Kris Peeters © BELGA

Budget: « La situation risque de mal tourner pour le CD&V »

Le Vif

Le premier ministre Charles Michel (MR) a reporté sa déclaration de politique à la Chambre après le blocage des négociations budgétaires et le rejet d’une proposition de compromis par le CD&V.

Manifestement, l’Open VLD et la N-VA n’approuvent pas la façon de négocier du vice-Premier CD&V Kris Peeters. Celui-ci a quitté la table des négociations lundi soir, sans y revenir. « On négocie à table, pas en se cachant dans son cabinet », a réagi Alexander De Croo (Open Vld) à la VRT. « C’est une situation très bizarre », estime Jan Jambon (N-VA).

Les négociations bloquaient en raison de la taxe sur les plus-values sur action. Le CD&V veut absolument mettre en oeuvre cette mesure et en fait une condition à un impôt des sociétés réduit, une exigence de la N-VA.

Vers minuit, il est apparu que Kris Peeters ne reviendrait pas à la table des négociations. Kris Peeters a encore envoyé une proposition à ses collègues, dont il voulait débattre avec eux mardi à 09h00. Mais le premier ministre Charles Michel et les partenaires de coalition – la N-VA, l’Open Vld et le MR – n’ont pas accepté l’ultimatum. Le discours de rentrée du premier ministre a donc été reporté.

Les partenaires de la coalition sont indignés par l’attitude du CD&V et du vice-Premier ministre Kris Peeters. « Nous avons attendu qu’il revienne. C’est une situation très bizarre », a indiqué le vice-Premier ministre N-VA Jan Jambon. « Nous avons régulièrement eu des contacts. Il a à chaque fois annoncé son retour, mais cela n’est pas arrivé. »

« Nous avons perdu énormément de temps, c’est dommage », a pour sa part commenté Alexander De Croo à la VRT. « Une négociation, ça se mène à table, pas en se cachant dans son cabinet et en envoyant des textes et un SMS disant qu’on ne revient pas. Ce n’est pas mon style. Si j’ai quelque chose à dire, je vais voir mes collègues et je leur explique. »

Wouter Beke: « Il ne faut pas dramatiser »

Pour le président du CD&V, Wouter Beke, il n’est pas question d’une crise gouvernementale et les partenaires de la coalition doivent chercher un accord sur des réformes structurelles telles que la baisse de l’impôt des sociétés et la mise en oeuvre d’une taxe sur les plus-values sur actions. « Nous ne devons pas dramatiser les choses », a-t-il indiqué dans De Ochtend (VRT). Le report de la déclaration du premier ministre n’est « pas élégant », mais « pas un drame non plus », a-t-il estimé en niant que son parti ait mis le couteau sur la gorge du premier ministre.

Les deux propositions ne se trouvaient pas dans l’accord de gouvernement, reconnaît Wouter Beke, mais ces réformes devraient être discutées « sérieusement » ces prochains jours. Le CD&V veut des garanties sur le fait que la baisse de l’impôt des sociétés « soit financée de la bonne manière ». « Autrement, nous devrons constater l’an prochain qu’il y a un trou », affirme Wouter Beke. Le CD&V continue à lutter pour l’instauration d’une taxe sur les plus-values. « La contribution des personnes fortunées est importante. On ne parle pas ici du petit investisseur ou des PME », souligne le président du CD&V.

Le gouvernement n’a pas encore fixé de nouvelle date pour la déclaration gouvernementale, même si la Belgique doit soumettre son budget à l’Europe le 15 octobre.

Bien que les négociations s’enveniment, Didier Reynders ne veut pas parler d’une crise. « Pour avoir une crise, il faut attendre encore quelques jours. Ce n’est pas la première fois qu’il faut reporter une déclaration de politique. » D’après l’entourage du premier ministre, Charles Michel est en train de consulter les partis de la majorité. La question, c’est où et quand les discussions reprendront.

