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Consommation éthique : pourquoi on s’en fout ?

Marie Gathon
Marie Gathon Journaliste Levif.be

On prend l’avion pour partir en vacances, même si ça pollue. On utilise du glyphosate dans son jardin, même si c’est dangereux. On s’habille à bas coût, alors que l’on connait les conditions désastreuses de production. Pourquoi consommer éthique est-il si difficile ? La réponse de Laurence Dessart, professeure de marketing à la Kedge business School à Bordeaux (France).

Pourquoi est-il si difficile de faire des choix éthiques et responsables en matière de consommation ?

Laurence Dessart : Il y a plusieurs explications à cela. La première est le phénomène de la gratification immédiate. C’est-à-dire qu’il est très difficile pour le consommateur de se projeter dans le futur. La plupart du temps, nous faisons nos choix de consommation en fonction du plaisir immédiat que celui-ci va nous apporter.

Par exemple, lorsque l’on est au régime, si on a le choix entre une carotte et une barre de chocolat, on va avoir tendance à préférer le chocolat parce qu’il nous apporte un plaisir immédiat. Même si sur le long terme on aurait eu plus de plaisir à perdre un peu de poids en tenant notre régime.

C’est en effet plus difficile de rationaliser les choses : le plaisir immédiat prime sur le bien-être à long terme.

De plus, nous constatons que ce phénomène s’accentue avec la génération Y qui est réputée pour être une génération d’impatients et d’insatisfaits.

Sommes-nous uniquement guidés par notre plaisir ?

Non bien sûr. Il existe également un certain déterminisme psychologique qui s’appelle le « locus de contrôle ». Selon cette théorie, les individus sont divisés en deux catégories : ceux qui ont locus de contrôle interne et ceux qui ont un locus de contrôle externe.

Les premiers se sentent maîtres et responsables de leurs choix et de leurs actes. Ils ont le sentiment que leur comportement peut changer les choses. Ils sont donc plus disposés à faire des choix éthiques et responsables, car ils ont la conviction d’être utiles.

Les deuxièmes sont tout l’inverse. Ils pensent que les facteurs extérieurs ont plus d’influence que leurs propres choix. Ils se disent que quoi qu’ils fassent, cela ne changera rien. Pour reprendre l’exemple du régime et de la carotte, ces personnes vont probablement choisir de manger du chocolat, car elles se disent que leur régime ne changera rien et que quoiqu’elles mangent, elles grossissent.

Cette prédisposition psychologique a un énorme impact sur nos choix de consommation et il est assez stable dans le temps.

Le prix entre-t-il en compte ?

C’est évident. Il a un impact très important sur la différence qui persiste entre nos convictions et notre comportement. Le prix est déterminant. C’est lui qui crée une différence entre ce que l’on veut faire (acheter éthique et local par exemple) et ce que l’on fait (acheter un meuble chez Ikea parce que c’est moins cher).

Est-ce que vous constatez cependant qu’il y a une évolution de mentalité en matière de consommation éthique ?

Oui, indéniablement les choses changent petit à petit. Les mentalités évoluent. On peut d’ailleurs le voir avec l’expansion des mouvements « slow » ou les LOHAS (Lifestyles of Health and Sustainability traduit par « modes de vie pour la santé et la durabilité).

D’après une étude du Natural Marketing Institute situé à Harleysville (États-Unis), 15 % des Américains, 19 % des Européens et même 25 % des Canadiens sont désormais prêts à payer 20 % de plus pour un produit fabriqué de manière durable. Il y a donc une prise de conscience collective qui est en marche, mais pas pour toutes les couches de la société.

Que voulez-vous dire ?

Lorsque l’on a très peu de moyens financiers, c’est-à-dire à peine assez pour assouvir ses besoins primaires de sécurité, d’alimentation et de logement, ce genre de considération n’entre pas du tout en compte. Lorsque vous n’avez pas assez pour vivre confortablement, vous ne cherchez pas à atteindre un niveau de bien-être supérieur.

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