Christine Laurent

« C’est dingue, ça ! »

Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

Il n’est pas né de la dernière pluie, Elio Di Rupo. Pour preuve, malgré les dérapages non contrôlés et la musculation des uns et des autres ces derniers jours, il réussit à maintenir le cap en bétonnant un maximum d’accords. « C’est dingue, ça ! », pour emprunter l’une des expressions favorites de son grand rival Bart De Wever.

Très faible, Bart Albert Liliane De Wever, ces derniers temps. Pas au meilleur de sa forme. C’est à peine si l’on perçoit encore l’une ou l’autre de ses saillies faiblardes, une petite rosserie par-ci, une par-là, alors que tous les micros lui sont en permanence généreusement offerts. Normal, c’est un bon client pour les médias, le meilleur sans doute. Plus envie de parler ou bien rien à dire ? Depuis que les négociations avancent à grands pas et que la scission de BHV est (presque ?) entérinée, il se fait drôlement discret. Finis les provocs et les exigences, la polémique et l’affrontement. En porte à faux, le président de la N-VA ? « Au moins ça marche, au mieux ça fonctionne pour la N-VA », aimait-il à seriner en plein marasme. Traduction, seule la crise est favorable à son parti. Alors en temps de pacification, c’est la bérézina. Les petites phrases font flop. Pas simple le rôle du grand méchant loup à qui on a limé les crocs. Mais patience, il attend son heure.
Car, ces derniers jours, ça patine, ça patine. Il faut sortir de l’ornière le projet BHV judiciaire, trouver des arrangements sur le socio-économique, là où le MR s’attend à un « return » significatif pour avoir osé larguer le FDF. Sans oublier le CD&V qui doit pouvoir quitter la table des négociations avec quelques trophées institutionnels et financiers. Ou bien encore l’Open VLD. Et puis, que faire des verts ? In ou out ? Le sauve-qui-peut guette, même si le formateur a encore bien des tours dans son sac. Echec interdit ! Persévérance, sérieux, intelligence, finesse, maîtrise absolue de la communication, grande capacité à rebondir, charisme, séduction, ténacité… ils lui en attribuent des qualités au formateur, et pas des moindres, les experts que nous avons interrogés cette semaine. On croyait que Di Rupo n’avait pas d’estomac. Faux ! A la lueur des derniers événements, il apparaît clairement qu’il a l’étoffe des grands, genre Dehaene ou Verhofstadt. Il sait les amadouer, les Flamands, en les caressant dans le sens du poil, lâchant du lest quand il le faut, jouant habilement sur tous les registres de la tragi-comédie. Di Rupo maestro ? Il sait se placer au-dessus de la mêlée, affirment nos experts, tant néerlandophones que francophones. Enfin, il a l’art de se mettre à la place de l’autre pour mieux l’enrober et le neutraliser. « C’est dingue, ça ! »

Bien entendu, il n’est pas seul aux commandes. Nul doute qu’il a reçu un sacré coup de pouce de Charles Michel « qui a clairement montré cinq minutes de courage politique en risquant la scission de son parti », épingle dans Le Vif/L’Express, cette semaine, le politologue de l’université d’Anvers et de la VUB Dave Sinardet. Et l’appui déterminant de Wouter Beke et de Kris Peeters qui ont osé lâcher la N-VA. Un pari, un coup de poker, tant ils jouent gros. Tous les yeux rivés sur un même objectif : réussir à construire la sixième réforme de l’Etat pour sortir notre pays du bourbier politique et économique dans lequel il est enlisé depuis près de 500 jours. Une poignée d’hommes et de femmes de bonne volonté pour tenter d’éviter un naufrage et qui sont probablement en bonne voie pour y parvenir. Oui, Bart a raison : « C’est dingue, ça ! »

CHRISTINE LAURENT

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