© Vadot

CETA : finalement, c’était plutôt Tintin qu’Astérix

Nicolas De Decker
Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Et si on s’était trompé ? Si les Wallons avaient accepté le Ceta trop vite pour être qualifiés d’irréductibles Gaulois ? Et si Paul Magnette ne portait pas la moustache ni une gourde de potion magique, mais plutôt la houppette blonde et les pantalons de golf ?

Il paraît que Steven Spielberg a commencé à tourner la suite de son Tintin. Ça tombe bien, parce que si la comparaison de la Wallonie à un célèbre village gaulois a fait le tour du monde, elle a vite été périmée, dès lors que le Ceta n’aura été signé qu’avec trois jours de retard. La N-VA et le commissaire européen Oettinger, eux, ont dessiné une autre analogie : la Wallonie serait le Pays des Soviets. Alors, c’est que Paul Magnette est Tintin. Ça se tient. Voici pourquoi.

Magnette, c’est Tintin

Parce qu’au-delà d’une juvénile blondeur partagée, Tintin est un personnage en creux, que l’on ne connaît pas vraiment. Son seul trait de caractère est le courage. Tintin, en fait, existe surtout par son entourage, mais c’est quand même toujours lui la vedette, dont le nom barre les manchettes des journaux du monde entier. Donc Tintin est un personnage principal très secondaire : sans la galaxie de créatures qui lui tournent autour, ses aventures n’auraient passionné personne. Parmi elles, le petit chien blanc n’est pas Idéfix. C’est Milou. Commençons par lui.

Elio Di Rupo, c’est Milou

Parce qu’il est toujours derrière Tintin, Milou. On n’a jamais vu le toujours jeune Tintin sans son bon vieux Milou, d’ailleurs, le premier n’existerait pas sans le second. C’est que Milou guide beaucoup plus souvent Tintin que le lecteur du Petit Vingtième ne le croit, et que Milou, en plus de montrer le chemin à Tintin, lui sauve parfois la houppette sans jamais lui voler la vedette. Il est parfois ridicule aussi, Milou, alors que le preux Tintin, lui, jamais ne tombe dans le burlesque. C’est qu’il faut dire aussi que Milou n’a pas vraiment d’âge, n’a pas l’air de vieillir, que son look n’a pas bougé d’un poil en vingt-trois albums et que, quand il aboie, en fait, plus personne ne l’écoute vraiment. Sauf Tintin, le seul à comprendre ce qu’il dit. Et cette fois-ci, il a mis Milou en laisse, Tintin. Et il lui a collé un collier en noeud papillon.

Benoît Lutgen, c’est le capitaine Haddock

CETA : finalement, c'était plutôt Tintin qu'Astérix
© Vadot

Parce qu’au départ, dans Le Crabe aux pinces d’or, Tintin ne s’attend pas à en faire ni un copain de circonstance ni même un intime d’éternité. Haddock, c’est un capitaine très émotionnellement instable. Sa vie n’a pas de sens précis, il ne dirigeait pas vraiment ses navires, et, du reste, il sera très vite un marin qui ne navigue presque plus, quelqu’un que la terre indispose mais que la mer ne tente plus. Bref, un niniste. Le capitaine Haddock est issu d’une glorieuse famille de grands navigateurs, et il a pris la mer comme en héritage. Et puis, Haddock, c’est l’homme des colères monstrueuses, des gros mots tavelant les arabesques de la ligne claire, et des insultes improbables. Il vient d’en découvrir deux nouvelles, et il les a hurlées depuis son hôtel de ville de Bastogne, pas loin de Moulinsart (Wallonie) :  » Eurocrate !  » et  » Délinquant politique !  » Au Berlaymont, on préférait les bachi-bouzouks.

Jean-Claude Juncker, c’est la Castafiore

CETA : finalement, c'était plutôt Tintin qu'Astérix
© Vadot

Parce que le président de la Commission européenne, diva aux colères condescendantes, a la voix qui porte comme celle du rossignol milanais. Exactement comme la Castafiore, elle aurait triomphé partout dans le monde alors que tous ceux qui l’entendent s’en détournent. Surtout quand ils sont Wallons. Et puis, cette tumultueuse histoire avec le capitaine Haddock dans Les Bijoux de la Castafiore ne démontre-t-elle pas, au fond, que le fougueux marin est et restera, malgré les sorties médiatiques, malgré les cris et les grincements de chant, un bon parti ? Comme le CDH du Luxembourgeois Benoît Lutgen et le Parti populaire chrétien-social du Luxembourg de Jean-Claude Juncker, quoi.

Justin Trudeau, c’est le yéti

CETA : finalement, c'était plutôt Tintin qu'Astérix
© Vadot

Parce que Justin Trudeau, c’est une grande bête très baraquée, qui vit dans les glaces, très loin de Moulinsart (Wallonie), que tout le monde parle de lui sans vraiment le connaître, que, tout de même, les pucelles du Vieux Continent tremblent à son évocation, et puis que quand on le découvre, finalement, il est tout mignon et tout doux.

