© Reuters

« Charles Michel est toujours clanique »

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Après six mois de suédoise, les figures de proue de l’opposition francophone dénoncent un Premier ministre revanchard, qui a opté pour la confrontation et gagnerait à prendre davantage de liberté.

Un Premier ministre pieds et poings liés à la N-VA, qui renonce à ses valeurs. Un bourreau de travail, certes, mais qui ferait bien de se lâcher et d’abandonner ses slogans incantatoires préparés par ses équipes de communication. Un traître de la cause francophone, devenu idéologiquement aveugle et dédaigneux. Pour ceux qui ne sont pas de son bord et qui le fréquentent au Parlement ou dans les négociations sociales, Charles Michel a endossé le costume du 16 en revanchard, prêt à tous les renoncements pour aller au bout de la législature. Quitte à s’isoler complètement du côté francophone.

« Il n’a pas peur de transgresser les codes et de provoquer des ruptures, que ce soit dans un bon ou, plus souvent, dans un mauvais sens, constate Laurette Onkelinx, l’ancienne vice-Première PS devenue sa plus farouche adversaire en tant que cheffe de groupe à la Chambre. Mais ce qui me frappe le plus chez lui, c’est que c’est un homme de clan ! Quand il dirigeait le MR, c’était déjà le clan Michel contre le clan Reynders. Aujourd’hui, c’est celui de la majorité contre celui de l’opposition, celui du fédéral contre celui des Régions… Il n’arrive pas à fonctionner autrement que dans la confrontation. »

Lors de la guerre des chiffres autour de l’ajustement budgétaire, le ministre-président wallon, Paul Magnette (PS), est littéralement sorti de ses gonds, estimant que le Premier fédéral se comportait à l’égard des Régions comme un « ministre des Colonies » et réclamant en pleine réunion du comité de concertation qu’il « abandonne son sourire ironique ». Son ministre du Budget Christophe Lacroix n’a pas hésité à affirmer que Michel « mettait la Belgique en jeu ».

« Il y a parfois chez Charles Michel une forme de dédain, regrette Olivier Maingain, président des FDF, qui a connu des relations tendues avec lui avant l’éclatement du cartel avec le MR. Comme s’il considérait qu’il n’a pas se soumettre à un débat contradictoire. Il use et abuse du ressort de l’antisocialisme, ce qui est sans doute bénéfique pour son électorat, mais on est en droit d’attendre une autre vision du Premier ministre. Il joue une partition décidée à l’avance. Ses équipes de communication lui disent les cinq mots à placer à tout prix. C’est sa manière à lui de se protéger, mais il gagnerait à être plus naturel, plus spontané, plus libre par rapport à sa majorité. »

Selon Benoît Lutgen, président du CDH, Charles Michel a tenté un pari fou et renoncé à de nombreux engagements préélectoraux (accord avec la N-VA, saut d’index, augmentation de l’âge de la pension) pour sauver sa peau à l’intérieur de son parti. Il s’était engagé à le faire revenir au pouvoir et cette alliance de droite était la seule manière d’y arriver, en garantissant au passage sept postes ministériels. Une fuite en avant, mêlant esprit de revanche et analyse stratégique: ce faisant, le MR se pose en seule alternative au PS du côté francophone.

« En rejetant l’opposition d’un bloc, le Premier ministre se prive de points d’appui, regrette Jean-Marc Nollet, chef de groupe Ecolo à la Chambre. Il se ferme, endosse complètement le projet au risque de limiter son avenir à cela. Sincèrement, pour l’instant, d’autres possibles ne transparaissent pas encore. » Un constat d’autant plus cru que Charles Michel ne dispose pas de la même aisance que l’ancien Premier ministre libéral flamand Guy Verhofstadt. « Bien sûr, Charles Michel a son bilinguisme pour lui, prolonge Nollet, mais Verhofstadt avait bien plus que cela : le charisme. Il pouvait rire, y compris de lui-même. Quand Charles Michel le fait, c’est plus calculé, moins spontané. »

« Par tempérament, ce n’est pas quelqu’un qui se jette dans la lutte comme le faisait Verhofstadt, appuie Olivier Maingain. Lui, il avait en outre un flair politique qui lui permettait d’anticiper les problèmes. Charles Michel est plus réactif que proactif face aux peaux de banane de la N-VA. »

Le dossier « Six mois de gouvernement Michel », dans Le Vif/L’Express de cette semaine

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire