Ettore Rizza

Charlie Hebdo – Closer, même combat

Ettore Rizza Journaliste au Vif/L'Express

Evidemment, ils n’ont pas résisté. Comment auraient-ils pu ? Pour Charlie Hebdo et sa joyeuse bande d’anars laïcards, la provocation, c’est un fonds de commerce. Surtout envers la religion.

Un « core business » comme disent ceux qui parlent comme ça. Et quand le provoqué s’appelle islam, jackpot ! En 2006, le numéro consacré aux caricatures danoises de Mahomet s’était arraché à 500 000 exemplaires, contre un tirage moyen de 85 000 exemplaires à l’époque. Cette année-là, les quatre associés qui dirigent le groupe s’étaient partagé 825 000 euros de dividendes. Ça ne se refuse pas.

Mais attention, il n’y a pas que l’argent. Pop, pop, pop. La liberté d’expression et de caricature, c’est sacré. L’équité aussi. C’est vrai quoi, l’hebdo satirique a déjà assaisonné à toutes les sauces Jésus, le pape, les curés et la Sainte Trinité au grand complet. Pas de raison d’épargner les musulmans. Surtout quand ils se comportent comme des hystériques. Trente morts. Trente morts dans le monde à cause de la diffusion sur le Net d’un navet sans nom qui, par comparaison, propulse les films de Max Pécas au firmament du 7e art. Innocence of Muslims ? « Une histoire écrite par un idiot, tournée par des saboteurs sous la direction d’un dément pour le compte d’un producteur vraisemblablement en fuite », aurait écrit Henri Jeanson, l’un des critiques de cinéma les plus féroces de l’après-guerre.

Dans ces conditions, Charlie Hebdo aurait eu tort de se priver. L’argument massue de Charb, son directeur : « Si on commence à se dire, parce qu’il y a 250 excités qui manifestent devant l’ambassade des Etats-Unis, qu’il faut différer ou ne pas publier des dessins, ça veut dire que ce sont eux qui font la loi en France. » Bien tapé, Charb !

Et c’est ainsi qu’à coup de raisonnements imparables, on en arrive à justifier moralement ce qu’Henri Jeanson, toujours lui, aurait pu qualifier de « sordide coup marketing concocté par des combinards sans scrupule, dessiné à la va-vite sous la direction d’un boutefeu pour le compte d’associés vraisemblablement en train de sabrer le champagne. »

Car tous les arguments massue ne changeront rien au fait que ces nouvelles caricatures constituent une irresponsabilité du même niveau que la vidéo de série Z qui les a inspirées. Si ce sont « 250 excités » que visait l’hebdo, pourquoi attaquer à leur place des millions de croyants qui n’ont manifesté nulle part, n’ont brûlé aucun drapeau, n’ont tué personne ?

C’est vrai, les musulmans sont en moyenne plus sensibles au blasphème que les chrétiens, blasés par plusieurs siècles de joutes anticléricales. Ce n’est pas encore le cas pour l’islam, et certainement pas en ce moment. Dans un contexte mondial aussi embrasé, jeter un seau d’huile sur le feu a autant de rapport avec la liberté d’expression que les seins nus de Kate Middleton publiés dans Closer. Un beau coup éditorial, mais un mauvais coup tout de même.

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