« Ce seront surtout les employeurs qui profiteront du tax shift »

Un an après son avènement, le gouvernement Michel a obtenu un accord sur le tax shift, un déplacement des impôts sur le travail vers la consommation, la pollution et la fortune. L’accord a été expédié avant les vacances, mais ne tenait pas encore tout à fait la route. Les dernières décisions devaient être prises en même temps que le contrôle budgétaire et de préférence avant que le premier ministre Charles Michel (MR) ne fasse sa déclaration de politique mardi à la Chambre. Le gouvernement a réussi plus tôt que prévu. Avec quel résultat ?

Le gouvernement aime évidemment souligner que tous ceux qui gagnent moins de 2800 euros bruts auront 100 euros nets de plus par mois d’ici la fin de la législature en 2019. Les personnes qui perçoivent un salaire de 3 300 euros bruts auront 91 euros nets de plus et celles qui gagnent plus que 5 000 euros bruts par mois par exemple, auront 63 euros supplémentaires. Pour atteindre ce montant, on supprime la tranche d’imposition de 30%. Par contre, ce que le gouvernement ne dit pas, c’est qu’en conséquence la Flandre et la Wallonie percevront moins de dotations, car ces dernières sont basées sur la TVA, mais aussi les revenus issus de l’impôt des personnes physiques.

Cela signifie que la Flandre et la Wallonie auront moins d’argent pour l’enseignement, la lutte contre la pauvreté, la culture, etc. à moins qu’elles n’aillent chercher l’argent ailleurs. Ce sera surtout douloureux pour la Wallonie et Bruxelles, qui accusent un déficit important et des dettes encore plus considérables.

On savait déjà que les cotisations sociales des entreprises baisseraient de 33 à 25%. Selon le gouvernement, cette mesure augmentera le nombre d’emplois. Reste à voir si ce sera le cas. L’économiste Maarten Goos (KU Leuven) en doute. Sur un marché de l’emploi parfaitement compétitif, une baisse de charges salariales procure en effet plus d’emplois, mais nous n’avons pas de marché de l’emploi parfaitement compétitif. « Chez nous par exemple, il y a de la marge pour des négociations salariales » explique Goos. « Suite à cette marge, la baisse de charges salariales ne mène pas à des engagements. En plus, les entreprises sortent d’une grosse crise financière. C’est pourquoi elles utiliseront plutôt une baisse des charges pour générer plus de bénéfices et accumuler des réserves financières. Aussi Goos doute-t-il que le tax shift procurera les emplois espérés : « Le gouvernement Michel part du principe que des charges salariales plus basses créeront plein de jobs. Je l’espère, mais je ne le pense pas ».

Le gouvernement a également décidé d’instaurer une taxe sur la spéculation: les personnes qui vendent des actions dans les six mois doivent payer 33% sur la vente. C’est le cas uniquement pour les actions cotées en bourse et les particuliers. On ne peut déduire les moins-values de plus-values éventuelles. Peu de gens s’en soucieront, et certainement pas les riches qui travaillent avec des sociétés. Et puis il y a les mesures prises par tous les gouvernements en manque d’argent. On savait déjà que les accises sur le diesel, les cigarettes et l’alcool remonteraient. Il y aura une taxe sur les boissons sodas à teneur élevées en sucre. Mais il n’est pas question d’harmonisation des tarifs de la TVA. Pourtant, on pourrait très bien tailler dans la masse d’exceptions aux tarifs de la TVA.

Premier pas

Ce tax shift dont on a tellement parlé déçoit

Ce tax shift dont on a tellement parlé déçoit. On ne déplace qu’un montant limité d’impôts du travail à la consommation, la pollution et la fortune. Ce seront surtout les employeurs qui profiteront du tax shift, et on fait beaucoup trop peu pour réduire l’écart entre le salaire brut et net des employés. Mais le pire c’est que ce tax shift n’est pas du tout une amorce vers un système fiscal transparent et moderne. Il en faut pourtant un d’urgence, car le système actuel est trop compliqué pour être juste.

Il semble positif que le gouvernement Michel ait réussi à instaurer ce tax shift après un an, mais il ne s’agit pas beaucoup plus que d’un premier pas. Pour vraiment parler de « changement », il faut qu’il se passe encore beaucoup de choses.

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