Nicolas De Decker

Charles Michel, une certaine idée du bon sens

Nicolas De Decker Journaliste au Vif

 » Je trouve cette différence entre les législateurs romains et ceux des autres peuples, que les premiers firent la religion pour l’Etat, et les autres l’Etat pour la religion « , écrivait des Romains Montesquieu, qui n’était ni le plus bête ni le plus illibéral des barons.

Charles Michel, qui n’est pas le moins libéral des Brabançons wallons, a propagé en campagne électorale une théologie politique, celle du bon sens. Il a psalmodié un culte, celui du bon sens, dans toutes les nuances possibles de la psalmodie, tantôt railleur, tantôt grave, parfois cabot, parfois dévot. Le bon sens, partout toujours.

Et sous sa direction s’est installé un gouvernement il y a un an et deux mois.

Il allait être le gouvernement du bon sens.

Et qu’a-t-on vu, en un an et deux mois ? Le bon sens en marche.

Depuis un an et deux mois, au gouvernement du bon sens, on a vu :

Des ministres issus d’un parti, le plus grand du pays, dont la raison d’être est de détruire ce pays ? Du bon sens : ils sont nationalistes mais modérés.

Des ministres de la Justice et de l’Intérieur qui se plaignent de n’avoir pas pris des dispositions qui n’auraient pas empêché des attentats islamistes qui ne se sont pas produits sur leur territoire ? Du bon sens : ils sont conservateurs et ont peur.

Une ministre du Budget qui se plaint qu’il lui manque deux milliards, un ministre des Finances qui dit qu’il ne manque rien, un président de commission qui dit qu’il en manque trois ? Du bon sens : ils ne se connaissent pas et sont de trois partis différents.

Un chef de groupe parlementaire de la majorité qui veut interdire aux membres des groupes parlementaires de s’afficher musulman, juif ou chrétien dans leur parlement alors qu’un groupe parlementaire de la coalition est fier de se dire chrétien ? Du bon sens : il est conservateur.

Une ministre de la Mobilité qui veut faire rouler plus de monde avec moins d’argent dans moins de trains avec moins de cheminots ? Du bon sens : elle est libérale.

Une ministre des Affaires sociales qui veut punir les malades d’avoir été trop malades et de n’avoir pas assez travaillé? Du bon sens : elle est libérale.

Un secrétaire d’Etat à la lutte contre la fraude sociale qui veut punir les allocataires d’avoir été trop allocataires et de ne pas avoir assez consommé d’eau, de gaz et d’électricité ? Du bon sens : il est libéral.

Un ministre des Entreprises publiques qui veut privatiser les dernières entreprises publiques qui gagnent de l’argent ? Du bon sens : il est libéral. Quand il était à sa place, il y a vingt ans, un ministre des Entreprises publiques avait privatisé les premières entreprises publiques qui gagnaient de l’argent. C’était aussi du bon sens : il était socialiste et avait inventé pour l’occasion les « consolidations stratégiques ». C’était Elio Di Rupo.

Il a été un des premiers prophètes de cette religion du bon sens, et Charles Michel en est un apôtre zélé.

Les Anglais ont un nom pour cette religion du bon sens qu’on pratique en Belgique.

Mais chez eux, ils appellent ça le non-sense.

Et ce n’est pas de la religion ni de la politique, chez eux.

Chez eux, c’est de la blague.

Ce n’est pas pour rien qu’il les aimait tant, ces Anglais, le baron de la Brède et de Montesquieu.

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