© Frédéric Pauwels

Comment un manager flamand démolit le PS au profit de la N-VA

A l’intention de ses militants, la N-VA va faire circuler le terrifiant récit d’un manager flamand plongé dans une usine hennuyère en crise. Temps fort de la narration, cette réplique prêtée à Di Rupo : « nos ouvriers ne doivent pas s’adapter. Vous êtes Flamand, vous êtes le problème. »

Ames sensibles s’abstenir. Programmé en novembre, le choc promet d’être rude pour les militants de base de la N-VA qui feront le déplacement à Nijlen, en province d’Anvers. Un ex-manager de crise flamand se dévouera pour leur ouvrir les yeux sur la « vraie » vie socio-économique qu’il a pu côtoyer au sud du pays.

La section locale N-VA prévient déjà sur son invitation, comme pour décliner toute responsabilité: « les Flamands ne connaissent pas la réalité wallonne. » Que l’orateur annoncé, retraité, soit vice-président de la section N-VA de Geel ne doit rien enlever à son expertise ni à son impartialité: en quinze ans d’activité managériale en Flandre et aux Etats-Unis, Staf Kauwenberghs croyait avoir tout vu. Il se trompait. Son parachutage dans une entreprise wallonne, pire encore, hennuyère, a été une descente aux enfers. L’homme a déjà tué le suspense en révélant son traumatisme dans une lettre ouverte. Elle trône en bonne place sur les sites flamingants Doorbraak et Pro Flandria.

Un manager flamand au pays des soviets

Or donc, il était une fois un manager flamand envoyé par sa maison-mère dans une entreprise chimique hennuyère de plus de 300 personnes, afin d’y redresser la boutique. Un vrai casse-pipe : il s’agit de sortir l’usine d’années « d’incroyables irrégularités », justifiées et couvertes par un syndicat socialiste omnipotent et agressif, la FGTB pour ne pas la citer.

« La situation semblait sans espoir », raconte Staf Kauwenberghs. Le redresseur de torts n’en croit pas ses yeux : « dans une entreprise totalement automatisée, la tâche des travailleurs consiste essentiellement à contrôler. » Même cela, c’était trop leur demander : « les ouvriers « avaient l’autorisation » de dormir la nuit, à tour de rôle. Des matelas étaient posés à cet effet, à côté des cuves, à une place bien au chaud. D’autres pointaient lorsque leur shift commençait, et retournaient chez eux. Ils étaient joignables par GSM, ce qui suffisait aux syndicats. » Tout était prétexte « à ne rien faire. »

Grèves, menaces personnelles, prise en otage du management : on vous passe les détails que livre avec profusion Staf Kauwenberghs. L’homme se souvient s’être senti bien seul dans l’adversité. «  »Personne n’a pu ou voulu nous aider. » Sûrement pas Elio Di Rupo, alors ministre-président wallon, et Laurette Onkelinx, à l’époque ministre de l’Emploi. « On m’avait prévenu de ne pas attendre grand-chose de ce côté-là, vu le lien étroit entre le politique et le syndicat. Et en effet, Di Rupo et Onkelinx écoutaient et souriaient, écoutaient et souriaient… »

L’ex-manager n’a pas oublié cet unique conseil reçu de l’homme fort du PS: « nos travailleurs ne doivent pas s’adapter, monsieur Kauwenberghs. Vous êtes Flamand. Vous devez vous adapter à notre culture. Vous êtes le problème. »

Rien d’un conte de fées. Ni même d’une fiction. Contacté par Le Vif, l’ex-cadre livre le nom de l’usine qu’il a choisi de taire dans son récit : « il s’agissait de l’entreprise Amoco à Feluy, où j’ai travaillé de 1999 à 2001. » Trois semaines de conflit social à gérer, en octobre 2000, avec à la clé un jour de séquestration de la direction.
Drôle d’idée de remuer ainsi de l’histoire ancienne et locale?

Grossière erreur ! Kauwenberghs persiste à en tirer une généralité bien wallonne, proprement affreuse et cause des maux actuels du pays. Les sympathisants N-VA vont être édifiés : « La vie socio-économique en Wallonie est prise en otage par la politique du PS qui vise à rendre les gens dépendants de l’Etat. Le chômage est perçu comme un droit social normal et acquis pour la vie. La fonction publique sert à rendre service aux copains. (…) On parle beaucoup « d’extrême-droite », alors que « l’extrême-gauche » est aussi présente. Mais le PS sait fort bien la masquer dans sa communication (…) Son idéologie politique étouffe toute initiative, toute créativité. » Rien de tel en Flandre, où « domine encore la culture du travail », comme le confiait récemment à Staf Kauwenberghs un patron wallon parti s’y installer.

Confiance inconditionnelle

Mais si les Wallons croupissent dans un tel état, ils n’ont qu’à s’en prendre à eux-mêmes : « à la différence des Flamands, ils ne critiquent pas ou si peu les dirigeants qu’ils élisent. Ils ont en eux une foi et une confiance inconditionnelle, et ferment les yeux même quand ils ont fauté. » Il est vrai, relève l’ancien manager décidément perspicace, qu’ils sont tenus dans l’ignorance « de la faillite réelle de leur système », par les médias wallons qui « font tous bloc derrière l’idéologie PS. » Qu’espérer, dès lors, de ces dirigeants francophones à qui des concepts comme « prendre ses responsabilités » ou « économiser » sont étrangers. Qui ne souhaitent pas de réforme de l’Etat, afin de « pouvoir continuer d’appliquer leur idéologie. » Et qui demandent finalement à la Flandre « de payer deux fois le système de la solidarité. »

Encore un morceau d’éloquence d’un de ces modestes militants et cadres subalternes de la N-VA, dans la veine de l’avocat Vic Van Aelst. Qui aura aussi droit à sa tribune, offerte par le parti afin de contribuer à l’édification des masses flamandes. Un de ces orateurs dont on dira qu’il aura exprimé tout haut, mais de manière un peu acerbe, ce que pensent bien des patrons flamands. Et que Bart De Wever contredira peut-être mollement sur la forme. Mais sur le fond ?

Pierre Havaux

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