Pierre Havaux

Budget 2012 : des millions dans le brouillard

Pierre Havaux Journaliste au Vif

Comment établir un budget sérieux quand le temps presse et que les repères s’effondrent? La Cour des Comptes épingle les incertitudes du budget 2012 ajusté de Di Rupo Ier. Excès de précipitation ou d’optimisme ?

Si même la très sourcilleuse Cour des comptes met la pression…. Di Rupo Ier est prié de s’activer s’il veut tenir ses engagements de lutter plus efficacement contre la fraude sociale : « sans que des modifications légales ou réglementaires n’aient été requises, la Cour des comptes relève que certaines initiatives du gouvernement, soutenues dès décembre 2011, n’ont jusqu’ici guère été concrétisées sur le terrain. »

C’est l’ONSS qui se fait ainsi gentiment tirer l’oreille par les gardiens de l’orthodoxie budgétaire : « L’ONSS n’a encore pris aucune décision » pour faire usage des 625.000 euros qui ont été débloqués afin d’augmenter le nombre de contrôleurs sur le terrain.

Une observation parmi d’autres, que la Cour des comptes formule à propos du budget fédéral 2012 ajusté en février par Di Rupo Ier pour garder le cap budgétaire.

Ici et là, l’organe de contrôle du budget a tiqué en parcourant la copie revue et corrigée du gouvernement fédéral.

Faute d’infos détaillées, il s’interroge sur les 250 millions d’euros que le fédéral espère retirer en refilant des compétences « usurpées » aux Régions.

L’Etat fédéral revoit à la hausse (+ 19,3millions) les dividendes qu’il compte retirer de ses participations dans les banques ? Fort bien. Mais la Cour se pose des questions sur la pertinence de ces estimations. Elle reste tout aussi perplexe devant les recettes que l’Etat attend d’opérations financières liées à la crise financière : les infos justificatives lui manquent cruellement.

La coûteuse loi Salduz, qui met le monde des avocats en ébullition ? Les contrôleurs sont bien en peine de se prononcer sur le sérieux des moyens financiers annoncés. Mais ils nourrissent de gros doutes : « les crédits budgétaires du SPF Justice pour 2012 ne seront peut-être pas suffisants. » Sans parler de l’impact sur le travail policier : « la police fédérale ne dispose pas jusqu’à présent de chiffres fiables pour réestimer précisément le coût supplémentaire causé par l’application de la loi Salduz. »

Aux Affaires étrangères, on reporte des charges à plus tard. Aux Pensions ? On sous-estime des dépenses. On renforce le contrôle du chômage temporaire et des entreprises de titres-services : le sérieux des montants avancés reste un mystère pour la Cour des comptes, en l’absence d’infos sur la méthode d’évaluation.

Autant de millions d’euros maintenus ici et là dans le brouillard. Autant de piqûres de rappel qui soulignent à quel point confectionner un budget consiste aussi à prendre certains rêves pour des réalités.

Tous les gouvernements ont cédé à la tentation. Mais quand les temps sont à ce point incertains et que l’urgence devient un réflexe de gestion, il reste la foi du charbonnier pour croire au miracle.

Pierre Havaux

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