© Frédéric Pauwels/Huma

David Goffin, le « petit gars » à la force tranquille

Révélation belge à Roland-Garros puis Wimbledon, David Goffin, 21 ans, a participé aux JO de Londres. Portrait d’un phénomène.

David Goffin, c’est un diamant brut de talent. Dans le monde du tennis, il n’est plus permis d’en douter. Depuis ses formidables parcours à Roland-Garros et à Wimbledon, les médias de partout ont encensé le « petit gars » de Liège pour avoir malmené les grands du circuit ATP.

Avant de partir pour Londres et ses Jeux olympiques, David Goffin, en chemise rose et jeans bleu sur la terrasse du Royal Tennis Club de Liège, ajuste sa grande mèche châtain clair d’un revers de la main. Lorsqu’il parle de lui, posément, sa maturité contraste avec son look juvénile. « J’ai touché ma première raquette avec mon père quand j’avais 5 ans, à l’Euro-Tennis de Barchon. Tout de suite, j’ai aimé ça. Je suis quelqu’un de méticuleux et d’assez renfermé. J’aime bien jouer pour moi. Donc le tennis, c’est vraiment ce qui me convient le mieux. » Le gamin issu de Rocourt enchaîne les stages pour ses vacances, en Belgique ou à l’étranger. A 8 ans, il est repéré par la Fédération (l’AFT) qui l’intègre au centre tennis-études de Mons trois ans plus tard. « J’ai fait toutes mes humanités là-bas. Malgré les entraînements et les voyages sur le circuit, je tenais vraiment à les avoir. »

Durant ces années de préparation, il acquiert expérience et technique avec le soutien d’un entourage qui partage la même passion. « Mon père, ma mère, mon oncle, mes cousins… Tout le monde joue au tennis dans ma famille ! » Mais à l’époque, la confiance inébranlable de la Fédération et de ses proches n’écarte pas les périodes de doute. « Plus jeune, ce n’était pas toujours facile. J’avais des qualités mais pas beaucoup de puissance. Je perdais des rencontres alors que je jouais mieux au tennis que mes adversaires. Petit à petit, il a donc fallu que je me renforce physiquement. » A 17 ans, David Goffin et son père prennent conscience de son potentiel lorsqu’il accède à la finale d’un tournoi à Milan. Un ultime déclic qui finit de le convaincre à faire carrière dans le tennis. Un an plus tard, il passe chez les pros.

Cinq heures de sport par jour

Du matin au soir, le jeune Liégeois vit le tennis à 100 %. Son quotidien : deux entraînements par jour, cinq heures de sport. Pour lui, ce n’est même pas un sacrifice tant la passion pour les beaux coups de raquette l’emporte sur la lassitude. « J’adore vraiment ce que je fais ! » En avril 2011, il entame la collaboration avec son coach Réginald Willems. Après quelques bonnes performances, notamment au tournoi de Mons, il décroche son premier titre sur le circuit au Challenger de Guadeloupe, en mars dernier.

Tout s’accélère ensuite. Fin mai, il est repêché en « Lucky Loser » à Roland-Garros pour intégrer le tableau final. Une deuxième chance qu’il saisit pleinement, en arrivant jusqu’aux huitièmes de finale face à « son » modèle, Roger Federer. La « Goffinmania » est lancée. Il intègre le top 100 et reçoit une invitation pour Wimbledon, où il s’incline après trois matchs parfaitement négociés contre quelques solides têtes de série. A présent, il a défendu la Belgique aux JO, même si ce fut bref (éliminé d’emblée). Rien que ça. « Je pense que c’est simplement une continuité », tempère David. « On a travaillé depuis longtemps pour que ça arrive. Ce qui a changé, c’est surtout l’engouement autour de moi. » Car, dans la rue comme dans les clubs, les demandes d’autographes ont explosé. « Ça me fait vraiment plaisir de voir que les jeunes ont suivi mes prestations. »

Chez David Goffin, tout semble intimement relié à sa passion. Les amis ? « Ils sont presque tous dans le tennis ! » Sa petite amie ? « Je l’ai aussi rencontrée dans un club. Et la belle-famille adore le tennis, donc c’est vraiment chouette. » Les loisirs ? « J’en avais déjà peu avant et je n’ai certainement pas plus le temps maintenant », sourit-il. « Mais j’adore jouer au golf. C’est très reposant et relaxant. Quand j’ai une journée de repos, j’essaie d’aller faire neuf trous tranquillement. »

Entre les entraînements, les tournois et les déplacements, ses moments de répit sont rares. « Quand que je rentre, vers 19 heures, je suis crevé. Donc je préfère bien manger, regarder un film puis aller dormir. Si j’ai bien joué, comme à Roland-Garros, je prends juste trois ou quatre jours de congé à Liège. Les vacances, c’est plutôt en fin de saison. » D’autant qu’il voyage déjà toute l’année avec ses proches. « Ma famille me suit partout et j’essaie d’emmener ma copine. J’aime bien quand elle est là. »

Timide mais déterminé, ambitieux et modeste à la fois, David Goffin a atteint le meilleur classement de sa carrière en juillet, grimpant à la 59e place mondiale. Il n’a jamais prétendu être un futur n° 1 mondial, contrairement aux Novak Djokovic ou Rafael Nadal, qui s’y voyaient déjà dès l’âge de 6 ans. « J’essaie juste d’aller le plus haut possible. Pour y arriver, j’avance pas après pas. Mais je ne sais pas du tout jusqu’où je peux aller. »

C’est sans doute dans cette dernière phrase que résonne toute la force de David Goffin. Une force tranquille, discrète comme sa carrure, mais gorgée d’espoirs. Une recette qui lui permet de jouer avec une redoutable décontraction. D’ailleurs, sur les courts, David a gagné le respect des Goliath. Mieux : désormais, on le craint.

Christophe Leroy

FACE À FEDERER, SON PLUS BEAU JOUR Le 3 juin, sur le court central à Roland-Garros, David Goffin a vécu « le plus grand match de sa vie ». La presse étrangère s’est aussi emparée de ce match symbolique entre le petit Liégeois et son « idole-poster », Roger Federer. En lui chipant un set, le Belge a d’emblée créé la surprise tout en confirmant son talent. « Avant le match, j’étais vraiment excité à l’idée de mesurer le chemin qu’il me restait encore à faire par rapport à lui », se rappelle-t-il. « Encore aujourd’hui, je suis très satisfait de voir que je l’ai embêté. » La ressemblance entre leur jeu est troublante : fluide, souple, efficace, mais économe : « Je joue beaucoup en timing et en relâchement. » Comme le n° 1 mondial, il extériorise peu sur les courts. Après la rencontre, les qualificatifs pleuvaient. « Federer faisait penser à un camion aux pneus crevés qui devait concourir avec une mini surpuissante », écrit le Süddeutsche Zeitung, grand quotidien allemand. De son côté, le New York Times partage un constat amusé : « David Goffin est entré sur le court avec des bras gros comme des cure-dents et des habits dont on aurait dit qu’il les avait achetés au rayon enfants. » Boris Becker, lui, lançait sur Twitter : « WAOW ! Qu’est-ce qu’il joue. Messieurs, Dames, retenez ce nom. » De ce côté-là, c’est réussi pour David Goffin. En deux mois de temps, il a aussi imposé un visage et un jeu.

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