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Charles Michel s’humanise en Flandre. Et veut convaincre en Wallonie…

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Lundi soir sur la Vier, un portrait dévoilait les côtés sensibles et drôles d’un Premier qui n’est pas un poisson froid. Ce mercredi soir, l’exercice sera très différent du côté francophone : il s’agira de convaincre sur le plateau d’une RTBF avec laquelle le MR a multiplié les différends.

Une bière blanche de Hoegaarden devant lui, attablé dans un café, Charles Michel se confie. « Je me sens davantage apaisé dans ma vie privé aujourd’hui. Par hasard, je suis devenu Premier ministre à un moment où c’est plus confortable… » Alors que le journaliste l’interroge au sujet de la perte de son enfant en décembre 2014 et de son retour au Seize deux jours après le drame, il s’étrangle : « Ce furent des moments difficiles pour mon épouse et pour moi-même. » Quelques larmes perlent au coin de ses yeux. Il demande de couper l’enregistrement. Avant de reprendre quelques moments plus tard : « J’étais convaincu que ce ne serait pas possible de revenir deux jours plus tard. C’est mon devoir. » Il concède : « Je suis concentré à 1000 % sur ma fonction. Peut-être que dans quelques années, je me rendrais compte que j’ai raté quelque chose. »

Cette séquence d’émotion spontanée, diffusée dans le cadre d’un portrait réalisé par l’émission Kroost , lundi soir sur la Vier en Flandre, dévoile une facette méconnue du Premier libéral. Elle est entrecoupée de moments plus légers où un Charles Michel hilare affronte Maggie De Block dans un « combat de ratatouille » pour le Télévie ou affirme qu’il « ne dort pas avec sa cravate ».

Le ton est digne d’une couverture « people » en phase avec des médias flamands qui en raffolent. Mais l’ambition est claire, aussi : mieux faire connaître le Premier, ses origines familiales partiellement flamandes, ses études à Amsterdam. Et finalement démonter cette étiquette de « poisson froid » qui lui colle un peu trop à la peau ou de téméraire ayant osé franchir le pas d’une coalition avec la N-VA. Cela dit, ce portrait diffusé en fin de soirée fait également écho à la popularité croissante du chef de file libéral francophone en Flandre, où il atteint les sommets de Guy Verhofstadt ou de Herman Van Rompuy quand ils étaient Premiers.

Étonnamment, Charles Michel semble désormais en terrain conquis au nord du pays où les médias lui déroulent le tapis rouge. Inutile de dire que dans son entourage, on boit du petit lait. Il en va tout autrement du côté francophone.

Ce mercredi soir, Charles Michel inaugure une nouvelle émission à la RTBF, « L’Interview » coprésenté par Johanne Montay et François De Brigode. La première nommée, cheffe de la rédaction politique, a déjà annoncé la couleur en affirmant qu’elle « casserait la langue de bois » du Premier ministre. La chaîne francophone est, il est vrai, à la recherche d’un format télévisé dynamique, rythmé, impertinent, susceptible de faire par moments sauter les audiences comme c’est le cas en Flandre où cela est davantage enraciné dans la culture audiovisuelle.

Pour le MR, il s’agit d’un moment fort attendu, car jusqu’ici, au Seize, on se plaignait d’une attitude de la RTBF nettement moins conciliante à l’égard de Charles Michel qu’elle ne le fut au moment où Elio Di Rupo était Premier ministre. Un côté Calimero ? En partie, oui, et c’est de saison. Le président du PS se plaignait lui aussi d’un « manque de relais dans la presse » récemment. Mais en vérité, le contentieux entre les libéraux et la chaîne publique remonte à longtemps, Didier Reynders ne se priant pas à l’époque de dénoncer les attitudes de la « maison rouge » – avec la dose de cynisme qu’on lui connaît. Charles Michel, lui, regrettait de ne pas avoir facilement accès au plateau du JT de la RTBF dans des moments cruciaux, notamment à l’issue du conclave budgétaire ce printemps.

S’il y aura bien une touche humaine lors de cette « Interview », le ton risque d’être plus lourd et agressif. Le Premier ministre devra se justifier face aux mesures socialement douloureuses prises par le gouvernement, à ses réformes structurelles, au choc frontal avec les Régions francophones dirigées par le PS, à la prolongation du nucléaire, à la réforme de la SNCB… L’exercice, on l’imagine, sera moins aisé, même s’il se fera avec le sourire. Le MR consolide certes ses positions dans les sondages au Sud, mais Charles Michel, paradoxalement, ne bénéficie pas encore en Wallonie d’une aura comparable à celle naissant en Flandre. Le contexte politique est aussi, on le sait, la source de cet esprit critique davantage acéré : l’opposition fédérale francophone PS, CDH, Ecolo, FDF et PTB a de quoi le nourrir.

« Il n’y aura pas de grand scoop, précise-t-on au Seize. Il s’agira surtout de convaincre et de répondre aux questions. » Une nouvelle preuve de cet adage selon lequel il est parfois difficile d’être reconnu comme un prophète dans son propre pays.

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