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Crioc : un silence qui en dit long

Un grand silence… Ce qui frappe, dans le dossier relatif aux dysfonctionnements révélés au sein du Crioc, c’est l’assourdissant contraste entre le bruit qu’a fait ce dossier du Vif/L’Express sur le plan médiatique, et le total silence observé dans les rangs de ceux dont on attendait précisément une parole.

Tandis que les radios, télévisions, journaux et sites d’information répercutaient ces informations préoccupantes, ni la présidente du conseil d’administration du Crioc, ni son vice-président, interpellés par le Vif, n’ont souhaité s’exprimer sur ce dossier. Le ministre de l’Économie et des Consommateurs n’a pas été plus disert. Plusieurs acteurs de poids, politiques ou médiatiques, liés par des partenariats avec le Crioc, n’ont pas davantage voulu prendre la parole. Certes, en pareille circonstance, il faut un peu de temps et de recul pour analyser les faits nouveaux ainsi portés à la connaissance de chacun. Il est sage, même, de ne pas réagir à l’emporte-pièce. Mais tout de même…

Ces révélations sont-elles à ce point agaçantes ? Oui, elles le sont. Et pas seulement pour les acteurs du dossier directement impliqués. Car elles remettent en cause une valeur de base: la confiance.

Depuis la publication de l’enquête du Vif, nombreux sont les journalistes à avouer que depuis des mois, ils se posent des questions sur la crédibilité des enquêtes du Crioc, à leurs yeux trop fréquentes, trop dispersées, et trop médiatisées. Comment se fait-il qu’aucun d’entre eux ne se soit davantage interrogé sur le fonctionnement de cette fondation d’utilité publique ? Sur la méthodologie utilisée pour les enquêtes ? Sur l’impressionnant taux de rotation du personnel ? C’est qu’à priori, on fait confiance à un organisme comme le Crioc, considéré par définition comme crédible. Comme les ONG les plus connues, les asbl les plus en pointe, les fédérations de tous genres les plus actives. De Test-Achats, on ne doute pas. Du Crioc non plus, pendant longtemps.

Est-ce à dire que les journalistes gobent n’importe quoi ? Non. Est-ce le cas du SPF Economie, premier pourvoyeur de fonds du Crioc, ou des cabinets ministériels qui recourent à ses services ? Pas davantage. Certaines voix s’étaient déjà élevées, de-ci de-là, pour, au moins, poser à haute voix les questions qui fâchent, quel que soit le prix de cette audace. Autant prêcher dans le désert. Car les interventions du Crioc dans les médias, mais aussi vis-à-vis des milieux politiques, étaient jusqu’ici à ce point régulières que nul n’imaginait le remettre en cause. Comme si son omniprésence le légitimait à tout jamais.

Faute de disposer de beaucoup d’autres experts en matière de défense des consommateurs, nombreux sont ceux qui ont pris l’habitude de s’adresser de manière automatique au Crioc. Or, d’autres experts, il en existe. Mais les portes des structures existantes, imaginées il y a plusieurs décennies, leur sont fermées. Il est temps de les leur ouvrir. Car ceux qui ont régulièrement fait appel au Crioc sont désormais contraints d’annoncer ou de reconnaître, face à la population, qu’ils ont probablement été bernés eux-mêmes et qu’en répercutant les travaux du Crioc, ils ont à leur tour berné tout le pays. Voilà qui est lourd à porter, quand on est de bonne foi.

« Mes enquêtes n’auraient pas reçu autant d’écho si elles n’étaient pas valables », lance aujourd’hui Marc Vandercammen, le directeur général du Crioc. Ce n’est pas parce qu’elles étaient valables qu’elles étaient reprises. C’est parce que le Crioc, dont la compétence intrinsèque des chercheurs n’est pas en cause, les signait. Ainsi le serpent se mord-il la queue. Et ainsi la majorité des acteurs concernés opte-t-elle aujourd’hui pour un prudent silence. Car c’est sa propre manière de travailler et son inclinaison à considérer comme légitime qui se rend médiatiquement indispensable qui sont mises en cause. En ce sens, l’enquête du Vif appuie sans le vouloir juste là où ça fait mal.

Laurence Van Ruymbeke

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