Gérald Papy

Charles Michel n’est pas Justin Trudeau

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Le sommet des sept plus grandes puissances mondiales, ces jours-ci dans la péninsule japonaise de Shima, consacre les premiers pas sur la scène internationale du Canadien Justin Trudeau. Sept mois après son accession au poste de Premier ministre, sa popularité ne se dément pas. De quoi faire rêver le chef de gouvernement d’un pays à l’optimisme en berne. La comparaison n’est pas incongrue.

Justin Trudeau et Charles Michel sont deux quadragénaires ; ont été nourris à la politique par un père illustre ; sont membres d’un parti libéral (même si le PLC est plus centriste que le MR) et ont été élus sur la promesse d’une rupture. Au Canada, elle a suivi une orientation plus radicale et une symbolique plus forte. Justin Trudeau s’est rapproché des peuples autochtones, a stoppé la participation militaire à la coalition internationale en Irak et en Syrie, a accueilli 25 000 réfugiés syriens puis 10 000 de plus et a annoncé vouloir légaliser la consommation de cannabis en 2017. En fait de rupture, Charles Michel a dû se contenter, lui, d’une inflexion sociale et économique plus libérale, contestée à répétition par la rue, dans le strict cadre budgétaire de l’Union européenne.

Difficile de déterminer si c’est en raison des contraintes multiples ou par manque de stature que Charles Michel gère plus qu’il ne dirige

Toute comparaison a ses limites. Justin Trudeau dirige un gouvernement à sa main, fort de la majorité parlementaire dont dispose le Parti libéral du Canada, quand Charles Michel doit composer avec trois autres partis et ne représente qu’une minorité de la minorité francophone. Et même si le Canada est aussi un Etat fédéral, la coopération entre pouvoirs central et fédérés, de surcroît emmenés par des équipes asymétriques, est autrement plus compliquée à Bruxelles qu’à Ottawa.

Il n’empêche. En regard de la fougue libératrice du Premier ministre canadien capable de raviver la générosité naturelle de ses concitoyens, Charles Michel apparaît systématiquement en position de retenue contrainte. On peut voir là – c’est indéniable – l’ombre tutélaire d’un Bart De Wever, président du principal parti de sa coalition, qui se permet de critiquer un manque d’ambition dont il est le premier responsable. Ou la réserve d’un Premier ministre attaché jusqu’à la caricature à la répartition des compétences quand il se retranche benoîtement derrière l’Ocam (Organe de coordination pour l’analyse de la menace) pour trancher en matière d’antiterrorisme.

L’économiste Bruno Colmant le suggérait récemment, un « comité de concertation » ne soulèvera jamais l’enthousiasme des foules ; les périodes de crise appellent l’émergence d’une figure paternelle et l’aspiration est forte pour un projet de société mobilisateur. En l’état, difficile de déterminer si c’est en raison des contraintes multiples auxquelles il fait face ou par manque de stature que Charles Michel gère plus qu’il ne dirige. Il n’est pas trop tard pour lui, sur le modèle canadien, de se lâcher, de s’imposer et de donner un véritable souffle à son mandat. Par exemple, en fédérant habilement les niveaux de pouvoir autour de politiques communes comme le suggéraient dans une lettre ouverte Bernard Delvaux, Baudouin Meunier et Johnny Thijs. Sous peine de rester uniquement dans l’histoire de Belgique comme le jeune Premier ministre de transition d’une alliance improbable.

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