Christine Laurent

Cigales et fourmis à la fois, c’est rare !

Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

« AUSTÉRITÉ, ÇA SENT LE PAVÉ. » LA MENACE EST À PEINE voilée. « Je vous souhaite une bonne année, une bonne santé et surtout beaucoup de courage.

Car nous sommes en guerre », a lancé à ses troupes, à la fin de la semaine dernière, Manuel Castro, président des métallos FGTB du Brabant. « Victoria o muerte », a-t-il ajouté. Bigre ! La journée de grève du 30 janvier s’annonce donc « sanglante ». Tout le pays devrait être paralysé. Une image qui cogne au moment même où se réunit un énième sommet européen censé trouver des pistes originales pour sortir la zone euro du bourbier de la crise. Une manifestation qui n’est qu’un antipasti, si l’on en croit le responsable syndical qui a vivement encouragé ses affiliés à faire des économies dans la perspective d’actions futures tout aussi musclées.

Voilà qui ne va pas faciliter la tâche de Di Rupo Ier en quête de 2 milliards d’ici au 25 février prochain. « Mais qu’est-ce que les socialistes foutent dans ce gouvernement ? » s’est encore interrogé Manuel Castro. Bonne question. Car les temps sont durs et les pronostics bien sombres pour le PS. Impossible, désormais, de maintenir un modèle social entretenu par la dette. L’Europe veille au grain. Fini le temps des promesses intenables, les travailleurs sont sous tension. C’est qu’on le paie drôlement cher le laxisme budgétaire des années 2007-2008, laxisme renforcé encore par la conviction des politiques d’alors (pour rappel, hormis le SP.A, les mêmes qui sont aux manettes en 2012) que la croissance permettrait de sauter sans problème par-dessus les gouffres financiers béants. Une fuite en avant qui, aujourd’hui encore, donne le vertige.

Le constat mille fois posé, reste à trouver, dans le brouillard le plus opaque, des esquisses de solutions. Quel sera donc le chapelet de mesures que nous égrènera Elio Di Rupo dans un mois ? Que mijote-t-il ? Un réformisme brouillon ou de vraies décisions, courageuses et responsables ? Pas simple, tant il s’avance sur un fil bien ténu et que tous les partis de la coalition, jusqu’ici, ont fait la preuve qu’ils maîtrisaient davantage les politiques à court plutôt qu’à long terme. Les voilà cigales et fourmis à la fois, c’est rare !

Comment résoudre l’impossible équation qui vise la relève du pouvoir d’achat, la diminution du coût du travail sans toucher aux salaires, le maintien d’investissements stratégiques et les indispensables coupes budgétaires ? Où trouver le juste équilibre entre recettes et dépenses sans casser la dynamique économique ?

Nul ne le sait apparemment. On tend désespérément des micros à des experts bien désemparés, qui n’ont rien vu venir et qui affirment tout et son contraire. Qui croire, tant les arguments des uns et des autres peuvent être en totale opposition ? A qui se fier ? Selon Daniel Kahneman, Prix Nobel d’économie en 2002, les experts, économistes et politologues en tête, se trompent plus souvent que le commun des mortels. Ils auraient tout faux six fois sur dix, dépassant les lois de la statistique qui voudraient que l’on ne se trompe qu’une fois sur deux. La raison ? Ils seraient, selon Kahneman, trop prisonniers de théories et modèles figés qui les rendent incapables d’absorber des informations nouvelles et les changements du monde.

Il faudra donc admettre que l’économie est imprévisible par définition. Or, par temps d’orage, chacun veut savoir ce qui l’attend. Mais à l’impossible nul n’est tenu. Foi de Woody Allen pour qui « prévoir est un exercice bien aléatoire surtout lorsqu’il s’agit de l’avenir ».

CHRISTINE LAURENT

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