© Frédéric Pauwels

Charles Michel : « J’ai reçu l’onction des militants »

Son sacre à la tête du MR ne fait pas que des heureux. La manière dont il s’y est pris pour parvenir à ses fins fait jaser. Charles Michel réduit les critiques à des rumeurs malveillantes. Il pose ses valises au QG de son parti ce lundi. Avec la ferme intention de dépoussiérer la boutique.

Le Vif/L’Express : Votre élection à la présidence a tout d’une conquête et d’une prise du pouvoir au MR : l’assimilation vous heurte ?

Charles Michel : Non. Une élection en démocratie implique une démarche de compétition : la capacité de convaincre sur la base d’arguments, d’un programme. Cette dynamique de compétition a donné une très grande légitimité à l’opération électorale. C’est le très grand mérite de cette élection interne au MR. Elle représente un vrai tournant. Il y a un avant et un après-élection.

Où est la rupture ?

Pour la première fois depuis plus de vingt ans, il y a eu une vraie élection au MR. Entre deux candidats, sur la base d’un vrai choix opéré par les militants. Ce qui donne au président une vraie légitimité. Le MR a rompu avec la méthode de cooptation : le président choisi par quelques responsables du parti, ministres et parlementaires, puis des militants qui ratifiaient ce choix comme une simple formalité. C’est fini : il va falloir s’y habituer, au sein du MR et dans le regard extérieur qu’on peut poser sur notre Mouvement.

Cette victoire, vous l’avez finalement remportée à l’arraché. 55 % de voix en votre faveur contre 45 % à votre rival Daniel Bacquelaine : vous êtes loin de faire l’unanimité au sein du parti… Il me plaît de le souligner : alors que nous étions deux candidats, j’obtiens un score personnel, en voix de préférence, supérieur à celui décroché par Didier Reynders, qui était seul candidat en 2008 [NDLR : 9 200 voix pour Reynders en 2008, 9 710 voix pour Charles Michel en 2011]. Et ce résultat est le fruit d’un taux de participation inégalé dans l’histoire du MR : 54 % des militants ont voté, soit près de trois fois plus que le taux moyen de participation. 55-45 : le score est du même ordre que celui obtenu par Jean-Michel Javaux lors de sa première élection à la coprésidence d’Ecolo, ou par Alexander De Croo choisi à la tête de l’Open VLD.

Mais vous n’avez pas réussi à être un candidat de consensus…

J’aurais été beaucoup moins légitime en étant seul candidat élu à 90 % des voix que choisi à 55 % des voix parmi deux candidats. Etre seul en course pouvait donner le sentiment qu’on évitait le risque d’une confrontation interne. Mais compte tenu du nom que je porte, cela aurait en permanence alimenté l’accusation de népotisme, de cooptation par des apparatchiks. Ce soupçon d’élection confisquée aurait abîmé la légitimité. Avec le recul, je me réjouis qu’il y ait eu deux candidats. Cela a permis des débats très denses devant les militants.

Mais cela a aussi occasionné une campagne assez tendue, émaillée de coups bas…

Deux ou trois personnes ont joué l’homme et pas le ballon. Regrettable mais pas tragique.

Tous ces soutiens exprimés par des ténors du parti avant même l’annonce de votre candidature ne faisaient-ils pas un peu trop téléphonés ?

Vous croyez que je leur ai collé un revolver sur la tempe ? Daniel Bacquelaine, en homme intelligent, a bien senti lors de la campagne que s’il voulait retourner à son avantage les nombreux soutiens que, moi, je recevais, il devait exprimer une forme de soupçon à ce sujet. Il a joué une carte qui a sans doute fonctionné puisqu’il a obtenu 45 % des voix. Je ne dirais pas que c’est de bonne guerre, mais j’ai pris cela avec fair-play. En campagne, on utilise les arguments au gré des circonstances. J’ai joué sur ma vitalité, mon expérience au niveau fédéral et régional, mon bilinguisme, une position institutionnelle non ambiguë en faveur d’une Fédération Wallonie-Bruxelles et non du rattachisme.

Après tant de soutiens, allez-vous devoir renvoyer des ascenseurs ? Honorer des promesses faites ?

Pure malveillance. Je réfute totalement. Il n’y a pas eu la moindre promesse de fonctions ou de responsabilités formulée aux uns et aux autres. Les faits me donneront raison. C’est dans mon tempérament. Je ne veux pas m’enfermer dans ce genre de promesses. Je veux être et je serai un président aux mains libres.

Libre aussi de l’influence paternelle ? Les Michel considèrent le MR comme leur chose : la rumeur est tenace. Le seul moyen d’y mettre fin ne vous condamne-t-elle pas à « tuer le père », à tenir désormais Louis Michel à l’écart des affaires du parti ?

Mon père est ministre d’Etat, député européen, ancien vice-Premier ministre. Son expérience est aussi utile au MR que celle de Didier Reynders, de Gérard Deprez, d’Olivier Maingain, de François-Xavier de Donnea… Lui c’est lui, moi c’est moi. Mon père a son caractère, son style. J’ai mon tempérament, ma vision, mon projet, ma manière de faire. Le MR n’appartient pas aux Michel : il appartient exclusivement à ses militants.

Ça va secouer au MR ?

Il va falloir s’habituer à mettre beaucoup plus en débat certains sujets et à fonctionner beaucoup plus sur la base de la démocratie interne et non sur la cooptation. Vous parliez de promesses ? Je n’en ai fait qu’une, une seule : ce sont les 60 pages de mon programme qui tient lieu de feuille de route. J’entends la traduire dans le fonctionnement du MR : je veux plus de modernité, de professionnalisme, d’ouverture, de proximité avec les gens. Ce n’est pas un propos de campagne : je souhaite que le MR devienne le mouvement politique le plus moderne d’Europe.

Au-delà des paroles, quels actes concrets ?

Je vais activer la consultation interne des militants, notamment par un recours aux nouveaux modes de communication. Réduire les congrès de parti où quatre ou cinq orateurs, ministres et parlementaires, se succédant à la tribune pour présenter une leçon. Ministres et parlementaires devront rendre des comptes aux militants, qui auront un droit d’interpellation. Je veux aussi plus de transparence dans la confection des listes électorales : les militants auront un rôle à jouer lors de ce moment clé dans la vie du parti. Je vais faire la tournée des sections locales en Wallonie et à Bruxelles. Et je compte faire une tournée en Flandre. Pour porter, en néerlandais, le dialogue de l’autre côté de la frontière linguistique. Je veux démontrer que la Wallonie n’est pas la caricature présentée parfois par les médias flamands : elle est plus que les affaires de Jean-Claude Van Cauwenberghe à Charleroi, le taux de chômage très élevé dans quelques communes du Hainaut et de Liège. Je présenterai aussi en Flandre les recettes socio-économiques que le MR entend appliquer quand il reviendra dans les majorités régionales et à la Communauté française.

La reprise en main risque-t-elle de faire grincer des dents parmi les barons du parti ?

Je ne ressens pas de méfiance, ou alors elle est extrêmement minoritaire. J’ai reçu l’onction des militants, pas du souhait de quelques parlementaires ou ministres. Ni du nom que je porte.

Entretien : Pierre Havaux

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