Jules Gheude

Communauté française de Belgique: « Et si la solution passait par la fusion Communauté-Région ? »

Jules Gheude Essayiste politique

De manière récurrente depuis 35 ans, des voix wallonnes s’élèvent pour réclamer la suppression de la Communauté française de Belgique.

De son côté, la Flandre n’a nulle intention de toucher à cette Communauté flamande qui lui permet d’encadrer sa minorité bruxelloise d’une manière efficace, du berceau jusqu’à la tombe, comme disait François Perin.

Dès le départ, la Flandre a d’ailleurs choisi de conférer à la Communauté l’exercice des compétences dévolues à la Région. Le Parlement flamand légifère donc à la fois dans les matières communautaires et régionales. Installé à Bruxelles, il compte 124 députés élus au suffrage universel direct : 118 en Région flamande et 6 en Région de Bruxelles-Capitale.

Quant au gouvernement flamand, lui aussi installé à Bruxelles, il se compose de 9 ministres.

Les francophones auraient, eux aussi, pu opter pour cette fusion Communauté-Région. Le parti réformateur-libéral y était d’ailleurs favorable, mais il se heurta à la réticence du PS, lequel craignait de voir sa prépondérance wallonne se diluer dans un cadre plus large.

On dédoubla donc les institutions, les unes (Région) installées à Namur, les autres (Communauté) à Bruxelles. Le gouvernement wallon compte aujourd’hui 7 membres, comme celui de la Communauté française (2 de ceux-ci étant aussi membres du gouvernement wallon).

Le Parlement wallon se compose de 75 membres, élus au suffrage universel direct. Le Parlement de la Communauté française comprend, lui, 94 membres : les 75 élus du Parlement wallon et 19 élus appartenant au groupe linguistique français de la Région de Bruxelles-Capitale.

Nul n’est besoin d’être un comptable expérimenté pour saisir le type d’économies que la Flandre peut ainsi réaliser chaque année.

François Perin raconte : « Gol était un esprit cultivé, convaincu que nous ne sommes rien sans la culture française. Une idéologie culturelle régionaliste wallonne, c’était pour lui le comble de la médiocrité. Dès 1979, le PRL a préconisé la fusion Communauté-Région pour ne pas abandonner Bruxelles. Je me souviens de sa terrible colère au bureau du parti quand André Damseaux et Jacqueline Mayence ont basculé en faveur de l’implantation de la capitale wallonne à Namur. « Il n’y a que deux capitales possibles », déclara-t-il. « Si ce n’est pas Bruxelles, j’en connais une autre autrement prestigieuse ». Il n’a pas prononcé le nom de Paris mais… »

Alors que la Flandre freinait de toutes ses forces la mise sur pied d’une Région bruxelloise à part entière, la position de Jean Gol était largement compréhensible. Il fallait éviter à tout prix que Bruxelles ne tombât à terme dans l’escarcelle flamande.

La Région bruxelloise finit par accoucher en 1988. En guise de compensation à la Flandre, le PS avait choisi de sacrifier José Happart sur l’autel fouronnais. L’ultra-régionaliste wallon, à qui les Bruxellois francophones reprochaient son manque de solidarité, pouvait à présent répondre : « Moi, pas solidaire ? Mais c’est grâce à moi que la Région bruxelloise a pu voir le jour ! »

Non seulement la Région bruxelloise était née, mais elle fut même la première des Régions à voir son Parlement élu au suffrage universel en 1989.

Dès cet instant, les choses prenaient une tournure différente. Bien qu’enclavée en territoire flamand, la Région de Bruxelles-Capitale pouvait désormais faire valoir ses propres frontières pour contrecarrer toute tentative d’appropriation par la Flandre.

Il est intéressant de constater que, lors de l’éclatement de la Fédération yougoslave, il fut tenu compte des frontières administratives internes (rapport de la Commission Badinter en 1992), alors que la règle de droit international « uti possidetis iuris » (tu posséderas comme tu as possédé) ne s’appliquait jusqu’alors qu’aux frontières extérieures d’un Etat disparu.

Cela peut donc faire jurisprudence. En Belgique, seules les Régions wallonne, flamande et bruxelloise, ainsi que la Communauté germanophone, peuvent être délimitées géographiquement. Ce sont donc ces frontières qui seraient prises en considération si l’Etat belge était amené à disparaître.

Feu Xavier Mabille, l’ancien président du CRISP, a d’ailleurs tenu à mettre la Flandre en garde : Pour tenter de l’exprimer dans les termes les plus clairs, la Flandre – ou du moins une majorité parmi les personnes et les institutions qui en assurent l’expression politique – pourrait décider de son autodétermination. Elle ne déciderait pas pour autant du même coup du destin de la Wallonie ni de celui de Bruxelles.

Aujourd’hui, force est de constater que les Bruxellois dans leur ensemble affirment de plus en plus distinctement leur spécificité. Selon l’enquête réalisée par Rudy Janssens de la VUB en 2013, 73,9% d’entre eux optaient pour l’autonomie en cas de disparition de la Belgique. Seuls 4% seraient prêts à se tourner vers la Flandre, et 4,6% vers la Wallonie !

Pour en revenir à la Communauté française de Belgique (seule appellation autorisée par la Constitution), son avenir est aujourd’hui menacé par l’absence de gouvernement de plein exercice, suite à la décision de Benoît Lutgen, de mettre un terme à l’alliance avec le PS.

Olivier Maingain, le président de DéFi, vient de déclarer qu’il était disposé à jouer le rôle de sauveur, mais pas à n’importe quel prix.

Et si la solution passait finalement par la fusion Communauté-Région, le tout installé à Namur?

Et si la solution passait finalement par la fusion Communauté-Région, le tout installé à Namur ? On n’aurait plus qu’un seul gouvernement et il suffirait, chaque fois que des matières communautaires sont à l’ordre du jour, que les 19 membres bruxellois francophones se déplacent dans la capitale wallonne. Cela s’appelle l’économie des moyens.

Dans la mesure où la Communauté française ne peut être supprimée (cela exigerait une modification de l’article 2 de la Constitution, à laquelle, jamais, la Flandre ne consentira), la formule préconisée ici présente l’avantage de l’efficacité au moindre coût. Elle n’affecterait en rien les liens de solidarité entre Bruxelles et la Wallonie.

Les francophones peuvent aisément la concrétiser seuls, en rassemblant les majorités prévues à cet effet par la Constitution (au Parlement de la Communauté française, au Parlement wallon et au sein du groupe linguistique français du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale). C’est, somme toute, une question de cuisine interne, sans implication de la Flandre.

Reste à savoir si les bisbilles partisanes sont aujourd’hui susceptibles de s’effacer au nom de la raison et au profit de l’intérêt général…

Pour ce qui est de la population germanophone, ce fut une erreur de l’avoir intégrée à la Région wallonne. Communauté à part entière, elle devrait pouvoir compter aussi sur des outils régionaux propres.

Dernier livre paru : « Un Testament wallon – Les vérités dérangeantes », Mon Petit Editeur, 2016. La version néerlandaise est sortie chez Doorbraak Boeken, avec une préface du politologue Bart Maddens de la KU Leuven.

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