Liesbeth Van Impe

Crise : record du monde

LA BELGIQUE FAIT DATE. Ce jeudi 17 février, elle a battu le record du monde des plus longues négociations gouvernementales. Ainsi notre pays surpasse l’Irak, où un accord gouvernemental avait été conclu après 249 jours de pourparlers.

LIESBETH VAN IMPE, Editorialiste au Nieuwsblad

En Belgique, il est impossible de prédire, fût-ce approximativement, combien de jours, de semaines, de mois nous séparent encore de pareil accord. En soi, un record du monde est assez banal. Cela entre dans la catégorie des « exploits » tels que la confection de la plus grande pizza ou l’occupation d’une Coccinelle par le plus grand nombre de passagers. Cela amuse la galerie. Ça ne mange pas de pain. Voire. Aucun pays n’a jamais mis autant de temps à négocier la formation d’un gouvernement après l’organisation d’élections démocratiques. Bien entendu, il y a des pays où l’observation des règles démocratiques est moins stricte. D’autres nations comptent deux grands partis où un vainqueur sort nettement des urnes lui permettant de prendre le leadership. Mais nombreux sont les pays où plusieurs partis doivent s’accorder pour constituer un gouvernement. Nulle part, cela n’a duré aussi longtemps que chez nous. Cela donne à réfléchir.

La Belgique est-elle donc si unique ? Nos politiques semblent le croire. A part le record, il y a aussi le cadre dans lequel celui-ci a été établi. Le sens de l’urgence fait défaut, le fait que, cette fois-ci, les limites du raisonnable soient dépassées n’émeut guère les grandes masses. Voici quelques semaines, dans les rues de Bruxelles, 35 000 manifestants ont condamné l’immobilisme qui frappe le pays. Un fait divers, à en croire les politiques. Le record que nous battons ne nous empêche pas de dormir.

Des circonstances atténuantes expliquent cette insouciance. Le pays n’est pas totalement à l’arrêt, les exécutifs régionaux fonctionnent et un gouvernement en affaires courantes tâte les bornes de sa marge de man£uvre. Les citoyens perçoivent à peine l’impasse politique. Le tout est de savoir si cela va continuer. Dans dix ans peut-être nous saurons précisément ce que nous aura coûté cette crise. Il semblerait que nous soyons prêts à en nier les conséquences aussi longtemps que cela ne nous fait pas mal aux tripes.

Des deux côtés de la frontière linguistique, les politiques, s’imaginant avoir la science infuse, devraient pourtant s’inquiéter de ce triste record. Ou veulent-ils, à tout prix, nous administrer la preuve que les différences entre Flamands, Wallons et Bruxellois sont plus importantes qu’entre les chiites, les sunnites et les Kurdes d’Irak qui se sont entre-déchirés, des années durant ?

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