est pas de gauche ou de droite. La politique est centriste : faite de tissu social et de dynamise entrepreneurial. Je défends le centrisme radical. »

Quelles perspectives pour les jeunes, ceux qui sont présents dans l’auditoire comme les autres ? Si vous êtes au pouvoir après le 25 mai, ce sera plus facile pour eux de trouver un job ?

Prévot : « Il faut rester raisonnable. Les années à venir ne seront pas simple. On ne va pas promettre une réforme fiscale impayable ou les repas gratuits dans les écoles. Les priorités à mes yeux, ce sont : un toit, un emploi, une bonne santé. Aujourd’hui, la situation est telle qu’un chercheur d’emploi sur 3 y perdrait, financièrement, en trouvant du travail. C’est aberrant. Il faut supprimer les cotisations sociales sur les bas salaires pour permettre un vrai différentiel entre l’allocation de chômage et le salaire. Par ailleurs, en province de Namur, 42 % des demandeurs d’emploi ont fait au maximum leur 3 premières années d’études secondaires. Ils sont donc peu qualifiés. Il faut dès lors réinvestir dans l’enseignement qualifiant, professionnel et technique. Il faut aussi abaisser les charges sur le travail, pour les employeurs, même les indépendants qui ne peuvent créer qu’un seul emploi. Ça leur permettra d’engager. Il faut exonérer les patrons de toutes charges pour le premier emploi. »

Hoyos : « Ces constats sont vrais. Tous les jeunes sont des victimes collatérales de la crise économique. Même lorsqu’ils ont un diplôme, universitaire ou supérieur. Parce que, quand il y a plus de demandeurs que d’offre, l’expérience est un argument qu’un jeune ne peut pas brandir lors de l’entretien d’embauche. Donc, notre proposition, c’est le « contrats jeunes » : proposer au jeune un contrat de travail à mi-temps de 6 mois (l’autre mi-temps lui sert pour se former ou chercher un job) renouvelable une fois. Ça lui permet de se frotter au marché du travail, dans le cadre de ses compétences, dans un centre de santé mentale, un cpas, etc. Sinon, on est dans une nouvelle forme d’esclavagisme : les jeunes n’ont pas d’expérience, donc ils acceptent 1, 2 ou 3 stages non rémunérés et deviennent une main d’oeuvre gratuite. Il faut aussi une vraie politique qui recrée de l’emploi, qui a du sens, qui en apporte à l’économie réelle. Nous, on veut étendre le « plan tandem » à tous les secteurs. Ce plan qui permet de remplacer un travailleur âgé, qui part volontairement, par un jeune.

Borsus : « Une société ne peut pas se regarder avec 260 000 inoccupés. Les recette mises en oeuvre dans le passé n’ont pas produit les résultats escomptés. L’emploi privé en Fédération Wallonie-Bruxelles est dramatiquement trop bas par rapport à ceux qui nous entourent. Il faut donc booster l’emploi dans le secteur privé. Nous proposons : la réduction des charges sur l’emploi, + de moyens dans la recherche et l’éducation, le renforcement des pôles de compétitivité et la simplification des aides économiques aux entreprises. Il faut aider le déploiement de nos entreprises. »

Grovorius : « Personne n’est aveugle : il y a de grosses difficultés pour les jeunes en quête d’emplois. Mais des solutions existent et une série d’entre elles sont déjà mise en oeuvre. Je salue le travail réalisé dans le cadre du Plan Marsall, qui a permis à la Wallonie de tenir le coup face à la crise et a créé 50 000 emplois. Reste qu’il faut aider les PME (pour qu’elles puissent investir, etc) mais avec des aides conditionnées à la garantie que des jeunes qui n’ont pas d’expérience du monde du travail seront engagés. Il faut aussi augmenter le pouvoir d’achat pour stimuler l’économie. C’est pour ça que nous proposons l’augmentation de 160 euros par mois du salaire poche des jeunes. »

Question d’une étudiante à Emily Hoyos : « Votre plan tandem ne va-t-il pas pousser au départ les travailleurs les plus âgés ? »

Réponse : « Non. Si 20 % des travailleurs âgés sont intéressés par la réduction en douceur de leur carrière, ils donnent du travail à 100 000 jeunes. Et transmettent leur savoir, leur expertise, etc. Je répète que c’est une démarche qui ne peut qu’être volontaire. »
Une autre étudiante : « La diminution des charges sur le premier emploi ne signifie-t-elle pas qu’on engagera pour un an seulement et puis fini ? » Maxime Prévot : « Non, c’est du premier contrat de travail qu’il est question, pas de la première année. Ça empêche de pomper au maximum les subventions pour remercier les travailleurs quand la subvention est épuisée. Il faut créer des mécanismes pour un engagement durable et le moins subventionné dans le temps possible. Je préconise que dans l’enseignement supérieur mais aussi dès le secondaire, il y ait des formations en alternance et des stages en entreprises. »

Question d’une étudiante à Willy Borsus : « Vous prônez le déploiement des entreprises. Ne faut-il pas plutôt valoriser les PME et les sociétés plus locales ? »

