Olivier Mouton

De Wever – Magnette: préavis de crise

Olivier Mouton Journaliste

Le combat de boxe entre le leader nationaliste et l’intérimaire socialiste a témoigné des difficultés qui pourraient attendre le pays après le triple scrutin du 25 mai. Attention, blocage annoncé. Mais ce n’était au fond qu’un débat préélectoral…

Tiens donc : les projets de la N-VA et du PS sont fondamentalement différents. Le programme du PS – près de 500 pages – a rendu « triste » Bart De Wever tandis que celui de la N-VA – quelque 50 pages avec beaucoup de photos – a fait rire Paul Magnette. C’est le principal enseignement, qui ne constitue guère une surprise, du débat organisé jeudi soir entre le leader nationaliste flamand et le président intérimaire socialiste francophone.

Pendant une heure et demie, les deux hommes se sont pourtant livrés à un dialogue de sourds dont la virulence de ton constituera sans aucun doute l’un des événements de cette campagne électorale sous haute tension. Nul ne doutait du fait que la volonté de geler les dépenses publiques, de limiter les allocations de chômage dans le temps ou de revoir l’indexation salariale de la N-VA ne plairait pas à un PS qui défend la Sécurité sociale et veut taxer les grandes fortunes. Mais la forme a glacé tout le monde : les charges ont été lourdes, au bazooka, et les exaspérations grandes.

Ne soyons pas naïfs, il s’agissait évidemment là d’une grande pièce de théâtre préélectorale qui constituait un jeu de dupes à deux titres, au moins. Tout d’abord, le face-à-face PS – N-VA est virtuel, les deux formations politiques se présentant dans des collèges électoraux différents. Ensuite, le vrai challenger de Bart De Wever, celui dont il ne cesse de vilipender la politique, n’est autre qu’Elio Di Rupo qui s’est bien gardé de mettre sa stature de Premier ministre à l’épreuve de feu nationaliste. Au fond, ce match, aussi virulent eusse-t-il été, ne représentait qu’une grande opération de com ‘ à bénéfice partagé entre un PS et une N-VA qui se nourrissent électoralement du rejet de l’autre. En dénonçant le « vieux fond nationaliste de la N-VA », Paul Magnette ne mettait-il pas les francophones en garde pour laisser entendre que le rempart PS reste indispensable ?

Au-delà de l’opposition de style, le leader tribun et cynique face au professeur brillant et sarcastique, Bart De Wever et Paul Magnette ont en réalité donné du corps à cette thèse de la N-VA selon laquelle notre pays est désormais composé de « deux démocraties », l’une franchement campée à droite, l’autre à gauche. Et tant pis pour les autres formations politiques absentes du débat.

Attention, danger ? Oui. Car il s’agit là ni plus ni moins d’un préavis de crise annoncée. Une négociation avec une N-VA désireuse de réaliser son programme socio-économique radical et confédéraliste « pourrait générer une crise plus longue que les 541 jours que l’on a connu avant Di Rupo Ier », dixit Paul Magnette. Potentiellement, cher citoyen, voilà donc votre pays à nouveau au bord du gouffre.

Dans les travées de la rue de la Loi, on met en garde, y compris à droite de l’échiquier politique francophone. Soit la N-VA n’est pas incontournable en Flandre et la tripartite classique actuelle poursuit son programme de stabilité au fédéral. Mais si le parti de Bart De Wever est bien incontournable, ou si son score lui permet de former rapidement une coalition avec le CD&V au niveau flamand, le système belge pourrait à nouveau être grippé. Certains parlent même d’une perspective inquiétante où, en raison d’un blocage absolu, on pourrait être contraint de… revoter après des moins d’immobilisme.

Bye-Bye Belgium ? Le match de boxe De Wever – Magnette a réveillé de vieux démons. Qui, au fond, pourraient provoquer l’effet inverse de l’impact électoral escompté. Car pour éviter la crise, il serait peut-être sage, alors, de ne voter… ni PS, ni N-VA.

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