© JULIETTE LÉVEILLÉ

Comment Twitter dépoussière la dictée

Le Vif

La maîtrise de l’orthographe est au coeur des projets pédagogiques de nombreux établissements scolaires, mais rares sont ceux qui sortent des sentiers battus en ce qui concerne son apprentissage. Quelques projets émergent toutefois, comme la Twictée, qui mêle réseau social, collaboration et dimension internationale.

Dans la classe de sixième primaire d’Yves Khordoc, au collège Saint-Michel (Etterbeek), on pratique la dictée… via Twitter ! Voilà maintenant trois ans que l’enseignant a rejoint le réseau international de la Twictée, qui doit son nom à la contraction des mots Twitter et dictée. Même s’il utilise un média sur lequel l’information bouillonne et circule à toute vitesse, le concept est bien réfléchi et structuré.  » Toutes étapes comprises, une session complète de Twictée prend environ un mois « , explique Yves Khordoc.  » Dans un premier temps, les professeurs participants mettent au point des phrases à dicter dont la longueur ne dépasse pas celle d’un tweet (NDLR : 280 caractères au maximum) tout en tenant compte du niveau des élèves, du thème de la twictée du moment ( Star Wars, la musique…) et des éléments de matière qu’ils souhaitent travailler. On dicte ensuite ce texte en classe et chaque élève écrit sa version sur papier.  »

C’est lors de l’étape suivante que la Twictée se démarque d’une dictée traditionnelle : par petits groupes, les élèves comparent leurs écrits et négocient ensemble la production d’une phrase qu’ils estiment orthographiquement correcte. Le professeur récolte ensuite les copies, non pas pour les corriger lui-même, mais pour les transmettre, via Internet, à une  » classe miroir  » partenaire qui va se charger de la correction. En même temps, sa propre classe reçoit les textes écrits par un troisième groupe, la  » classe scribe « , qui a, elle aussi, suivi une dictée et négocié les phrases envoyées.

Ce système permet ainsi à chaque classe participante d’émettre une production écrite et de recevoir des textes extérieurs à corriger.  » Une fois de plus, la correction se fait de manière collective « , souligne Yves Khordoc.  » Il m’arrive de le faire avec toute la classe lorsqu’il y a beaucoup de fautes mais, en règle générale, je répartis les élèves en petits groupes et je leur attribue un texte dans lequel ils doivent repérer les erreurs ensemble.  »

Et c’est là que la Twictée devient particulièrement intéressante ! Les enfants n’ont pas seulement pour mission de déceler les fautes, mais aussi d’expliquer et justifier l’orthographe via des  » twoutils « , des règles publiées sous forme de tweets via le compte Twitter de la classe. De l’usage de la tablette à la structure des tweets, tout est bien réglementé et contrôlé par le professeur et par les organisateurs de la Twictée.  » Le twoutil s’adresse directement via un @ à la classe dont on corrige les écrits, et le tweet contient toujours un hashtag qui identifie le domaine dont il est question.  » Ce qui donne, par exemple :  » @lessixiemesD #G5  » cinéphiles  » s’écrit avec  » ph  » car  » phile  » est un suffixe qui veut dire  » ami « . #Etymo  »

Aspect collaboratif

Le modèle est plutôt éloigné de celui des manuels classiques, mais c’est justement l’une des forces du concept.  » C’est un langage moderne qui parle aux jeunes, remarque Yves Khordoc. Et puis surtout, la Twictée est un principe beaucoup plus actif, qui donne du sens et un but à ce que l’on fait car les écrits sortent de la classe. Contrairement à une dictée traditionnelle, on n’est pas dans la simple mémorisation mais dans la construction du savoir.  »

L’aspect collaboratif est également prépondérant. En plus d’établir des twoutils de correction pour les autres classes, le groupe de départ reçoit de la part de sa classe miroir des règles pour rectifier ses propres écrits. On se retrouve donc dans un modèle où, même si les professeurs sont présents, l’apprentissage passe beaucoup par le dialogue entre les élèves.

Est-ce pour autant plus efficace ? Les premières études sur la Twictée sont seulement en cours, mais le principe est fort proche d’autres méthodes jugées efficaces, comme la négociation des choix orthographiques ou la comparaison de différentes graphies possibles pour une même phrase. Ces techniques ont toutes pour point commun de verbaliser le raisonnement des élèves par rapport à l’orthographe d’un mot ou d’une phrase, tout comme le fait la Twictée.

Et quand bien même l’impact de cette dernière s’avérerait moindre sur la maîtrise de l’orthographe, Yves Khordoc y voit d’autres avantages :  » La Twictée provoque un engouement et un intérêt chez les élèves. Ils ressortent spontanément les hashtags qu’on emploie pour la rédaction des twoutils lors des cours de grammaire ou de conjugaison. Et puis, la correspondance avec les autres classes pratiquant la Twictée est une véritable plus-value.  »

Actuellement, le concept rassemble pas moins de 600 groupes francophones du monde entier (France, Canada, Belgique… ) dont le niveau varie de la première primaire à la deuxième secondaire.

Par Marie-Eve Rebts.

D’autres initiatives à l’école

Certains projets visant à améliorer l’orthographe sont mis en place par les établissements scolaires eux-mêmes. La section secondaire du collège Jean XXIII, à Bruxelles, organise par exemple, une fois par semaine, des ateliers d’orthographe en dehors des heures de cours. Les séances sont basées sur des exercices de drill et sur l’utilisation d’outils en ligne comme le projet Voltaire. Ce dernier repose sur l’ancrage mémoriel, un principe qui vise l’apprentissage rapide et durable en s’appuyant sur les connaissances scientifiques en matière de fonctionnement de la mémoire.

A l’école primaire Sainte-Marie de Bousval, on a choisi de donner du sens à l’orthographe au travers d’un plus large projet d’écriture intitulé  » Ecrire pour communiquer « . L’action consiste pour les élèves à rassembler et traiter des informations afin de produire du contenu écrit qui est ensuite partagé en ligne ou à l’extérieur. Ils ont ainsi réalisé de A à Z un livret sur la commune de Bousval à l’époque de leurs arrière-grands-parents, un livre de recettes et de bricolages pour Halloween, un petit journal de l’école… Non seulement ce genre de projet motive les élèves, mais le partage des textes avec l’extérieur donne du sens à l’utilisation d’une orthographe correcte.

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