Réponse : « Il faut soutenir l’esprit d’entreprendre. Celui de l’indépendant qui engage une personne, celui de l’entreprise plus grande, l’ensemble du tissu économique, en capitalisant sur l’ensemble de ce qui fait la spécificité de notre territoire. Comme à travers des initiatives telles l’Alliance Emploi et Environnement, que je soutiens. Chaque entreprise doit évoluer dans un climat de confiance. »

Réplique d’Emily Hoyos : « L’Alliance Emploi & Environnement a créé 5 000 emplois dans le secteur de la construction ! Moi, comme vous mademoiselle, je fais davantage confiance à ces PME qui savent localiser la Wallonie sur la carte, elles ! Il faut miser sur le tissu des PME. Et cesser de faire des cadeaux aux entreprises qui prennent des régions en otage. Les intérêts notionnels profitent à 10 % seulement pour les PME, qui correspondent pourtant à 63% des emplois créés en Wallonie… »

Et Maxime Prévot ponctue : « Il faut réfléchir plus largement qu’à travers le seul prisme du travail et de son coût. Aujourd’hui, la Wallonie est l’une des régions les plus attractives en termes d’investissements étrangers. Or, on nous avait dit que les intérêts notionnels devaient coûter 500 ou 600 millions par an au gouvernement. Alors qu’ils en ont coûté 6 milliards ! Par an. »
Borsus : « Ce sont des chiffres à la André Antoine, ça ! »
Prévot : « Ce sont des chiffres à la Didier Reynders ! Mais je reprends : le coût de l’énergie est un aussi un argument : on doit pouvoir faire une action le pour baisser, en faveur des entreprises. Des PME aussi ! Et miser sur nos locomotives, comme le secteur tertiaire, l’enseignement, la recherche et le développement. Et pas seulement dans le bassin carolo. »

Quelles pistes pour permettre aux universités de rester à la pointe ?

Gwenaëlle Grovonius : « Il y a déjà des mesures qui existent, mises en oeuvre sous cette législature. On a depuis quelques semaines le décret paysage [le décret Marcourt] qui dans sa philosophie veut centraliser les énergies, les moyens et donc les rationnaliser pour qu’on puisse avec un refinancement à la clé ne pas avoir plusieurs écoles ou universités qui proposent les mêmes choses. Le refinancement, ce sera demain, sur la base de ce nouveau décret, pour débloquer les moyens nécessaires à l’augmentation de l’enveloppe budgétaire pour les universités et l’enseignement supérieur. Parce que le nombre d’étudiants a augmenté. Ça renvoie à la démocratisation de l’enseignement : pour moi, l’enseignement doit être pour tout le monde. Vous savez combien coûte une année à l’université sans financement par aides ou autres ? 8 800 euros par an ! ça donne une idée de qui pourrait faire ou ne pas faire des études… Donc, il faut faire en sorte que tout le monde puisse encore en faire. Comme les étudiants boursiers qui ne paient pas de minerval. Il faut relever les plafonds pour que davantage d’étudiants bénéficient de ces bourses. »

Willy Borsus : « Je suis inquiet. Parce qu’on ne le saura que lorsqu’un audit approfondi sera effectué à la fin de cette législature. On connait le montant de la dette, donc ses charges à assumer, en plus des engagements pris. Donc, les moyens à dégager seront impactés. Le PS a une responsabilité (32 ans de pouvoir). Nous, nous avons mené une réforme fiscale au niveau fédéral qui a permis d’alléger la pression sur les épaules des citoyens. Notre projet n’est pas de taxer ! Moi, je ne veux pas que vous travailliez toute votre vie active rien que pour l’Etat et la solidarité. Il y a moyen de trouver un équilibre et que les gens gardent le fruit de leur travail ! J’espère donc qu’après l’audit de l’état des finances régionales et commutaires, il restera de quoi refinancer n’importe quel enseignement. Nous consacrons, chez nous, 1,3% du PIB au financement de l’enseignement. Parce que le privé aide aussi. Ma recette, c’est dès lors des moyens réservés par priorité aux domaines clés (dont l’enseignement supérieur) et une coopération entre les universités et le secteur économique pour dégager des marges supplémentaires. Il faut aussi, en concertation avec tous les acteurs, travailler contre le redoublement. »

Emily Hoyos : « Pour nous, l’équilibre budgétaire n’est pas un projet politique en soi. La dette, ce sont les décideurs d’avant qui l’ont décidée et on l’assume, nous. Ceux qui veulent l’équilibre budgétaire tout de suite accélèrent la récession. Il faut refinancer l’enseignement en priorité, quitte à ralentir un peu le rythme du désendettement. »

