Thierry Fiorilli

« Charles Michel use de méthodes très éloignées de l’image ronde et lisse créée pour la galerie »

Thierry Fiorilli Journaliste

Ne jamais se fier aux apparences. Surtout en politique, antique scène de théâtre devenue terrain de chasse et d’expérimentations in vivo des  » communicants « . Le visage n’est bonhomme que parce qu’il s’agit de masquer l’agressivité qui habite le corps.

Le message n’est simpliste que pour mieux gommer les zones d’ombres. Les chiffres des bénéfices des uns ne sont répétés que dans le but d’occulter l’ampleur des pertes des autres. Ce n’est pas propre à la Belgique, ni à l’une de ses Régions plutôt qu’à une autre. Et ça n’induit pas que, au royaume des gouvernants, tout n’est que toc, mensonges ou vanités. Mais le pays étant piloté depuis un an maintenant par une coalition historique, cette évolution désolante de la fonction dirigeante crève les yeux.

C’est que, après douze mois aux affaires, la politique menée par le gouvernement de Charles Michel ne se départit pas, malgré la succession de mesures décidées, toutes conformes à ce qu’annonçait son programme, d’une impression de trompe-l’oeil. Soit parce qu’elle promet un mieux-être à l’ensemble des gouvernés, mais qu’il dépendra en réalité du bon vouloir des autres niveaux de pouvoir. Soit parce qu’elle privilégie les déjà plus favorisés. Soit parce que ce qui est présenté aujourd’hui comme un cadeau ne compense pas, dans les faits, ce qui constituait depuis une décision d’hier une nouvelle charge. Soit parce qu’on fait dire n’importe quoi aux chiffres, quand ils ne sont pas truffés d’erreurs, ou à l’objectif final des taxes, ou à l’envergure des réformes.

Et donc, depuis un an, à observer le Premier ministre et ses troupes, ce double sentiment persiste : cette équipe-là n’en finit pas de faire de l’absence des socialistes son plus beau succès, sa plus grande audace, sa plus noble qualité ; mais elle est incapable d’en assumer les conséquences. Autrement dit : le gouvernement Michel ne s’est construit et semble toujours n’exister que pour empêcher la prolongation du bail du PS au pouvoir. Mais, ces désormais bons amis tous de droite, au pire de centre-droit, s’évertuent à répéter vouloir donner des accents sociaux à leur feuille de route. Comme on donnerait quelques gages « au peuple de gauche ». C’est, répète-t-on, pour réconforter le CD&V, très mal à l’aise dans cet attelage de nouveaux managers de l’entreprise Belgique. Mais c’est aussi parce que Charles Michel lui-même se sent gêné aux entournures : en intentions de vote, le MR n’a strictement rien gagné depuis son coup de force de l’été 2014, comme tous ses compagnons d’aventure flamands ; il n’a aujourd’hui plus aucun allié côté francophone ; la mobilisation syndicale du 7 octobre a montré l’ampleur du mécontentement au sein de la population ; et Bart De Wever a beau être devenu un grand copain, ses sorties à répétition n’aident pas à installer un halo de lumière céleste autour de la majorité.

Bref, s’il sourit à n’en plus finir devant les caméras et s’auto-congratule en public à la moindre occasion, le fils de Louis pavoise beaucoup, beaucoup moins en coulisses. Très nerveux, exigeant de tout contrôler, excédés par tout commentaire qui ne flatte pas l’action de son gouvernement, Charles Michel et son entourage immédiat tombent alors le masque : colères, intimidations, tentatives d’immixtion… Tenaillé par la peur de voir le moindre propos instrumentalisé par les adversaires (y compris au sein du parti, où soit ils sont nombreux, et toujours vaillants, et c’est un souci ; soit c’est de la parano, et c’est un problème), furieux lorsque qu’un événement, un discours, une opinion échappe à leur maîtrise, à ce qui était prévu, à ce qui était construit, en termes évidemment de communication, le plus jeune Premier ministre de l’histoire du pays use de méthodes très éloignées de l’image, ronde et lisse, joviale et sereine, créée pour la galerie.

Un double visage, donc. Un double jeu. Qui ne contribuent pas à grandir les objectifs et les décisions de son équipage. Ni la confiance qu’on peut accorder à sa vraie nature.

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