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Comment le Parlement prend le pouvoir en cas d’affaires courantes

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

La multiplication des périodes de crises post-électorales pourraient, à terme, mener la Belgique à un véritable révolution parlementaire. La preuve par une étude ULB que nous dévoilons en exclusivité.

En 2007 et, surtout, en 2010-2011, le pays a été bloqué durant de longs mois faute d’accord pour la constitution d’un gouvernement fédéral. Aussi, la notion d’affaires courantes, cette période de calme législatif entre les élections et l’apparition du nouvel exécutif, a été révolutionnée jusqu’à donner un pouvoir bien plus important au Parlement. « En cas d’affaires courantes prolongées, le Parlement sait désormais que rien ne l’empêche de prendre des initiatives, souligne Jean-Benoît Pilet, directeur du Centre d’étude de la vie politique (Cevipol) à l’ULB.

Les crises précédentes ont considérablement élargi la palette des affaires courantes sur lesquelles il peut intervenir en raison de la pression du droit international. Cela va de la transcription des directives européennes à un sujet aussi délicat que l’entrée en guerre en Libye. La question serait même de savoir aujourd’hui si ces affaires courantes ne s’étendraient pas encore, en intégrant l’urgence socio-économique ou la nécessité d’agir si la notation de la dette belge est attaquée, par exemple. On pourrait parfaitement imaginer un Parlement décidant d’un cadre structurel pour réformer les pensions. »

Jean-Benoît Pilet est, avec sa collègue Nathalie Brack, l’auteur d’une étude approfondie de la notion d’affaires courantes. Ce travail, réalisé en collaboration avec Xavier Baeselen et Sandra Toussaint du parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, est le premier résultat concret d’un « groupe de recherche sur les parlements » créé cette année par l’université bruxelloise et l’institution francophone.

Premier constat : plus la crise se prolonge, plus le Parlement retrouve la quasi-totalité de ses prérogatives, malgré un gouvernement démissionnaire.

Second constat, plus significatif encore : les rapports de forces politiques changent. Alors que les parlementaires sont habitués à jouer les presse-boutons, selon une logique partisane en total respect de la discipline gouvernementale, ils retrouvent de leur aveu même une plus grande liberté.

Sur la base des résultats de l’étude, le directeur du Cevipol n’exclut pas non plus une évolution plus fondamentale encore si les négociations actuelles venaient à échouer ou si, à l’avenir, la Belgique devenait ingouvernable. Une révolution parlementaire, en somme. « Nous pourrions nous retrouver dans une situation comparable à celle qui prévaut déjà dans des pays où il est impossible de mettre en place un gouvernement majoritaire. Une coalition minoritaire pourrait recevoir le soutien de majorités parlementaires ad hoc selon les matières traitées, différentes selon les domaines abordés. Ce fut le cas au Canada pendant dix ans, en Suède des années 1960 à 2000 ou en Espagne régulièrement. »

Par Olivier Mouton

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