Dr Marc Dujardin et Dr Jilali Laaouej

Contrat social, la rupture ?

Dr Marc Dujardin et Dr Jilali Laaouej membres du think tank Tripalium.

Il nous semble que toute vie en société est basée sur une série de contrats entre l’individu et son entourage. Ces contrats sont bien évidemment différents suivant la culture, l’environnement qui nous a vu naître, mais chaque individu grandit avec l’apprentissage, la connaissance des différents contrats qui l’entourent.

Le contrat familial, communautaire, social, amoureux, etc.

Contrat implicite, explicite, auquel on adhère, que l’on rompt..

Ces contrats ne sont pas tous écrits et font partie, même dans des sociétés très attachées à la lettre, du consensus à vivre ensemble.

Ils peuvent évoluer dans le temps, s’adapter aux circonstances, mais le propre d’un contrat c’est de ne pouvoir évoluer qu’avec l’accord des parties engagées dans ce lien. Sinon il y a rupture de contrat.

Dans nos sociétés européennes, et plus particulièrement dans notre Belgique fédérale, une partie importante de notre vie est régie par ce que l’on groupe sous le vocable de contrat social.

Entre les individus membres de la société belge et cette société il existe un code écrit reprenant les engagements individuels, qui vont de participer aux cotisations sociales à l’engagement de ne pas nuire aux autres ou au bien public, et de réparer s’il y a dommage.

La société a pareillement une série d’engagements vis-à-vis de l’individu quant au vivre ensemble.

Parmi ces engagements réciproques, il en existe qui nous mobilisent plus particulièrement aujourd’hui, les matières du contrat social.

Nous avons vécu et cotisé, en suivant la conviction que les efforts financiers et autres que nous réalisons dans la partie de notre existence où nous sommes « productifs », en bonne santé, sont balancés par les efforts de la société, qui nous sont profitables au moment où notre autonomie est en construction (de la naissance à l’ âge d’ être indépendant ) ou diminue.

Modifier ce contrat social se fait régulièrement, par des ajustements sur la manière d’appliquer les principes. Jusqu’ici, il n’était pas possible de négocier ces évolutions sans une forme de représentativité dans laquelle les discussions se passent au sein de regroupement par affinité d’intérêts ou autres. S’en suivent des négociations au sein des différents groupes d’intérêt et puis des choix en fonction de majorités décidées à priori : c’est le jeu démocratique de la concertation.

Ce n’est plus le cas.

La manière dont les organisations syndicales sont exclues de toute discussion préalable aux réformes en matière sociale marque clairement la volonté de réduire à néant leur influence dans la gestion de la société, leur légitimité représentative et leur existence même.

Introduire sauts d’index ou postposer l’âge légal de la pension à 67 ans en prétendant à la démocratie quand ces deux exemples ne faisaient pas partie du débat électoral sont des parodies de démocratie.

La concertation sociale et le compromis à la Belge, font partie d’un patrimoine que beaucoup nous envie, et avaient permis la rencontre et le vivre ensemble des deux cultures dominantes de l’Europe (Anglo-saxonne et Latine), et assurer une paix sociale par la manière dont la richesse produite était redistribuée.

Évidemment, dans la vie de toute société certains moments ne sont pas favorables à la négociation. En 1938 la négociation sociale avait sa place naturelle, en 1941 c’était moins le cas, c’était la guerre.

Sommes-nous en guerre ?

Les diktats de ce gouvernement qui touche le coeur du contrat social sans en respecter les règles en matière de concertation constituent une rupture de contrat.

Ne pas respecter les démarches d’élaboration du contrat social, venir avec des modifications des conditions de fin de carrière, transformer les médecins conseil de la mutuelle en médecin contrôleur en organisant une visite obligatoire ou un plan de réintégration au travail est « proposé » au malade qui s’il ne coopère pas suffisamment à ce plan verra son indemnité journalière diminuée de 10 %, décider d’un saut d’ index, et tout cela sans concertations préalables, sans qu’on en parle dans les programmes électoraux, en s’arrogeant comme gouvernement exécutif, non pas le droit de légiférer pour mettre en forme le consensus social, mais en confisquant cette possibilité de légiférer et en la mettant au service d’intérêts minoritaires de la société, c’est inacceptable.

Dans nos pratiques médicales, nous assistons à des situations de désespoir. Réduire l’inscription des allocataires sociaux des différentes caisses d’assurance n’a jamais été générateur d’emploi, mais va encore fragiliser l’emploi existant et conduire à une violence dans les relations de travail jamais égalée à ce jour. Les contrats de travail à durée indéterminée deviendront l’exception et seront remplacés par les mini-jobs à l’allemande.

Les gains de compétitivité de l’Angleterre et de l’Allemagne, par la dérégulation du marché du travail et la réduction des protections sociales, n’ont été possibles qu’au fait qu’elles sont à l’initiative et ont profité de l’inexistence de socle social européen commun. Le ralentissement de l’économie européenne provoqué par l’éclatement des bulles financières va se transformer en effondrement lorsque les mesures anti-sociales mises en oeuvre par ce gouvernement et leurs semblables Européens donneront leurs effets et pourtant la Belgique grâce à ses mesures de protection sociale avait bien résisté à la crise économique.

Le présent de la Grèce est le futur de tous les autres peuples de l’Europe

Nous avons le devoir de résister.

Toutes les composantes de notre société seront mises en demeure de choisir leur camp. La violence sociale qui vient sera une épreuve pour chacun des corps intermédiaires et des corps constitués. A qui ira l’obédience des forces de maintien de l’ordre, des industriels, de la justice, des représentants des classes moyennes, des entreprises, des associations…?

La résistance se fera aussi en mobilisant d’autres intervenants au respect du contrat social.

Les tribunaux par exemple pourraient être saisis par des « recours contre la rupture unilatérale de contrat », ici le contrat social. Il sera intéressant de mesurer comment la justice évalue cette rupture. Nous avons pris contact avec nos juristes conseil à ce sujet.

La résistance, ce sera de rechercher puis d’appliquer les mesures de sabotage des modifications non concertées du contrat social.

La résistance ce sera aussi de permettre à ceux qu’on trompe, en présentant ces mesures de rupture du contrat social comme des sauvegardes de leurs intérêts personnels, de prendre conscience du fossé vers lequel l’exécutif les dirige. L’appauvrissement croissant des classes moyennes est un levier possible de la prise de conscience de celles-ci.

Nul gouvernement ne gouverne longtemps contre ses citoyens.

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