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Corruption au fisc : qui contrôle les contrôleurs ?

Thierry Denoël
Thierry Denoël Journaliste au Vif

Le dernier scandale de corruption de fonctionnaires des Finances pose la question cruciale du contrôle des contrôleurs. Or, selon un récent audit de la Cour des Comptes, le programme mis en place pour ce faire ne fonctionne pas.

Une perquisition judiciaire dans le bureau TVA de la tour Albert, à Charleroi, voilà une image peu fréquente, mais pas exceptionnelle pour autant. La corruption, ça se passe aussi au sein du SPF Finances. A Charleroi, début juillet, un fonctionnaire du fisc, en aveu, vient donc d’être inculpé pour avoir accepté d’effacer, contre un dessous de table, au moins un dossier TVA concernant une nouvelle construction. En février 2014, c’est le parquet d’Audenarde qui ouvrait une enquête sur plusieurs hauts fonctionnaires du fisc qui auraient tuyauté une société de transport sur des contrôles à venir de l’ISI (Inspection spéciale des impôts).

Il y a plusieurs années, le receveur responsable du bureau de contrôle de Bruxelles se voyait poursuivi devant le tribunal correctionnel pour avoir facilité le non-recouvrement des taxes pour une kyrielle de commerces et de restaurants connus de la capitale. Peu avant cela, une enquête ouverte pour corruption avait abouti à l’arrestation de deux fonctionnaires fiscaux de Charleroi qui avaient magouillé avec des commerçants et un club de football de troisième provinciale de la région, qui venait de s’offrir des joueurs fort coûteux. Heureusement, ces affaires ne semblent pas fréquentes, pour peu qu’elles ne représentent pas la pointe d’un iceberg. Elles n’en demeurent pas moins choquantes pour la grande majorité des contribuables qui paient régulièrement leurs impôts.

Elles posent, par ailleurs, la question du contrôle effectif des contrôleurs fiscaux par leurs chefs de service et par l’administration centrale de la fiscalité. A cet effet, le SPF Finances a mis en place, depuis trois ans, une nouvelle application électronique baptisée Stirco, et ce conformément à une recommandation de la Commission d’enquête parlementaire spéciale sur la grande fraude fiscale. L’idée était de garantir un traitement équitable des contribuables. Cela permet, entre autres, de vérifier si les contrôles sont bien effectués, voire de détecter d’éventuels cas de corruption.

Ce nouveau système est-il efficace ? Selon l’audit que la Cour des comptes a effectué et publié au début de cette année, la réponse est clairement non. Dans le rapport de la cour, on pointe des observations édifiantes sur la manière dont les fonctionnaires consignent leurs activités de contrôle dans Stirco : « Six des dix bureaux de l’échantillon audité n’ont guère consacré d’attention à la constitution d’un historique de contrôle dans les dossiers sélectionnés par la cour », signale le rapport. En outre, sur 86 dossiers examinés, seuls 25 avaient été entièrement numérisés. En réalité, la plupart des bureaux de contrôle n’appliquent pas la procédure prévue, car celle-ci est considérée comme trop lourde, peu conviviale, très lente, sans compter qu’elle se bloque régulièrement.

Comme le dit la cour elle-même, « il ressort de ce qui précède que la clôture d’une mission de contrôle par le chef de service n’offre pas la moindre garantie de qualité et d’exactitude du contrôle ». Et de conclure : « Les fiches de résultats ne reflètent pas les résultats des actions de contrôle de manière fiable. » C’est clair et édifiant. A noter qu’à la fin du rapport, le ministre des Finances peut faire part d’éventuelles remarques ou justifications. Ici, Johan Van Overtveldt (N-VA) n’a émis aucune observation. Il prend acte.

Thierry Denoël

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