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Clash juges et politiques : « Les élus se sentent plus légitimes que les autres »

 » Le juge est un représentant de la nation au même titre qu’un député « , assénait, le 15 mai, à la télévision, le premier président de la Cour de cassation. A tort ou raison ? A tort, estime Christian Behrendt, constitutionnaliste à l’ULg. A raison, réplique Marc Verdussen, constitutionnaliste à l’UCL.

Marc Verdussen est constitutionnaliste à l’UCL. Il déplore que « trop d’élus ont tendance à se draper dans leur légitimité démocratique – je suis élu donc j’ai nécessairement raison – et à considérer que cette légitimité est plus forte que celle des juges. C’est une idée fausse. » Explication… « Déjà, sur le plan constitutionnel, en 1831, les trois pouvoirs ont été créés comme devant être égaux, souligne Marc Verdussen. Aucun d’eux n’est hiérarchiquement supérieur aux deux autres. Tous sont unis par la même obligation, celle de respecter la Constitution. Dans un des articles les plus fondamentaux de la Constitution, le Congrès national a tenu à souligner que « tous les pouvoirs émanent de la nation » et tous doivent être exercés « de la manière établie par la Constitution ». Ensuite, la légitimité n’est pas quelque chose qui est donné, qu’on reçoit et qu’on conserve ad vitam æternam. C’est quelque chose pour lequel on se bat tous les jours. La légitimité d’un élu – comme celle d’un journaliste ou d’un professeur d’université – tient autant à ce qu’il fait qu’à ce qu’il est. Qui est plus légitime ? Un parlementaire élu avec des milliers de voix de préférence et qui se distingue pendant cinq ans par son indolence ? Ou un juge sans voix de préférence, car non élu, mais qui se dépense sans compter pour rendre des jugements dans des délais raisonnables et avec le souci de rendre justice ? »

Ce conflit de légitimité n’est pas nouveau. « Mais il crée un terrain propice à des tensions, à certaines époques, entre le politique et le judiciaire, épingle Marc Verdussen. C’est le cas aujourd’hui. Pourquoi ? J’y vois la conjonction d’au moins trois facteurs : 1. les poursuites menées dans les affaires Van Cauwenberghe, Mathot et Milquet agacent une partie du monde politique, qui estime n’avoir de leçons à recevoir de personne. 2. un gouvernement qui mène une politique effrénée d’austérité doit faire des choix et il est tentant de privilégier ceux qui rapportent électoralement, ce qui n’est pas le cas de la justice (et que dire des prisons !). 3. Le gouvernement est asservi à un parti, la N-VA, qui entend démanteler tout ce qui est fédéral pour mieux démontrer que le pays est en état de déliquescence. La justice, comme la monarchie, est une cible idéale. »

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