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Comment les régionalistes ont reconquis le PS

François Brabant
François Brabant Journaliste politique au Vif/L'Express

Les régionalistes continuent d’avancer leurs pions. Au Parti socialiste, notamment. En jeu : la nature des relations Wallonie-Bruxelles.

Assiste-t-on au dénouement d’une guerre de trente ans ? La lutte d’influence que se livrent la Communauté française et la Région wallonne est-elle en train de tourner définitivement à l’avantage de la seconde ? En janvier 2013, le socialiste Jean-Claude Marcourt, vice-président du gouvernement wallon, l’avait déclaré sans ambages au micro de la RTBF : « Le courant régionaliste a gagné. » Une autre personnalité socialiste confirme : « Depuis le début des années 1990 et la présidence de Guy Spitaels, on n’avait plus jamais vu ça. Avec Jean-Claude Marcourt, mais aussi Anne Poutrain, la directrice de l’Institut Emile Vandervelde, on assiste à une reprise en main du parti par des hyper régionalistes. »

A quatre mois des élections, les tenants de la thèse régionaliste cherchent à pousser plus loin encore leur avantage. Un symbole pourrait tomber dès la rentrée politique de septembre. Depuis des temps immémoriaux, les députés wallons alternent : une semaine au parlement régional, à Namur, la suivante au parlement communautaire, à Bruxelles, et ainsi de suite. Ce principe d’équilibre, fruit d’un compromis historique, est aujourd’hui contesté. Non seulement par de nombreux élus socialistes, mais aussi, c’est nouveau, par des représentants du MR, du CDH et d’Ecolo. Le député wallon Christophe Collignon (PS) propose ainsi de réunir le parlement régional trois semaines par mois, pour une seule à la Communauté. « Objectivement, on perd beaucoup son temps à la Communauté française, affirme-t-il. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder les ordres du jour. On va à Bruxelles pour voter des résolutions sur la Palestine. En attendant, un ministre régional qui a des dossiers urgents à faire passer, il n’a qu’une commission tous les quinze jours. »

Marc Bolland (PS) va plus loin : « Un parlement comme celui de la Communauté française ne sert plus à rien. Arrêtons de le mobiliser une semaine sur deux. Entre députés régionaux wallons et bruxellois, voyons-nous quelques fois par an, quand il le faut, un peu sur le nouveau modèle du Sénat prévu par la réforme de l’Etat. »

En 2008, Christophe Collignon a cosigné avec l’actuelle ministre wallonne de la Santé, Eliane Tillieux, et quatre autres parlementaires PS une carte blanche parue dans Le Soir. Le titre (« Vous pouvez dire à nos mères que nous sommes régionalistes ») sonnait comme un acte fondateur. Il annonçait le réveil du régionalisme wallon. « A l’époque, notre position paraissait presque sacrilège, se souvient Collignon. Maintenant, j’exagère à peine si je dis qu’elle est devenue la norme. Au sein du parti, on s’est rendu compte d’une chose essentielle : maintenir la thèse communautaire, c’est rester englué dans un fédéralisme d’affrontement. Le soi-disant dialogue de Communauté à Communauté, ce n’est rien d’autre qu’un bras de fer permanent entre néerlandophones et francophones. Cela conduit à la paralysie. Au PS, on a compris que si on voulait un fédéralisme qui fonctionne, il fallait que le pays repose sur trois Régions, et non sur deux Communautés. »

Pour autant, « pour l’instant, on ne voit aucun député déposer des propositions de décret demandant la régionalisation de la culture ou de l’enseignement, confirme Philippe Destatte, directeur de l’Institut Destrée, l’un des foyers intellectuels du régionalisme wallon. Parmi les principaux leaders politiques, seul Jean-Claude Marcourt avance parfois ces pions-là. » Le ministre wallon de l’Economie précise cependant que la suppression de la Communauté française n’est pas à l’ordre du jour. « Ouvrir ce débat-là, c’est réveiller des plaies qui n’ont pas de sens, explique-t-il au Vif/L’Express. Y a-t-il un modèle plus efficient que celui que nous connaissons aujourd’hui ? Je le pense. Est-ce la priorité à laquelle nous devons nous attacher ? Non. Les priorités, ce sont la relance socio-économique et un enseignement de qualité. »

L’intégralité du dossier dans Le Vif/L’Express de cette semaine.

Avec :

– Le poids de l’émergence d’une identité bruxelloise
– Un siècle d’ambiguïté
– Rail francophone ou rail wallon ?

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