Charles Michel, c’est Tournesol

CETA : finalement, c'était plutôt Tintin qu'Astérix
© Vadot

Parce que les drôles d’inventions bricolées en cachette sont un goût qu’ils partagent. La suédoise du Premier, par exemple, a parfois l’air de marcher sur les patins à roulettes à moteur du second, ou d’avoir été lustrée par sa brosse automatique. Mais ils ne partagent pas seulement l’alopécie et la myopie : une forme de presbyacousie précoce frappe également Charles Michel. Elle est heureusement épisodique, mais comme le savant moulinsartois, le politique wavrien est parfois si sourd qu’il n’entend pas ce qu’on lui crie pendant des mois (par exemple, qu’on ne signerait pas le Ceta). Et qu’une fois qu’il l’apprend vraiment, il se met dans une rage folle.  » Qui m’a traité de zouave ?  »

Rudy Demotte, c’est Tchang

Parce que c’est un ancien ami de Tintin, rencontré par hasard mais dont il a appris des choses plutôt sages au début de sa carrière. Mais que là il a quand même vachement disparu, là-bas, bien loin en Extrême-Orient. Tchang, c’était au Tibet. Rudy Demotte, au Japon. Où es-tu, Tchang ?

Laurette Onkelinx, c’est Coco

Pas parce que le craintif boy de Tintin au Congo aime son maître, non. Ni parce que Laurette Onkelinx aurait sauvé Paul Magnette d’un quelconque danger, ou qu’elle l’aurait guidé où que ce soit. Mais bien parce qu’elle est un personnage secondaire, désormais, et que son maître, c’est le jeune monsieur blanc. Il accepte même qu’elle monte dans sa voiture.  » – Alors, c’est bien entendu, Coco, tu m’accompagneras durant tout mon voyage ? – Bien, Missié.  »

Guy Verhofstadt, c’est Philippulus

Parce que le vieux prophète dépenaillé du glaçant début de L’Etoile mystérieuse annonce la fin des temps. Parce qu’il proclame que l’heure de Tintin est venue. Parce qu’il lui ordonne de se repentir, mais que Tintin ne le fait pas. Parce qu’il lui tape sur le nez avec sa spatule. Parce qu’il veut faire exploser le bateau sur lequel embarque Tintin, car il ne veut pas que son voyage atteigne son but. Quoi, Guy Verhofstadt, prophète d’Europe, n’a pas traité Paul Magnette d’envoyé du Diable, de suppôt de Satan ou de serviteur de Belzébuth ? Non, mais presque. Et il a bien dit que le monde s’effondrerait si la Wallonie s’obstinait.

Martin Schultz, c’est Rastapopoulos

Parce que dans le scénario un peu bâclé de cette histoire, le président du Parlement européen a fait irruption comme un ami du héros. Il paraissait vouloir aider Paul Magnette comme Rastapopoulos s’était lié à l’intrépide reporter dans Les Cigares du pharaon. Tintin lui a fait confiance. Dans l’épisode suivant, Le Lotus bleu, il a été fort surpris de découvrir que l’ami putatif dirigeait un gigantesque trafic d’opium. Comme Paul Magnette lorsqu’il a répondu à la mielleuse invitation de son camarade Martin. Et qu’il s’est finalement retrouvé devant une douzaine d’eurocrates qui lui criaient dessus, le 29 octobre dernier, sur la place du Luxembourg, en Tintin devant les encagoulés de la société secrète au Kih-Oskh.

Zakia Khattabi et Patrick Dupriez, c’est Dupond et Dupont

CETA : finalement, c'était plutôt Tintin qu'Astérix
© Vadot

Parce qu’ils travaillent tous les deux ensemble, inséparables sans que l’on comprenne bien qui fait quoi. Parce qu’ils commencent leur enquête beaucoup plus tôt que tout le monde, qu’ils suivent la même piste que le héros pendant des pages et des pages, mais qu’à la fin, c’est de toute façon toujours Tintin qui résout l’énigme avant eux, parfois même à leur place, et qui se retrouve en couverture de l’album. Et donc, parce qu’à la fin, on finit toujours par ricaner d’eux. Même Tintin.

Geert Bourgeois, c’est Tapioca

Parce qu’il est le maître d’un pays lointain qui n’est pas le nôtre et qui est fort instable, quoique ceux qui le président veuillent afficher une autorité souvent surjouée. Et parce que Tintin, lui, préfèrerait que quelqu’un d’autre le remplace. Donc, parce qu’ils sont ennemis. Et parce que dans Tintin et les Picaros, le général Tapioca dénonce une machination orchestrée depuis le château de Moulinsart (Wallonie) :  » … et qu’ils tremblent, ceux qui, lâchement terrés dans leur château poussiéreux… « , menace-t-il, depuis son palais de président de l’onafhankelijke Republiek van San Theodoros.

Chrystia Freeland, c’est le boucher Sanzot

Parce qu’elle ne demandait pas grand-chose, au fond, la ministre canadienne du Commerce. Seulement qu’on ne se trompe pas de numéro lorsqu’on désire lui parler. Et surtout qu’on la laisse livrer sa viande en paix. Certains, pourtant, l’ont appelée à tort et à travers, parfois en PCV, et souvent des appels internationaux. Et d’autres ont fait croire que la viande qu’elle voulait livrer en grandes quantités à Moulinsart (Wallonie) était farcie d’hormones. Une gifle pour cette maison si proche de sa clientèle. Elle, si facilement joignable.

Didier Reynders, c’est Séraphin Lampion

CETA : finalement, c'était plutôt Tintin qu'Astérix
© Vadot

Parce que c’est le plus généreux dispensateur de bons mots du pays de la bande dessinée, qu’il est subitement ami avec tout le monde dès qu’il peut placer un contrat, qu’il porte sur un ruling fiscal ou sur la tête d’un adversaire, et qu’il est le meilleur quand il s’agit d’assurances. Surtout l’assurance d’emmouscailler Charles Michel.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire