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Concertation sociale : entre mignonnettes et coups de gueule

Laurence Van Ruymbeke
Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

Durant trois semaines, représentants patronaux et syndicaux ont négocié à l’ombre des regards. Comment se passent les discussions au sein du Groupe des 10 ? Qui s’énerve ? Qui joue le compromis ? Qui se tait ? Le dessous des cartes.

Jeudi 29 janvier, Bruxelles, 17 heures. Au 5e étage des bureaux de la Fédération des entreprises de Belgique, les cinq représentants des syndicats (CSC, FGTB et CGSLB) et les cinq représentants des organisations patronales (FEB, Union des classes moyennes, Unizo et Boerenbond) se rassoient à la place qui leur est dévolue autour de la table, sous le regard de leur hôte, Michèle Sioen. Cette cheffe d’entreprise presque quinqua, présidente de la FEB pour trois ans, dirige les travaux du Groupe des 10. Objectif : conclure un accord social 2015-2016 qui porte, entre autres, sur l’augmentation des salaires dans le secteur privé. On peut rêver…

Sur la table ovale, chaque négociateur pose ses documents, un stylo, un téléphone portable voire une tablette. Entre les deux camps, des boissons soft. Jamais d’alcool. Des fruits. Et des mignonnettes de chocolat. Comme la musique, il adoucit les moeurs. Ce n’est pas du luxe. Certes, le Groupe des 10 ne s’étrille pas, mais il ne dispose plus que de 24 heures pour tenter de trouver un accord. Faute de quoi, le gouvernement fédéral reprendra la main et tranchera lui-même. « Quand l’ultimatum se rapproche, l’agressivité augmente sensiblement, observe l’un des participants. Toute la question est de savoir qui va se découvrir en premier lieu et se dire prêt à consentir tel ou tel effort. »

En termes de confiance, même si tous les négociateurs se tutoient, on marche donc sur des oeufs. « On n’est pas des copains, résume Marc Goblet. Je dis bonjour, je suis poli, c’est tout. » De tous les « petits nouveaux », c’est lui, le secrétaire général de la FGTB, qui fait le plus de vagues dans ce cénacle aux habitudes très policées. « Il a surpris beaucoup de monde sur le banc patronal », reconnaît Philippe Godfroid, le président de l’Union des Classes moyennes (UCM). Le Liégeois est direct, il parle cash et va droit au but. « Disons que les employeurs n’avaient pas l’habitude de voir leurs arguments systématiquement démontés, relève un autre syndicaliste. Cette fois, la supériorité intellectuelle supposée du banc patronal n’a pas pris. »

Lors des premiers rounds, chaque banc détaille ses propositions. Cela prend évidemment un certain temps. Les dix premiers jours de la négociation, entamée le 12 janvier, y ont pratiquement été consacrés. « C’est une étape nécessaire pour comprendre la position de l’autre », assure un représentant patronal. Le problème, c’est qu’au fil des débats, certains dossiers connexes s’ajoutent et à la fin, on n’avance plus du tout. » D’où ces discussions qui patinent, interminables. « On connait les enjeux, réplique Marc Goblet. On n’a pas besoin de parler des heures pour ne rien dire. C’est une logique d’épuisement à laquelle je ne peux adhérer. »

Jusqu’à cette fin d’après-midi du jeudi 29 janvier, donc, aucun accord ne se dessine. La veille, les négociateurs se sont quittés bredouilles, à 23h30. Mais le temps presse. Charles Michel, le Premier ministre, veut un accord. Il appelle régulièrement ses relais préférés au sein du Groupe des 10 pour savoir si, et comment, les choses avancent. « J’ai eu des contacts avec Charles Michel à plusieurs reprises pour qu’il ramène les patrons à plus de raison, détaille un syndicaliste. Mais il appelait chaque fois les patrons d’abord. » Les interlocuteurs appellent, eux aussi, leurs relais au sein du gouvernement, Charles Michel et Kris Peeters, ministre CD&V de l’Emploi pour l’essentiel, afin de tâter le terrain et sentir quelles propositions pourraient être suivies.

Las. Syndicats et patronat campent toujours dans leurs tranchées. Pieter Timmermans, administrateur délégué de la FEB, n’est pas un tendre. Jusque sur le banc patronal, certains lui reprochent de jeter de l’huile sur le feu. Sur ce banc, c’est surtout lui et l’inflexible Karel Van Eetvelt, représentant de l’Unizo (union des classes moyennes flamandes), qui prennent la parole. Piet Vanthemsche, représentant du Boerenbond, tente, lui, de rapprocher les points de vue. Il trouve souvent la formulation ad hoc. « Il a même demandé à Pieter Timmermans de faire un geste pour débloquer une situation », raconte l’un des négociateurs.

Dans Le Vif/L’Express de cette semaine, l’intégralité de l’enquête. Avec :

– Il arrive que le Groupe des 10 rie

– La journée décisive du 29 janvier

– « Marc Goblet a beaucoup appris lors de cette négociation »

– Le cahier Atoma de Pieter Timmermans

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