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De Wever : « Nous sommes peut-être au moment où les Flamands refuseront de former un gouvernement fédéral »

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Il a fait rire plusieurs fois ce mercredi un auditoire du Cercle de Lorraine rempli à craquer avec son humour pince-sans-rire. Il a conquis ce parterre d’hommes d’affaires avec son discours attribuant le blocage de la société belge – flamande, singulièrement – au PS. Il l’a quelque peu inquiété, aussi, avec sa stratégie pour 2014. Surtout, il a martelé tels des mantras bouddhistes ses convictions : il y a deux démocraties inconciliables en Belgique, le pays va s’évaporer de lui-même, des réformes socio-économiques profondes sont indispensables, d’urgence, sur le mode de ce qui se fait en Allemagne et dans les pays scandinaves. Fort des sondages qui donnent la N-VA grand vainqueur du scrutin de 2014, Bart De Wever a prévenu : « Plus de questions d’interminables discussions dans des châteaux comme en 2007 et 2010. Si l’électeur flamand le veut, je prendrai l’initiative contrairement à ceux qui prétendent que je fais tout pour rester en dehors. »

Convaincre ses interlocuteurs, singulièrement francophones. Et prouver sa détermination froide. Voilà ce que cherchait le président de la N-VA en présentant la traduction en français de ses chroniques au « Standaard » et au « Morgen ». « Derrière le miroir » (éd Le Cri, 256 pp, 19 euros) permettra peut-être à ceux qui le fustigent trop facilement de comprendre le fonds de sa pensée, dit-il. Son credo : « Je suis un conservateur. » Un homme soucieux de mettre en place une vraie révolution copernicienne – réelle autonomie fiscale, solidarité explicite et non plus implicite entre les Communautés, voire dépeçage de l’Etat belge via l’article 35 de la Constitution … – permettant aux « deux démocraties » de mener les réformes qui leur sont nécessaires. Concluant le texte de son intervention devant le Cercle de Lorraine, il loue la nécessité de « renforcer la communauté » [NDLR de gens, de destin, dans ce cas-ci : la Flandre] pour remplacer toutes les institutions en déliquescence – piliers, associations, Eglise – afin donner des repères aux individus perdus dans la « dépravation sociale » actuelle. Donc : plus que jamais, la Flandre d’abord.

L’ancien Premier ministre Mark Eyskens entame le feu des questions de la salle. Non, dit-il, il n’est pas d’accord avec la position de De Wever sur l’avenir de la Belgique, mais quoi qu’il en soit, pour la mener à bien, il a besoin des francophones, non ? « Vous touchez un problème de fond, celui du fait que nous ne partageons pas du tout la même vision, dit Bart De Wever. Il nous manque une démocratie belge. Vous, vous êtes encore un des derniers grands politiques symbolisant l’existence des réseaux de pouvoir belges. Aujourd’hui, cela devient de plus en plus difficile de décider ensemble parce que nos deux démocraties ne se ressemblent plus. » Il l’a constaté à deux reprises en 2007 et 2010, insiste-t-il : il est impossible de mener les réformes nécessaires dans ce contexte. Alors ? « Je suis un conservateur, pas un révolutionnaire. Mais Herman Van Rompuy lui-même disait qu’il arriverait un moment où les Flamands refuseraient de former un gouvernement fédéral dans ces conditions. Nous sommes peut-être proches de ce moment-là. » Un ange passe…

Un intervenant évoque deux pistes pour ressouder les élites belges : la circonscription fédérale et la communauté métropolitaine bruxelloise. Le couperet est double. Un : « C’est une démocratie qui fait les circonscriptions, pas la circonscription qui fait la démocratie. Il y a des raisons pour lesquelles les partis traditionnels se sont séparés, ce n’était pas pour rigoler. » Deux : « Le débat sur la communauté métropolitaine est empoisonné par le clash entre deux grands principes : le droit du sol et celui des personnes. » Il faut, dit-il, que les francophones cessent de considérer qu’ils peuvent s’installer en Flandre avec leur sac à dos de droits culturels. « Tant que ce clash existe, ce débat restera empoisonné. »

Le PS est la cible, toute trouvée, permanente. Bart De Wever rappelle combien Guy Verhofstadt et Yves Leterme avaient des mots durs à son égard avant de gouverner avec lui. Résultat, au bout du compte : de lourdes défaites électorales vu l’impossibilité de réformer le pays. « La N-VA est venue, martèle De Wever. La seule chose qui a changé, c’est le sentiment d’urgence. Les Flamands, des gens pourtant très doux, commencent à être fâchés. » Le président de la N-VA se fait applaudir par une bonne partie de la salle lorsqu’il lance : « Je suis convaincu qu’il faut de l’autonomie pour que les francophones se débarrassent du PS aussi. » En guise de métaphore pour la Wallonie, il évoque l’exemple de la Slovaquie, que tout le monde donnait perdante dans le divorce tchéco-slovaque. « Vingt ans après, c’est l’inverse, la Slovaquie est devenue un exemple économique. » Avant une nouvelle flèche, qui fait rire à nouveau : « C’est facile d’être de gauche quand il y a quelqu’un derrière qui paye ! »

L’homme est long dans ses réponses, il s’épanche, glisse dans un demi-sourire : « Je suis encore plus long en néerlandais. » A un dernier intervenant qui lui demande ce qui se passerait si « par miracle » la droite faisait un raz-de-marée du côté francophone en 2014, il avoue son scepticisme. Rappelle que le simple fait de mettre le PS dans l’opposition ne s’apparenterait pas à une réforme structurelle. Avant de conclure, pince-sans-rire encore : « Si des personnes ici peuvent convaincre beaucoup de gens de voter pour le MR, je serais évidemment très heureux. » Parce que pour lui, ce serait « peut-être un peu plus simple ».

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