Maxime Prévot : « La réforme Marcourt avait du bon, pour éviter la déperdition des moyens sur un tout petit territoire. Le financement ? Face à la moyenne européenne, notre enseignement obligatoire est davantage. C’est le contraire pour l’enseignement supérieur et universitaire. Mais on ne passera pas d’une enveloppe fermée à une enveloppe ouverte. Dire ça serait mentir. Mais il faut sortir de l’enveloppe fermée. D’où notre proposition : injecter progressivement et selon des critères à déterminer des enveloppes pour donner de l’oxygène. Il faut aussi alléger la facture coté familles : éviter la double peine du monde rural (inscriptions + kots) : si la distance est grande entre le domicile et l’école ou l’université, il faut une déductivité fiscale. J’ajoute que le secteur de l’enseignement supérieur doit plus que jamais être valorisé sans oeillères idéologiques. Les moyens publics doivent être accessibles quel que soit le réseau. »

Un étudiant : « Comment valoriser les filières techniques et professionnelles ? »

Grovorius : « En mobilisant les énergies, comme on l’a fait au niveau de l’enseignement supérieur et universitaire. Avec les entreprises, le Forem, etc. Créons des bassins de vie pour que tous se rencontrent, pour investir sur le développement de certaines filières… »

Borsus : « La filière professionnelle est l’un des éléments centraux pour l’avenir mais cet apprentissage a été dévalorisé et relégué. Nous, on propose qu’on ne rallonge pas le tronc commun (pour aussi rapidement que possible choisir et se familiariser avec cette filière), qu’on rapproche le monde de l’école et celui de l’entreprise (via des stages, des Pouvoirs organisateurs avec des personnes venant directement du monde de l’entreprise) et qu’on informe mieux sur les perspectives d’emplois dans le secteur de cette filière. »

Hoyos : « Trois choses. 1) l’enseignement n’est pas une île. Si les filières techniques et professionnelles sont peu valorisées, c’est parce que les jeunes n’y vont pas, vu le contexte économique (au contraire de la Psychologie, etc) sauf au Luxembourg (la filière bois y est re-née de la volonté du monde économique local). Donc : il faut avoir une vraie stratégie économique pour mobiliser toute la filière, en amont jusque au début des études professionnelles et techniques. 2) il faut s’attaquer à la cause du choix négatif qui mène à cet enseignement (parce qu’on a échoué ailleurs) alors qu’il y a là des métiers chouettes et porteurs. Donc, on veut instaurer un vrai tronc commun jusqu’à 14 ans… 3) l’enseignement est un champ de bataille électoral et politique. Mon voeu est plutôt: peu importe qui aura le portefeuille, le pouvoir, et qu’on se retrouve tous, acteurs de l’école et de l’économie, et les politiques, toute appartenance confondue, pour donner de l’avenir aux jeunes. Pour choisir les thèmes essentiels. Et en avant ! Il faut du souffle et de l’ambition ! »

Prévot : « Il faut faire comme pour le Plan Marshall économique : un Plan Marshall de l’éducation. Nous, on a fait confiance aux enseignants, sans réforme indigeste. Injectons des moyens mais cessons de croire qu’on fera mieux dans les classes, comme ministre, que les acteurs eux-mêmes. Arrêtons le coté programmes ministériels à respecter pour pouvoir bénéficier du soutien et du financement (il faut, jusqu’ici, toujours rentrer dans un tiroir ou une case imposés par l’Etat). Arrêtons de brider la créativité. Les filières technologiques ont de l’avenir ! Ne laissons pas gagner la morosité. Il faut un minimum d’optimisme. On a du potentiel ! »

Dernière question : « Faut-il un salaire maximum ? »
Maxime Pévot : « La réflexion sur un socle minimum me semble essentielle. Mais on harmonise toujours, à l’échelon européen, à la baisse, pas à la hausse… Un salaire maximal ? Pas de souci : encadrons les salaires dans le public, comme on l’a fait dans les fonctions dirigeantes des intercommunales, etc. Mais dans le privé, a priori non : dans l’entreprise privée, l’initiative est laissée à ceux qui injectent les capitaux… »
Emily Hoyos : « Oui au salaire minimum mais pas avec cette Europe-ci, néolibérale. Un salaire maximum ? C’est en lien avec le minimum : pour nous, il faut de moins en moins d’écart entre ceux qui gagnent le plus et ceux qui gagnent le moins. Dans le privé ? Pareil : il faut réguler la tension salariale pour qu’elle soit la plus étroite possible. »
Willy Borsus : « Le salaire minimum ? Nous soutenons cette démarche. Dans notre pays, ce n’est pas le plus petit dénominateur. Le maximal ? Dans le secteur public ou l’émanation du pouvoir public, comme Tecteo, c’est normal qu’il soit fixé par le pouvoir public. Dans le privé, ce n’est pas le rôle de l’Etat d’aller fixer les barèmes mais dans un certain nombre de situations, si le CA attribue certains salaires, on atteint un signal très négatif pour l’entreprise et les travailleurs. C’est parfois indécent. »
Gwenaëlle Grovonius : « Il faut plutôt imposer davantage les plus grands salaires que les plus petits. »

Après deux heures et demie de débat, la salle peut revoter.

Verdict :

CDH : 20 %
Ecolo : 38 %
MR : 30 %
PS : 6 %
Autres : 3 %
Blancs : 3 %

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