Christine Laurent

Complètement foldingue

Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

EN CETTE FIN D’ANNÉE, IL S’EST FAIT TOUT DOUX. Comme un gros matou ronronnant au coin du feu. Louis Michel devenu sage parmi les sages, écartant d’un revers de la main toute provocation, toute incartade verbale ? Lisse, calme, des compliments pour Bart De Wever, des bons points pour Elio Di Rupo, il s’épanche dans notre magazine entre les clameurs des uns, les silences des autres.

Il attend… son heure peut-être, celle de son fils sûrement. A la marge des brouillons de l’ « Histoire » belge qui se dessinent entre les sept partis. Sans le MR, sans lui. Une posture à l’opposé de celle de la vice-Première ministre Laurette Onkelinx, qui, elle, a les mains dans le cambouis depuis bien longtemps, sans pour autant apercevoir la moindre éclaircie dans le tunnel communautaire. Et d’avouer à notre journaliste : « Depuis le début de la précédente législature, en 2007, on est plongés dans une ambiance complètement foldingue. »

Foldingue, en effet. Pas moins de six mois sans gouvernement, des négociations qui s’embourbent, un pays qui glisse lentement mais sûrement vers la procédure de divorce, le tout sous l’oeil ébahi d’une population mollement résignée et que seules la grosse pagaille et l’atmosphère de fin du monde provoquées par des chutes de neige intempestives ont sortie de sa torpeur. Effet médiatique garanti ! « Un ciel si sombre ne s’éclaircira pas sans une tempête », prédisait Shakespeare. Juste ce qu’il faut pour nous rassurer !

Peut-être les forces centrifuges qui gouvernent notre pays désormais auraient-elles été plus aisées à canaliser si la crise économique, avec, en prime, une croissance en panne, n’était venue en ajouter une couche. La faute à l’euro, accusé désormais d’être la source de tous nos maux ? De fait, clouer la monnaie européenne au pilori, c’est très tendance ces derniers temps parmi les Vingt-Sept. Ici et là, les souverainistes de tout poil haussent le ton sur l’air de la bonne vieille complainte du « C’était tellement mieux avant, au temps du franc, de la drachme et de la lire ». Faux, rétorque Philippe Maystadt, le président de la BEI dans une interview à paraître la semaine prochaine dans notre numéro spécial collector. La pérennité de la monnaie européenne, il y croit. « Ceux qui spéculent sur la fin de l’euro se trompent, affirme-t-il. La crise va faire prendre conscience de la nécessité d’être plus solidaire et de la nécessité d’une plus grande unité d’action. » Et de pointer les risques que pourrait présenter pour la Grèce une sortie de la zone euro, la plongeant dans une spirale de surendettement dont elle ne se relèverait pas.

Belgique, Europe, deux mers agitées sur lesquelles surgissent, aussi, quelques rares îlots de raison. Bien indispensables pour contrer les jusqu’au-boutistes pressés de se replier sur les seuls intérêts nationaux, voire même régionaux, et qui, depuis la crise, relèvent dangereusement la tête. « Il est possible que l’Europe se féodalise, qu’elle entraîne la transformation de régions en domaines souverains un peu partout. […] La globalisation techno-économique suscite une revendication identitaire, politique et culturelle. La perte de l’appartenance crée une sorte de vertige : on a besoin de retrouver des repères et des singularités », analyse pour Le Vif/L’Express le philosophe Régis Debray.

Une lame de fond sous forme de reflux, idéalisé depuis sa plus tendre jeunesse par Bart De Wever. Or, en Belgique en 2011, on doit trouver un compromis, il le faut ! Les Belges ne veulent pas revoter et ils l’ont fait savoir. Hélas, De Wever ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Au risque de rendre la situation plus foldingue encore ?

Christine Laurent

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire