Joëlle Milquet, vice-présidente de la Fédération Wallonie-Bruxelles et ministre de l'Éducation, de la Culture et de l'Enfance. © Belga

Cabinet Milquet : une enquête difficile

Thierry Denoël
Thierry Denoël Journaliste au Vif

Il a fallu un an pour que le parquet décide de mettre à l’instruction le dossier sur les collaborateurs engagés par le cabinet de Joëlle Milquet, six mois avant les élections de 2014. Pourquoi tant d’hésitation ?

Ainsi donc, le parquet de Bruxelles a fini par mettre à l’instruction le dossier concernant les collaborateurs du cabinet de Joëlle Milquet. En février 2014, Le Vif/L’Express s’interrogeait sur l’engagement, six mois avant les élections, d’au moins huit nouveaux collaborateurs au ministère de l’Intérieur et de l’Egalité des chances, les deux portefeuilles que détenait alors la ministre CDH au sein du gouvernement Di Rupo. Nous avions également publié des profils de fonction détaillant les nombreuses tâches pré-électorales de chacun de ces nouveaux venus qui, pour la plupart, sont ou étaient des élus locaux pour le parti humaniste dans des communes de Bruxelles où Milquet battait vivement campagne.

La ténor CDH s’était, alors, offusquée de ce qu’elle qualifiait d' »insinuations absurdes », affirmant que jamais elle n’avait préparé une campagne depuis son cabinet. La justice a tout de même décidé d’instruire l’affaire. Le ministère public a jugé qu’il y avait matière à investiguer. Or il est plutôt exceptionnel qu’une enquête judiciaire soit lancée à la suite d’un article de presse. Les ministres bénéficiant d’un privilège de juridiction, c’est le parquet général qui s’y colle. Il est toutefois étonnant que l’instruction du conseiller Frédéric Lugentz ait été ouverte seulement au début du mois de février dernier, soit près d’un an après la publication des articles du Vif/L’Express.

Le parquet de Bruxelles avait pourtant rapidement mis le dossier à l’information, dès le mois de mars 2014. Mais, par la suite, aucun devoir d’enquête n’a été demandé par le substitut en charge de celui-ci. Les choses ont traîné jusqu’en septembre. A ce moment-là, le dossier a été transféré et mis à l’information au parquet général. Aucun devoir d’enquête ici non plus… Et puis, vers la fin de janvier, les magistrats du parquet général ont décidé de saisir un juge d’instruction, soit un conseiller au niveau de la cour d’appel. Cette fois, l’enquête semble avoir réellement démarré. Lugentz a la réputation d’être un magistrat rigoureux, énergique, résistant aux pressions. C’est lui qui, en 2009, avait mené la délicate instruction sur les enquêteurs du dossier KB Lux.

Devoir instruire ce genre de dossier douze mois après la révélation des faits qui font l’objet des investigations, ce n’est pas un cadeau. Dans ce genre d’affaire, quelle qu’elle soit, les suspects, s’ils ont quelque chose à se reprocher, ont le temps, en un an, de nettoyer tous les indices. En outre, les cabinets de l’Intérieur et de l’Egalité des chances ont changé d’occupants depuis lors. C’est d’abord Melchior Wathelet qui a assuré l’intérim pour sa collègue CDH nommée ministre de l’Education à la Fédération Wallonie-Bruxelles. Puis Jan Jambon (N-VA) et son équipe ont pris possession des lieux et du matériel. Cela fait beaucoup de changements.

Evidemment, lancer, avant les élections du 25 mai, une grande enquête risquant de faire du bruit s’avérait extrêmement périlleux pour la Justice. Car Joëlle Milquet aurait pu reprocher au parquet d’avoir hypothéqué son résultat électoral, surtout si les investigations ne débouchent sur rien. Mais, entre le scrutin et le début de l’instruction, sept mois se sont écoulés. Pourquoi cette frilosité, alors que le parquet avait tout de même pris l’initiative – le risque ? – d’ouvrir une information ? L’enquête s’annonce difficile.

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