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Cette introuvable coalition fédérale

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Le roi Philippe devra être créatif et psychologue. Aucune des majorités les plus envisagées pour gouverner le pays ne sera simple à négocier. Si un accord est finalement trouvé, ce ne devrait être qu’au bout d’une longue maturation. Vers un plus petit dénominateur commun ?

En ce lendemain de la veille, après le « non » du CDH à la coalition au centre droit telle qu’elle était envisagée par Bart De Wever, le roi Philippe consulte et joue les thérapeutes. Il lui faudra bien de la patience pour renouer le fil. Les autres formules de majorités fédérales sont toutes rendues improbables par les méfiances, les incompatibilités et les psychodrames internes. Revue de détail.

Le centre droit nationaliste (N-VA, CD&V, MR, CDH) 0/10

La formule est morte et enterrée après le refus du CDH. Son président Benoît Lutgen a exclu toute collaboration avec la N-VA, parti « belgosceptique et eurosceptique ». Et sa base craint comme la peste un gouvernement fédéral où le CDH serait attaqué en permanence par le PS et Ecolo, avec des risques aigus de manifestations syndicales massives dans les rues. Cette formule-là, c’est sûr, on ne devrait plus la revoir de sitôt.

La kamikaze (N-VA, CD&V, Open VLD, MR) 3/10

Cela aurait pu être la prochaine coalition testée après l’échec de la précédente, ne fut-ce que pour tenir compte de la velléité flamande de donner un coup de barre à droite en reconnaissant la victoire de la N-VA. Curieusement, c’est le ministre-président flamand Kris Peeters (CD&V) lui-même qui a tempéré les ardeurs : « Avec le seul MR, cela me semble peu viable… » Les réformateurs francophones, eux, sont logiquement divisés sur la question. Ulcérés d’avoir été rejetés une nouvelle fois par le PS dans les Régions, ils prendraient là leur revanche et s’inscriraient dans un projet socio-économique qui leur correspond plutôt bien. Mais ultra-minoritaire à la Chambre dans les rangs francophones, ils seraient constamment sous le feu d’un vaste front francophone : PS, CDH, Ecolo, FDF. Ce n’est pas pour rien que l’on appelle cette option la « kamikaze ».

La 4 G (N-VA, CD&V, MR, PS) 1/10

En d’autres termes, ce serait la coalition des gagnants (d’où le « G ») ayant le mérite de rassembler les deux partis dominants dans les deux communautés du pays (N-VA et PS) avec leurs deux dauphins qui n’ont pas démérité le 25 mai dernier (CD&V et MR). Difficile d’imaginer le PS accepter de rentrer dans un tel traquenard pour la gauche, a fortiori maintenant qu’il s’est associé au CDH dans les Régions.

La coalition miroir (N-VA, CD&V, PS , CDH) 3/10

Ce serait, au fond, la logique confédérale incarnée, le reflet des majorités qui se mettent en place dans les deux principales Régions du pays, la Wallonie et la Flandre. Louis Michel, visiblement en colère et dénonçant la « logique pré-séparatiste » du PS, disait ce jeudi matin : implicitement, par son comportement dans les Régions où il a exclu le MR sans attendre un accord au fédéral, le PS pousse à la constitution d’une coalition miroir au fédéral ». Celle-ci ne correspondrait toutefois en rien au programme socio-économique de la N-VA, qui souhaite gouverner sans le PS, et devrait dès lors intégrer une dimension institutionnelle confédérale, seulement envisageable avec une majorité spéciale des deux-tiers. Très peu probable.

La tripartite traditionnelle (CD&V, Open VLD, SP.A, PS, MR, CDH) 4/10

La reconduction de la coalition Di Rupo avec un Premier ministre CD&V reste un épouvantail. A l’issue d’une longue crise, après que le système ait été mis sous pression, les trois grandes familles traditionnelles repartiraient ensemble pour cinq ans. Un choix d’autant plus légitime que ses composantes n’ont pas été sanctionnées par les urnes. Cette formule offrirait le désavantage pour les partis flamands de nier le grand vainqueur du 25 mai, la N-VA, au risque de l’affronter frontalement puisqu’elle dominera le gouvernement flamand et de le faire grandir encore d’ici le prochain scrutin. Un pari. Un autre obstacle, c’est le voeu très ferme des partis libéraux, tant MR qu’Open VLD, de participer dès lors à une tripartite « à tous les niveaux de pouvoir ». Traduction : PS et CDH devraient s’ouvrir au MR en Wallonie et à Bruxelles, N-VA et CD&V à l’Open VLD en Flandre. Epineux. Enfin, le SP.A est sorti mal en point de l’élection du 25 mai et considérerait cela suicidaire de se lancer dans une nouvelle aventure fédérale sans être au gouvernement flamand. Enfin, alors que l’urgence est socio-économique, pas sûr que cet attelage soit le plus cohérent. Ce serait un « plus petit dénominateur commun » lourd de sens.

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