« Champion de foot ou pas, on est déjà champion du vent « 

« On ne peut qu’espérer que le tribunal et l’Inspection spéciale des impôts (ISI) fassent leur boulot dans l’affaire Optima et que les coupables soient punis », écrit notre confrère de Knack Ewald Pironet.

On ignore encore si la Belgique ira loin dans le championnat européen de foot, mais nous sommes déjà champions en création de vent. Toutes les X années, on voit surgir des frimeurs qui promettent des montagnes d’or. Jean Pierre Van Rossem et son système boursier Moneytron ou « Jo et Pol » de l’entreprise de reconnaissance vocale Lernout & Hauspie. Ils ont promis des bénéfices largement au-dessus des intérêts en cours, mais après coup, il est apparu qu’il s’agissait de fraude, de tromperie et d’escroquerie. À cette liste, on peut à présenter ajouter Jeroen Piqueur du Planificateur financier Optima. La semaine dernière la banque Optima a été déclarée en faillite et le tribunal examine l’affaire.

Champion de foot ou pas, on est déjà champion du vent

L’argent noir est le fil rouge de la plupart des scandales financiers de notre pays. Y compris dans le cas d’Optima. Optima abordait surtout les indépendants fortunés et les personnes exerçant une profession libérale pour leur proposer d’investir d’un produit d’assurance de la branche 23 au Luxembourg. L’argent rapportait, il ne fallait pas payer de précompte mobilier et après huit ans, il reviendrait en Belgique. Ces huit ans étaient importants : en cas de détection de fraude fiscale, le fisc ne peut revenir que sept ans en arrière. Ainsi, cinq à six milliards d’euros ont été transférés depuis la Belgique vers le Grand-Duché.

Dimension politique

L’affaire Optima revêt une dimension politique importante, apparue surtout après la reprise en 2011 d’Ethias, une banque inféodée par les socialistes pendant des années et mise en difficulté par la crise bancaire. Beaucoup de gens se sont demandé pourquoi la Banque Nationale consent à ce transfert, une question qui se pose encore plus aujourd’hui. Manifestement, cela faisait partie des accords entre les familles politiques classiques. La banque française BNP Paribas a pu mettre la main sur Fortis, comme le voulait le ténor du MR Didier Reynders. Le CD&V a pu négocier qu’Arco, le bras financier de l’ACW qui a perdu beaucoup d’argent avec Dexia, reçoive une garantie d’état. Et les socialistes ont réussi à faire entrer Ethias dans les mains d’Optima. L’ex-ministre socialiste Luc Van de Bossche était déjà administrateur et deviendrait président. Ce sont là des accords à la belge.

Optima fait l’objet d’une collusion entre les gros sous et la politique primitive. La respectabilité a été achetée, les critiques menacés. Van den Bossche n’a pas été le seul à jouer un rôle, le député provincial Versnick (Open VLD), administrateur d’Optima, aussi est impliqué. Deux mois avant la faillite d’Optima, Piqueur a encore essayé de soutirer dix millions d’euros à la province de Flandre-Orientale lors d’une réunion en présence de Versnick. Le conflit d’intérêts allait aussi loin. Pourtant, jusqu’à présent, les libéraux s’en sortent bien. « On les laisse faire », écrit Het Laatste Nieuws.

Mauvais draps

En revanche, les socialistes sont dans de mauvais draps. Le bourgmestre gantois Daniël Termont (sp.a) a prétendu qu’il ne connaissait Piqueur que de loin, jusqu’à ce qu’on découvre qu’il a prononcé un discours lors de son mariage : « Jeroen n’est pas un ami, c’est un bon ami. » Le président du sp.a John Crombez a déclaré récemment que les élections communales de 2018 se joueraient entre le modèle gantois à la Termont et le modèle anversois de Bart De Wever. L’affaire Optima risque de mettre les socialistes en difficulté.

Crombez craint « l’impact de l’affaire Optima sur son parti », mais il porte une lourde responsabilité. La photo qui montre le Secrétaire d’État à la Lutte contre la Fraude en compagnie de la direction d’Optima a été diffusée partout. Que sa visite ait lieu quelques mois après que l’Inspection spéciale des impôts (ISI) ait cessé son enquête contre Optima rend le tout encore plus singulier. Les critiques de Crombez, qui accuse le gouvernement Michel de ne pas s’en prendre aux riches, lui reviennent en pleine figure.

Après la crise bancaire, on a proposé d’instaurer une période d’épouillage de cinq ans avant de laisser les politiques entrer dans la vie d’entreprise. Rien n’a été fait, mais il n’est pas trop tard. Cependant, cette mesure ne résoudra pas tout : la tentation de la fortune incitera toujours certains à franchir les limites. Il faut des contrôles sévères et des sanctions lourdes. On ne peut qu’espérer que le tribunal et l’ISI fassent leur travail dans l’affaire Optima et que les coupables soient punis. L’électeur pourra faire son choix dans l’isoloir.

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