« On voit que les partis du gouvernement se réfèrent au passé », constate le politologue Dave Sinardet (VUB) sur Radio 1. Il y a eu une situation comparable en 2013 sous Elio Di Rupo. « La N-VA parlait de gâchis. Aujourd’hui, la situation est douloureuse pour un parti qui voulait agir différemment de Di Rupo. »

D’après Sinardet, l’attitude du CD&V s’explique également électoralement. « Le flanc droit du parti est déjà parti en direction de la N-VA. C’est pourquoi il essaie d’adopter un nouveau profil. » D’après lui, cette attitude ne fait que renforcer la confiance mutuelle au sein du gouvernement.

Au cours de la soirée, le vice-Premier ministre Jan Jambon (N-VA) a clairement laissé entendre que, pour lui, la baisse de l’impôt sur les sociétés et la réforme du marché du travail « font intégralement partie de l’accord budgétaire ». En outre, il faut voir si sans réformes structurelles le travail budgétaire passerait l’examen de la Commission européenne.

Il ne fait pas de doute que le report de la déclaration de politique générale est un coup dur pour le premier Michel, même si ce n’est pas exceptionnel. Son prédécesseur – le socialiste Elio Di Rupo – a dû reporter sa dernière déclaration de politique parce que les discussions sur le budget traînaient.

Direction du parti

Lundi soir, Kris Peeters a profité d’une pause dans la discussion pour consulter la direction du parti qui a décidé que les propositions étaient insuffisantes.

Le point d’achoppement dans la proposition de compromis du premier ministre ? La différence entre exécuter et examiner. Le texte de Michel stipule que la réforme de l’impôt sur les sociétés proposée par la N-VA sera « exécutée » alors que l’impôt sur la plus-value souhaité par le CD&V sera « examiné ». « Nous demandons un parallélisme entre l’impôt sur les sociétés et l’impôt sur la plus-value », a déclaré le cabinet de Peeters. « Avec le même timing, c’est-à-dire d’ici la fin de l’année. C’est faisable. »

« Le budget est prêt à être soumis au parlement, le premier ministre peut présenter mardi la déclaration de politique générale », avait encore déclaré lundi le vice-Premier ministre Didier Reynders selon qui il reste au plus quelque 10 millions de corrections techniques à effectuer sur environ quatre milliards d’euros d’effort.

Or, les partenaires de la coalition du CD&V sont en colère que les chrétiens-démocrates aient attendu « si longtemps » pour lancer leur proposition de taxe sur les plus-values. « Nous ne sommes pas naïfs, nous savions qu’ils insisteraient pour ça. Mais comme ils ont attendu ce week-end, nous allons vraiment manquer de temps », a déclaré un partenaire de coalition. « Ce n’est pas à faire de tout développer. Et pour l’instant, même la recherche d’une formulation plus générale dans les textes ne semble pas possible. »

Concrètement, le vice-Premier ministre Kris Peeters (CD&V) a proposé ce week-end d’instaurer une taxe sur les plus-values d’actions cotées en bourse et de produits dérivés. En outre, une première tranche de plus-values serait exonérée alors que les moins-values seraient déductibles jusqu’à un certain point. En plaçant le seuil suffisamment haut, le CD&V vise les « 10% de la population qui possède 85% des actions ».

Jouer le tout pour le tout

Le CD&V joue le tout pour le tout. « Si nous n’options pas pour une fiscalité juste, le problème est plus grand que ce gouvernement », a déclaré Peeters fermement lundi soir. Les autres partis de coalition estiment toutefois que les chrétiens-démocrates risquent de se tirer une balle dans le pied. « La situation risque de mal tourner pour le CD&V, particulièrement quand on voit le ton ferme qu’ils adoptent. »

Peeters et co associent en effet la taxe sur les plus-values à l’impôt sur les sociétés que le ministre des Finances Van Overtveldt espère instaurer dans trois ans. Et ce dernier ne semble pas prêt à se laisser envoyer sur les roses. Une description vague comme lors du contrôle budgétaire du mois d’avril ne suffira plus, surtout que les textes de loi sont déjà prêts, affirme son cabinet.

Belga/KVDA/RR

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