Olivier Mouton

Budget : la « recette belge » a ses limites

Olivier Mouton Journaliste

Le gouvernement Di Rupo a bouclé son budget et accouché d’un mini plan de relance, mais il se divise sur le coût salarial. Oui, un Belge a reçu le prix Nobel, mais le chemin vers le vrai redressement est encore long.

Dans la stratégie de communication mise en oeuvre par le Premier ministre Di Rupo pour vanter les vertus du modèle belge, mardi fut encore un jour de gloire. Le prix Nobel de Physique attribué au professeur François Englert a permis aux services du Premier de claironner: « Chaque fois qu’une personnalité belge est récompensée, c’est tout bénéfice pour l’image du pays. Et en l’occurrence, un prix Nobel, c’est le top absolu! » Le tout alors que le pays tout entier se prépare avec frénésie pour les deux matchs décisifs pour la qualification au Brésil que les Diables rouges joueront ces vendredi et mardi en Croatie et contre le Pays de Galles. Certains membres du gouvernement fédéral – Melchior Wathelet en tête – ont même donné de leur personne en posant avec des supporters, affublés du maillot national.

Plus aride: le Premier ministre a présenté hier soir un accord sur le budget 2014. Le travail avait déjà été bien entamé cet été et il ne s’agissait pas de l’épure la plus compliquée depuis le début de la législature. Résultat ? 439 millions d’euros ont été « économisés ». En outre, 236 millions d’euros ont également été dégagés pour soutenir un plan de relance. Un nouveau cocorico! Elio Di Rupo d’y aller de son refrain (connu) des derniers mois: « C’est la recette belge: un mixte entre économies budgétaires, soutien au pouvoir d’achat et soutien aux entreprises. » Le modèle B, que le gouvernement défendra avec force devant les électeurs, c’est celui-là!

La « recette belge » nous promet de beaux jours! Voire. Car elle a ses limites.

Tout d’abord, les « économies » budgétaires sont parfois un trompe-l’oeil, car elles contiennent aussi des recettes nouvelles ou des non-dépenses. Quand le fédéral affirme avoir économisé plus de 20 milliards depuis le début de la législature, il pousse le bouchon un peu loin. « Ces chiffres qui vous mentent », ce sera d’ailleurs le dossier de couverture de votre magazine cette semaine.

Ensuite, le plan de relance est mini – mini. Il a certes le mérite d’exister dans les circonstances actuelles de crise, mais ces moyens supplémentaires ne contribueront qu’à la marge à aider notre pays à se redresser: 95 millions aux PME, à l’industrie, 49 millions à la création d’emplois… Ce n’est pas Byzance. L’ère des cadeaux électoraux facile est révolue.

Surtout, l’équipe Di Rupo n’a pas réussi à s’entendre au sujet d’un point très important: la réforme de la loi de 1996 balisant les salaires. En court, il s’agit de rattraper notre déficit de compétitivité par rapport aux pays voisins (Pays-Bas, France et Allemagne). Notre handicap salarial se situerait entre 5,1 % selon le Conseil central de l’économie et 16 % selon le patronat. C’est le premier hiatus: les partenaires de la majorité, hétéroclite puisqu’elle rassemble les trois principales familles du pays, ne s’entendent pas sur les chiffres qui, souvent, disent ce que l’on veut leur faire dire. Les divergences idéologiques entre libéraux flamands et socialistes francophones, pour donner le spectre dans son entièreté, empêchent par ailleurs de conclure sur le fond: l’Open VLD De Croo s’arc-boute sur un gel des salaires pur et simple, la PS Onkelinx veut autoriser des augmentations salariales lorsque le dérapage est limité.

Ce ne sont là que des débats normaux dans une coalition, qui atterriront sans doute dans les prochains jours, mais ils témoignent de la difficulté de mettre en place des réformes structurelles d’envergure au sein d’une équipe aux sensibilités à ce point différentes. A fortiori alors que se profile la « mère de toutes les élections », dans huit petits mois. Et ce alors que le FMI annonce une nouvelle période d’incertitude mondiale avec un recul de la croissance quasi généralisé.

Or, on sait les enjeux prioritaires pour les prochains mois: réforme fiscale, gestion du coût du vieillissement de la population, atterrissage d’une réforme de l’État qui ne sera financièrement pas neutre… Sans oublier une N-VA en embuscade avec ses projets confédéralistes.

Stromae était magnifique sur la Grand-Place, parlant dans les deux principales langues nationales. François Englert était somptueux d’humilité en recevant son prix Nobel. Les Diables rouges, espérons-le, sauront trouver les clés de la qualification avec brio.

Mais bien des hypothèques pèsent encore sur les sourires à répétition du Premier ministre et la désormais fameuse « recette belge ».

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