Casting wallon: une occasion manquée
Pas de surprise, de la sobriété, de l’expérience et de la continuité dans le gouvernement MR-CDH. Mais pas de signal fort à l’adresse du citoyen.
Il n’y aura pas de message intempestif du type « quel casting de merde », suite à la nomination du gouvernement Borsus, ce mercredi midi. Pas d’expression de désarroi dans le chef du MR comme ce fut le cas après la désignation de l’équipe Michel, il y a trois ans. A l’époque, certains en interne avaient raillé les compétences pièges obtenues par le MR (survol de Bruxelles, fermeture des centrales, SNCB…) et les profils parfois hasardeux (cela s’est vérifié : Jamar, Galant, Marghem). Cette fois, en Wallonie, les libéraux décrochent la totalité des compétences socio-économiques face au Petit Poucet humaniste. Et leur président propose un casting plein de sobriété et d’expérience.
Willy Borsus, qui quitte le gouvernement Michel pour devenir ministre-président, était le mieux placé pour diriger l’équipe. Chef de groupe dans l’opposition lors de la précédente législature wallonne, il maîtrise les matières sur les bouts des doigts et sait là où les ruptures peuvent avoir lieu. Il offre un profil tout en rondeur susceptible de mettre de l’huile dans les rouages – tout le contraire d’un Paul Magnette – et, surtout, présente le grand avantage pour le MR d’être très proche du Premier ministre, Charles Michel, avec qui il avait fomenté la prise de pouvoir en 2011. Du velours pour une politique plus harmonieuse entre le fédéral et la Wallonie.
Derrière lui, les hommes forts du parti lors de l’actuelle législature wallonne, Pierre-Yves Jeholet et Jean-Luc Crucke, étaient incontournables au vu de leur labeur incessant depuis mai 2014. Leur nomination est en outre idéale pour la paix des braves en interne : tous deux sont très proches du vice-Premier ministre fédéral, Didier Reynders. Ce sont, enfin, des puncheurs capables de défendre une politique et de la survendre si nécessaire. Enfin, Valérie De Bue, Première échevine de Nivelles, apporte une touche de fraîcheur féminine en tant que ministre des Pouvoirs locaux – une fonction clé et une terre de réformes dans l’après-Publifin. Un quasi sans-fautes, qui ne surprend pas.
Au CDH, un seul tremblement de terre, attendu : le vice ministre-président sortant Maxime Prévot quitte le gouvernement pour redevenir bourgmestre de Namur à plein-temps. Avec Paul Magnette qui a privilégié le maïorat de Charleroi, l’autre wonder boy de la politique wallonne rentre donc (temporairement ?) dans les rangs. C’est Alda Greoli, la figure montante du CDH, ancienne chef de cabinet du même Prévot, qui devient la figure de proue du CDH. Elle cumule d’ailleurs un portefeuille conséquent – les affaires sociales et la fonction publique – avec sa fonction de ministre de la Culture à la Fédération Wallonie-Bruxelles. Pour le reste, Benoît Lutgen prend les mêmes que ceux qui officiaient dans la majorité avec le PS : Carlo Di Antonio, René Collin et André Antoine au perchoir. Là encore, de l’expérience, mais aucun signal fort en terme de renouveau.
C’est d’ailleurs le principal regret que l’on peut formuler à l’égard de ce casting honnête : il n’y a pas de geste fort adressé au citoyen, pas de surprise du chef susceptible de marquer l’opinion, pas de personnalité hors-norme émanant de la société civile pour tendre la main en cette période de grande confusion. Qu’elle semble loin l’aspiration exprimée par Benoît Lutgen d’ouvrir les portes et les fenêtres de la politique, de créer un mouvement inspiré de la vague française En Marche ! Il fut un temps question dans la presse de l’arrivée d’un Jean-Michel Javaux, ancien coprésident d’Ecolo, patron de Meusinvest et initiateur du groupe de réflexion E-Change, tel un Nicolas Hulot francophone : il n’en est rien, Javaux devient d’ailleurs un des monstres du Loch Ness de la politique francophone. On avait aussi pressenti la désignation du jeune Georges-Louis Bouchez, feu-follet de la politique : il n’en est rien non plus, l’homme étant un rien incontrôlable. Surtout, on aurait pu attendre un responsable de Mutualité, un économiste rigoureux, un artiste brillant, voire un citoyen lambda pour lancer un « Je vous ai compris » à l’opinion publique en colère. Non, cela restera un « entre soi », qui n’est certes pas indécent, mais qui manque de génie. Une occasion manquée.
C’est vrai : le nombre de ministres wallon passe de huit à sept. MR et CDH s’engagent à réduire le coût de fonctionnement de la politique. Leurs présidents de parti ont notamment promis que le nombre des membres de cabinets ministériels serait drastiquement réduit. Voilà un signal positif. Pas sûr, pourtant, que ce soit une révolution de nature à reconquérir le coeur de la population.
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