Olivier Mouton

Combien d’Haiyan faudra-t-il pour que cela bouge vraiment?

Olivier Mouton Journaliste

Le typhon Haiyan, le plus dévastateur jamais enregistré, donne des arguments à ceux qui veulent enregistrer des avancées notables lors de la 19e conférence de l’ONU sur le climat à Varsovie. Le drame philippin sera-t-il celui de la révolution mentale ? C’est loin d’être sûr.

Plus de 10.000 personnes tuées dans une seule ville et un bilan en victimes humaines risquant d’être bien plus important. Quelque dix millions de personnes affectées, 660.000 déplacées. Le typhon Haniyan, qui a ravagé les Philippines, affole des compteurs. Avec des vents soufflant à plus de 360 km/h, il témoigne de l’intensité de plus en plus forte des catastrophes naturelles qui secouent certaines parties du globe. Ce drame suscite des promesses de solidarité mondiale, mais dans le même temps, la colère des Philippins monte devant la lenteur des secours. Et s’il donne des arguments à ceux qui souhaitent une accélération de la lutte contre le réchauffement climatique, cela risque bien de n’être qu’un feu de paille…

La coïncidence est pourtant frappante : ce drame philippin, sans précédent dans l’histoire, est survenu à quelques jours de la dix-neuvième conférence climatique de l’ONU, qui s’est ouverte lundi à Varsovie. Les larmes du délégué des Philippines Yeb Sano ont fait le tour du monde : en annonçant qu’il allait « volontairement jeûner » en solidarité avec son pays pour obtenir des avancées dans la lutte contre le réchauffement climatique, ce jeune homme a tenté de remettre haut à l’agenda de l’actualité un combat qui, ces derniers temps, a été éclipsé par la crise économique et sociale ravageant l’Europe et le monde, ainsi que par la montée des populismes qui y est liée.

Depuis l’adoption du protocole de Kyoto, en 1997, et son entrée en vigueur, en 2005, le sujet a peu à peu disparu des écrans radar de l’actualité « mainstream ». Les négociations pour lui donner un successeur, tenues à Copenhague en 2009, ont échoué. Seuls des engagements non contraignants ont été pris pour ne pas dépasser 2°C d’augmentation de la température moyenne d’ici 2100. Cela ne coûte pas grand-chose de l’affirmer, mais aucun moyen concret n’a été mis en oeuvre pour y arriver alors qu’une vraie révolution des mentalités et des comportements serait nécessaire. Des « fonds verts » ont été créés pour financer les conséquences du changement climatique, mais seuls six milliards de dollars y ont été consacrés alors que des engagements avaient été pris pour un montant de 30 milliards entre 2010 et 2012. En Belgique même, le bulletin climatique, pourtant ambitieux, est décevant.

Les consciences sont endormies par les blessures de la crise. Seule l’urgence fait, parfois, réagir, suscitant la générosité des donateurs de par le monde. Mais le précédent du tsunami ayant ravagé l’Asie en 2004 témoigne du fait que celle-ci n’est pas toujours bonne conseillère : l’aide apportée avait alors été en grande partie totalement en décalage avec les besoins du moment.

Ce sont des mesures structurelles qui doivent être décidées, insistent ceux qui veulent forcer un accord contraignant à Varsovie ou, si cela n’est pas possible, à Lima en 2014 et à Paris en 2015. Aux sceptiques qui refusent de voir un lien entre ces phénomènes extrêmes et la gravité du réchauffement climatique, ils brandissent le dernier rapport du groupement des experts des Nations unies (Giec), publié l’an dernier, qui affirme que sur la période 2046-2065, le réchauffement devrait être de l’ordre de 0,4 à 2,6ºC selon les scénarios. La hausse du niveau des océans et de leur température en surface est également démontrée : c’est précisément ce qui est la cause première de typhons aussi dévastateurs que celui ayant ravagé les Philippines.

Mais combien de Haiyan faudra-t-il pour que cela bouge vraiment ? Trop, sans doute. Au-delà du scepticisme croissant face aux effets du réchauffement, les conférences climatiques peinent à convaincre tant elles s’apparentent souvent à de grand-messes incapables de délivrer des résultats. Varsovie échappera-t-elle à ce constat ? Peu probable ! Dans le monde, si les larmes du délégué philippin touchent les consciences, elles sont rapidement séchées par le retour aux considérations plus immédiates comme la nécessité de lutter contre un chômage devenu endémique, de redéployer nos industries ou d’oeuvrer tant et plus à un retour d’une croissance soutenue.

Autant de considérations ô combien légitimes, mais qui n’incarnent pas le changement de modèle que le drame philippin semble nous dicter.

Par Olivier Mouton

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