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Cherchez l’intrus : Olivier Maingain en jeu

Pleins feux sur le président du FDF : les partenaires flamands à la négociation réclament sa tête, les partis francophones s’irritent de ses postures. Olivier Maingain n’en a cure : il a les moyens de forcer le MR et son président Charles Michel à le garder à la table.

Il ne sent pas qu’il gêne à table. Ou si c’est le cas, il ne fait pas mine d’en être affecté, encore moins de vouloir en tirer les conséquences. Il faut dire qu’il a le chic pour tenir la posture. Pour un peu, il en tirerait même un titre de gloire. Olivier Maingain en « mouton noir » du landerneau politique : le rôle n’est pas pour lui déplaire. Il le connaît bien, pour l’avoir endossé dans d’autres castings. Il s’y investit une fois encore, placide comme à l’accoutumée. Le président du FDF entend ses oreilles siffler par les temps qui courent. Depuis que le fol espoir d’une sortie de crise politique revient timidement sur le tapis, il n’y en a que pour lui. Si ça ne tenait qu’à elle, il y a belle lurette que la Flandre l’aurait expédié aux cent mille diables. Les partis flamands rêvent d’accrocher le scalp de Maingain à leurs montures. Ils en font une question… de juste retour des choses. C’est qu’à leurs yeux Maingain ne serait ni plus ni moins qu’un De Wever version francophone. Le CD&V en particulier est à la cravache : la N-VA hors jeu des négociations, les troupes de Wouter Beke ne cessent de réclamer le même sort pour le FDF. Ils exhortent les francophones à se distancier de l’empêcheur de flamandiser en rond. Au nom d’un raisonnement que rappelait le ministre des Affaires étrangères Steven Vanackere (CD&V) à la veille de la reprise des discussions : « Une négociation ne peut réussir que lorsque les deux extrêmes sont absents. »

Ce genre de logique s’arrête là où commence celle de Maingain. La sienne revendique tout au contraire la présence du FDF à la table des négociations, certainement lorsque les sujets qui lui tiennent le plus à c£ur seront en jeu : le sort incertain de Bruxelles, l’avenir compromis de BHV. C’est une question de légitimité démocratique : « Je ne m’impose en rien, mais la démocratie a voulu que je sois le parlementaire le mieux élu dans Bruxelles-Hal-Vilvorde. Il me semble que cela a une certaine signification politique », relève le président du FDF, sur l’air de ne pas y toucher. A bon entendeur : le CD&V peut aller se rhabiller. Et si des partis francophones avaient aussi des objections à formuler à son égard, qu’ils se lèvent : Maingain s’est dit très curieux de prendre les noms…

Ce n’est pas dit comme ça. Mais cela jase ferme dans les rangs francophones. Maingain qui juge « inacceptables » les seules propositions du formateur Di Rupo (PS), qui retape sur le clou de l’élargissement de la Région bruxelloise, qui remet sur le tapis les exigences de protection francophone en périphérie comme conditions impératives à une scission de BHV. Maingain qui se répand et parle trop, agace et irrite PS, CDH et Ecolo. Ils jugent ses « grandes déclarations » inopportunes pour un retour précaire à la paix du ménage belgo-belge. Seulement voilà, le bavard n’est pas seul à donner de la voix. Le président du FDF a du beau monde autour de lui. Au MR, d’autres lui ont emboîté le pas. Daniel Bacquelaine, chef de groupe à la Chambre, est revenu à la charge avec l’idée d’une consultation populaire dans les communes de la périphérie. Didier Reynders est à son tour monté au créneau : appeler les partenaires flamands de la négociation à prouver qu’ils sont devenus plus modérés sans la N-VA à leurs côtés, soutenir la présence de Maingain aux négociations, s’inquiéter de certains reculs francophones dans la négociation à venir. Pas triste, la dernière sortie du ministre des Finances, figure toujours très écoutée parmi les libéraux francophones qu’il a présidés jusqu’au début de l’année. Du coup, tous les regards se tournent vers son successeur, Charles Michel. C’est à lui, le président du MR, à apprécier et à recadrer les choses. A clarifier les points de vue à l’intention des partenaires francophones des négociations. Ceux-là cherchent à décoder ce qui se mijote ou se trame au sein de cette planète bleue qui donne ainsi des signes d’agitation. Ils s’inquiètent du cap suivi par le MR et de la capacité de son patron à le maintenir contre vents et marées internes. Il n’échappe à personne que le trio qui s’est publiquement distingué ne veut pas nécessairement que du bien à Michel Jr : Reynders lui doit une « sortie » prématurée, Maingain n’est pas le plus chaud de ses partisans, Bacquelaine a été son rival malheureux à la présidence. Charles Michel ne peut que le répéter : n’en déplaise à certains, le MR ne lâchera pas le FDF. A un an des élections communales, la perspective serait tout bonnement suicidaire à Bruxelles. L’inconnue reste donc totale : jusqu’à quel point la formation d’Olivier Maingain sera-t-elle autorisée à mettre son grain de sel dans la discussion communautaire ?

Ça commence à crisper et faire désordre dans le camp francophone, ça s’impatiente dans les rangs des partis flamands (CD&V, Open VLD, SP.A, Groen !). Deux excellentes raisons d’accélérer la cadence des négociations et de franchir sans plus trop tarder l’écueil BHV, qui n’est encore que le premier au programme. Sous peine pour les huit partis en lice de faire naufrage, emportés par un climat de plus en plus pourri. Et envoyés par le fond par une N-VA en embuscade qui n’attend que cela. Mais avant de canonner de plus belle, son président Bart De Wever a lancé à l’adresse du CD&V et de l’Open VLD comme un ultime appel à quitter le navire pour rejoindre la N-VA dans un front flamand. Et abandonner ces francophones à leur triste sort.

PIERRE HAVAUX

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