Guy Martin

« Compromis ou compromission ? Lettre ouverte au Parti socialiste »

Guy Martin Citoyen de la région liegeoise

Les responsables du Parti socialiste ne se rendent-ils pas compte que l’on se dirige tout droit vers une privatisation totale de l’enseignement ? Ou cela serait-il réalisé avec la complicité lucide de certains. Ces derniers ayant choisi de cacher le véritable enjeu aux militants : privatiser l’école publique …?

La proposition 47 des 170 propositions du Chantier des idées du PS prévoit la mise en place d’un Organisme d’Intérêt Public pour organiser l’enseignement de la fédération Wallonie Bruxelles. L’enseignement avant appelé enseignement de la Communauté française, ne dépendrait plus directement de ce pouvoir public. Au nom du principe que l’on ne peut être juge et partie, la fédération deviendrait ainsi exclusivement juge.

Pilotage oblige !

Ce faisant, l’enseignement de la Communauté française ne serait plus sous l’autorité directe de représentants du peuple. Car un Organisme d’Intérêt public n’est pas juridiquement un organisme public. Pas plus que l’enseignement confessionnel n’est un organisme public, même si le Conseil d’Etat le reconnaît comme service public fonctionnel… Les « propriétaires » de l’enseignement confessionnel sont des privés.

Cette idée n’est pas neuve. La Charte de l’école pluraliste »(1965) d’Arnould Clausse publiée par la Ligue de l’Enseignement et qui proposait la suppression de TOUS les réseaux au profit d’un réseau unique, suggérait déjà le statut d’asbl pour rendre possible sa création par intégration des différents réseaux. A cette époque, je faisais remarquer à Arnould Clausse qui était mon Professeur de pédagogie à l’Université de Liège qu’il s’agissait d’un statut de droit privé et que celui-ci allait à l’encontre des intentions des Pères fondateurs de l’école publique, héritiers de lourdes luttes sociales au XIXe siècle. Et il me répondait : suppression de TOUS les réseaux….

En 1990, Monsieur Di Rupo proposait un plan de restructuration mais uniquement de l’enseignement officiel au conseil général du Parti socialiste. Celui-ci envisageait d’organiser l’école publique via des asbl. André Krupa alors Depute provincial et Président du CPEONS (rejoint par la suite par Philippe Moureaux) s’était vivement opposé à cette proposition qui avait alors été refusée.

Plus proche de nous, le 17 novembre 2016 un décret était voté à la Communauté française (notamment par des élus socialistes) autorisant cette institution à être, à travers son enseignement, un élément constituant et constitutif d’une école privée (organisée sous forme d’asbl) allant à l’encontre de l’esprit même des pères fondateurs de l’école publique.

À brève échéance, seules resteront publiques, c’est à dire sous l’autorité d’élus du peuple, les écoles organisées par les communes et les provinces.

Mais à brève échéance seulement.

Car l’Objectif à travers l’OIP qui organiserait l’enseignement en déconcentration par aire géographique (en plaçant cette organisation déconcentrée sous l’autorité d’experts spécialisés en pédagogie, ressources humaines et gestion) c’est de fusionner les enseignements Communauté Provinces et Communes pour rationaliser, économiser …

Ce plan est cependant « vendu » aux militants comme visant à donner plus de force à l’enseignement officiel ainsi rationalisé (et seulement lui) alors qu’il permettra de faire des économies qui serviront à mieux financer l’enseignement confessionnel…!

Car, car…

Si la Constitution dispose en son article 24 que : « l’enseignement est libre, toute mesure préventive est interdite » (autorisant ainsi l’enseignement privé qui, dans le respect de critères , peut-être subventionné), elle fixe aussi les conditions de ce subventionnement « dans le respect de différences objectives ».

Or, avec la mise en place d’un Organisme d’Intérêt Public une différence objective de taille (privé/public) est supprimée.

L’école privée recevra donc le même budget que l’ancienne école publique (tout en bénéficiant de soutiens complémentaires de parents fortunés).

Il y a cependant plus grave que cela, du moins quand on est socialiste. En privatisant l’enseignement dans un monde ou l’hégémonie néolibérale est triomphante, on le « marchandise ».

Le privé nous montre suffisamment avec Arcelor Mittal, Caterpillar, Brussels Airlines et bien d’autres que dans la logique marchande néolibérale peu importe l’humain, ce qui compte c’est le profit (d’où sans doute l’apparition d’experts gestionnaires dans les organes de gestion).

Bonjour les dégâts pour les milieux modestes !

Après une médecine à deux vitesses, une école de plus en plus duale…

Tout cela enveloppé dans la dignité du Pacte d’excellence…!

Les responsables socialistes ont ils bien compris ce à quoi ils collaborent ?

Si oui, ce n’est plus un compromis. C’est une compromission.

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