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Consommation: les bons plans seconde main, recyclage, récup

Le Vif

Et si jeter était devenu ringard ? Les bons plans anti-gaspi et éco-citoyens.

Aujourd’hui comme au milieu des années 1970, il reste l’article incontournable de toutes les garde-robes. Il se décline en taille basse ou haute, jambe droite ou évasée, serré ou large. Mais pour Aude Garelly, 38 ans, pas question de tomber dans le blues du jeans. Elle le préfère « déjà porté ». Et l’achète en seconde main. « C’est venu d’une prise de conscience : la mode a un prix, défend-elle. Economique pour nous. Mais surtout écologique et social dans les pays producteurs. Notamment en cas d’utilisation de produits toxiques. »

Depuis ses études en sciences politiques, Aude sait que, si les prix et les marques diffèrent, les origines de fabrication, elles, nous renvoient, le plus souvent, aux pays du Sud : Bangladesh, Egypte, Indonésie, Inde… Au Bengladesh, les ouvrières du textile sont payées de 30 à 70 euros par mois, pour travailler dix heures par jour, six jours par semaine. Depuis qu’elle le sait, Aude achète 80% de ses vêtements en seconde main. « Petite, mes parents m’avaient déjà habituée à récupérer les vêtements de mes cousines. Pour moi, ce choix est donc facile. J’ai la chance de pouvoir m’acheter des vêtements de qualité, qui durent dans le temps. Le regard des autres ne m’a donc jamais gênée socialement. »

Bien s’habiller sans se ruiner, c’est de plus en plus possible. Alors que les boutiques et marchés vintage prennent possession des quartiers bobo, les friperies au kilo, disparues de Belgique il y a une vingtaine d’années, sont de retour dans la capitale. Et surfent sur un vieux concept remis au goût du jour : la vente d’habits de seconde main au poids.

Dans le quartier des Marolles, des balances sont disposées derrière la caisse d’un petit magasin. Comme au marché, on peut acheter des vêtements à 15 euros le kilo. Mais si Aude pratique la fripe glamour, sa démarche n’est pas seulement éthique. « Je préfère m’offrir de bonnes vacances en famille, plutôt que de dépenser de l’argent en fringues. »

Crise oblige, le marché de l’occasion ne se réduit pas pour autant à un mode de consommation « de nécessité », mais concerne désormais – à des degrés divers – toutes les catégories socioprofessionnelles. « Dans notre entourage aussi, de nombreuses personnes ont changé leur rapport à la nouveauté. Chez nous, à la maison, il n’y a que l’électroménager qui est neuf. Tout le reste, nous l’avons trouvé dans des brocantes ou aux Petits Riens », explique Aude.

Réparer pour ne pas jeter

Dans des entrepôts réaménagés, à Namur, les chalands défilent de table en table. Certains repartent avec des appareils électroménagers, des ordinateurs, des vélos, prêtés sous caution. D’autres s’attardent auprès des bénévoles. Un tournevis à la main. Au bout de quelques heures, la plupart repartent avec leurs objets reconditionnés. « Ici, on aide les gens à identifier la pièce défectueuse et, avec un peu d’assistance, ils apprennent à la réparer », confie Etienne Mossiat. Coût du service : zéro euro.

Après le mouvement des makers, ces geeks qui lancent une nouvelle forme de tradition artisanale, des collectifs de réparateurs essaiment un peu partout dans le monde. En un an, huit « Repair Cafés » de ce type ont éclos à Bruxelles et plus d’une dizaine en Wallonie. Les raisons de cet engouement ? La nécessité financière, pour la majorité. Mais surtout, le refus du gaspi et de l’obsolescence programmée. « De plus en plus de gens refusent de se faire gruger par les fabricants. Plutôt que d’acheter des produits qui lâchent au bout de deux ans et d’accumuler les déchets, les gens préfèrent réparer ce qui peut l’être », note Etienne Mossiat.

Cet ancien cadre commercial a eu le déclic « circulaire » suite à une perte d’emploi. « Je suis passé d’un revenu confortable à une situation de vraie précarité. En un an, toutes mes valeurs matérialistes se sont effondrées. » Place à la grande débrouille… et au geste militant. « Un jour, en surfant sur le Web, j’ai découvert un réseau social qui proposait de partager son lave-linge avec ses voisins, enchaîne-t-il. Je me suis rendu compte que ce geste anodin est devenu un réflexe logique pour des milliers d’abonnés ». De quoi activer le tambour 700 tours/minute d’Etienne. Et toute une mécanique humaine : « En passant dans mon atelier, je me suis aperçu que j’avais plein d’autres choses à partager. J’en ai parlé autour de moi et la réponse a été unanime : des gens m’ont filé des trucs dont ils ne se servaient plus. » En dix jours, Etienne a récupéré 25 m² d’objets inutilisés.

C’est ainsi qu’est née l’ASBL Les Machines du Voisin. Le concept ? Un voisin fait le don d’un aspirateur défectueux. Des bénévoles le remettent en état, le prêtent à un autre voisin, puis retournent l’aspirateur chez le propriétaire. Un cercle vertueux, en somme. Qui évite le gaspi. « D’un point de vue environnemental, la surconsommation envoie tous les curseurs dans le rouge, souligne Etienne. Ici, le matériel est révisé, et soit remis dans le circuit, soit démonté pour le recyclage des matériaux » Pour Etienne, le spectacle des marchandises mortes qui reviennent à la vie, n’est pas seulement utile aux habitants, il est transformateur. « Dans des ateliers citoyens comme le nôtre, on rend service, on participe à une communauté, et on partage ses savoir-faire. Le plus drôle, c’est de croiser des électroniciens qui viennent pour se faire réparer une tirette de jeans. »

Par Rafal Naczyk

>>> Le dossier complet dans Le Vif/L’Express de cette semaine, avec : – Alimentation : le match agriculture bio/permaculture – Habitation : le match passif/basse énergie – Mobilité : le match voiture électrique/transports en commun – Chauffage : le match chaudière haute performance/pompe à chaleur

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